« L’Homme de douleur » Sermon de Charles Spurgeon
Charles Haddon Spurgeon a prêché ce sermon en mars 1873. Tiré de The Metropolitan Tabernacle Pulpit, trad. libre,63 vol., Londres, Passmore & Alabaster, 1873, vol. 19, p. 121-32. Des coupures de paragraphes ont été insérées, la ponctuation a été simplifiée et certaines expressions archaïques ont été modernisées ; l’appel final de Spurgeon à son assemblée a été abrégé. Les citations des Écritures proviennent de la Nouvelle Édition de Genève (1979), ou bien sont paraphrasées par Spurgeon.
Homme de douleur et habitué à la souffrance… Ésaïe 53.3
Il est possible qu’un murmure fasse le tour de l’assemblée : « Quel sujet ennuyeux, quel thème lugubre ! » Cependant, bien-aimés, cela n’est pas le cas ; aussi grande qu’ait été l’affliction de notre Rédempteur, elle est maintenant terminée, et doit désormais être considérée avec un triomphe sacré.
Le combat a été difficile, mais la victoire a été gagnée. Le navire qui peinait a été gravement agité par les vagues, mais il est maintenant rentré au port. Notre Sauveur n’est plus agonisant à Gethsémané ni mourant sur la croix. La couronne d’épines a été remplacée par un grand nombre de couronnes de souveraineté. Les clous et la lance ont fait place au sceptre. Là n’est pas la fin, car, bien que la souffrance soit terminée, les bienheureuses conséquences durent à jamais.
Nous pouvons nous rappeler le labeur, car l’enfant humain est né dans ce monde. Les semailles faites dans les larmes sont suivies de la moisson avec chants d’allégresse. La blessure au talon de l’enfant de la femme est bien compensée par l’écrasement de la tête du Serpent. Il est plaisant d’entendre parler de batailles, lorsqu’une victoire décisive a mis fin à la guerre et a permis d’établir la paix. Ainsi, avec la double réflexion que tout le travail de la souffrance est achevé par le Rédempteur et que, dorénavant, il voit le fruit de tout son labeur, nous nous réjouissons quand même alors que nous entrons dans la communion avec ses souffrances.
N’oublions jamais que le sujet de la douleur du Sauveur s’est révélé plus efficace pour le réconfort des affligés que tout autre thème de la portée de la révélation ou en dehors de celle-ci. Même les gloires de Christ n’offrent pas aux esprits accablés une consolation aussi grande que les souffrances de Christ. En toutes choses, Christ est la consolation d’Israël, mais là où il l’est le plus, c’est en tant qu’homme de douleur. Les esprits troublés se tournent vers le Calvaire plutôt que vers Bethléhem. Ils préfèrent Gethsémané à Nazareth. Les affligés ne cherchent pas autant le réconfort de Christ tel qu’il reviendra dans sa splendeur que celui de Christ tel qu’il est venu la première fois, en tant qu’homme las et souffrant.
La fleur de la passion libère le meilleur parfum qui soit. L’arbre de la croix nous donne le baume le plus curatif. Dans ce cas, le traitement se rapproche de la blessure, car il n’existe aucun remède sous le soleil semblable aux douleurs d’Emmanuel. De même que la verge d’Aaron a englouti toutes les autres verges, les souffrances de Jésus ont fait disparaître les nôtres. Ainsi, dans le sombre sol de notre sujet, la lumière est semée pour les justes, la lumière qui jaillit pour ceux qui sont assis dans les ténèbres, dans la région de l’ombre de la mort.
Allons donc sans réserve à la maison de deuil, pour entrer en communion avec « le plus grand des affligés » qui, plus que tout autre, pouvait dire : « Je suis l’homme qui a vu la misère » (La 3.1).
Nous ne nous éloignerons pas de notre texte ce matin, mais le suivre si fidèlement que nous sonderons chacun de ses mots. Ce sont ces termes qui nous donneront nos divisions : « un homme », « un homme de douleur », « habitué à la souffrance ».
Un homme
Il n’y a rien de nouveau pour personne ici dans la doctrine de l’humanité réelle et concrète du Seigneur Jésus-Christ. Néanmoins, bien que ce concept ne soit pas neuf, il n’en est pas moins important. C’est pourquoi nous nous pencherons à nouveau sur cette doctrine.
Elle est comme une cloche d’église que l’on doit faire retentir tous les dimanches, comme des vivres dans la maison de l’Éternel qui, tout comme le pain et le sel, devraient être servis à tous les repas spirituels. C’est la manne que nous trouvons tous les jours autour du camp. On ne peut jamais méditer assez sur la personne bénie de Christ en tant que Dieu et en tant qu’homme.
Méditons sur le fait que celui qui est ici appelé un homme était manifestement « vrai Dieu de vrai Dieu », « un homme » et « un homme de douleur », mais aussi, en même temps, « au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement » (Ro 9.5). Celui qui était « méprisé et abandonné des hommes » était bien-aimé et adoré des anges ; celui dont on détournait le visage avec mépris était vénéré des chérubins et des séraphins. Nous trouvons là le grand mystère de la sainteté. Dieu s’est « manifesté en chair » (1 Ti 3.16). Celui qui était Dieu, et qui au commencement était avec Dieu, a été fait chair et a habité parmi nous. Le plus élevé s’est abaissé au plus bas ; le plus grand a pris sa place parmi les plus petits. Étrange, mais vrai, et faisant appel à toute notre foi pour le comprendre, celui qui s’est assis au puits de Sychar et a dit « Donne-moi à boire » n’était nul autre que celui qui avait creusé le fond des océans et qui y avait versé les flots.
Ô Fils de Marie, tu es aussi le Fils de Jéhovah ! Homme de la substance de ta mère, tu es aussi Dieu dans ton essence ; nous t’adorons aujourd’hui en esprit et en vérité !
Alors que nous nous rappelons que Jésus-Christ est Dieu, il nous incombe maintenant de ne pas oublier que son humanité était toutefois réelle et substantielle. Elle différait de notre propre humanité par son absence de péché, mais en rien d’autre.
Il est vain de conjecturer sur l’humanité céleste, comme certains l’ont fait et, par leur propre souci du détail, ont ensuite été engloutis dans des tourbillons d’erreur. Il nous suffit de savoir que le Seigneur est né d’une femme, qui l’a emmailloté, placé dans une mangeoire et nourri, comme tout autre nouveau-né. Il a grandi en stature, comme tout autre être humain, et une fois adulte, nous savons qu’il a mangé, qu’il a bu, qu’il a eu faim et soif, qu’il s’est réjoui et qu’il a été attristé. On pouvait toucher son corps, le porter, le blesser et le faire saigner. Il n’était pas un produit de l’imagination, mais comme nous, un homme en chair et en os qui avait besoin de sommeil et de nourriture, qui ressentait la douleur et qui, à la fin, est mort.
Il est vrai que ce corps se distinguait sans doute du nôtre en ce qu’il n’a jamais été souillé par le péché et qu’il était incapable de corruption. Hormis cela, le Seigneur Jésus était, corps et âme, parfaitement homme de la race humaine, « dans une chair semblable à celle du péché », et c’est sous cet angle que nous devons l’envisager. Notre tentation est de voir l’humanité du Seigneur comme si elle était différente de la nôtre. Nous sommes enclins à spiritualiser cette humanité et à ne pas concevoir le Seigneur comme étant réellement os de nos os et chair de notre chair. Tout cela constitue une erreur grave. Nous nous imaginons peut-être honorer Christ avec de telles conceptions, mais Christ n’est jamais honoré par ce qui n’est pas vrai.
Il était un homme, un vrai homme, de la race humaine, le Fils de l’homme ; en fait un homme représentatif, le second Adam. « Ainsi donc, puisque les enfants participent au sang et à la chair, il y a également participé lui-même » (Hé 2.14). « Mais il s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes » (Ph 2.7).
En s’abaissant pour participer à notre nature, le Seigneur Jésus se fait proche de nous. Puisqu’il était homme, quoiqu’également Dieu, il était aussi, d’après la loi hébraïque, notre goel, c’est-à-dire notre proche parent. Selon la loi, si un héritage était perdu, le plus proche parent avait alors le droit de le racheter. Notre Seigneur Jésus a usé de ce droit légal ; nous voyant vendus en esclavage et constatant que notre héritage nous avait été retiré, il est venu nous racheter ainsi que notre héritage perdu.
Quelle bénédiction est-ce pour nous que d’avoir un proche parent comme lui ! Lorsque Ruth a glané dans les champs de Boaz, il s’est avéré, dans une bienheureuse tournure d’événements, que ce dernier était son parent proche. Pour nous qui avons glané dans le champ de miséricorde, louons le Seigneur pour son Fils unique qui est notre parent proche et qui, dans notre malheur, se montre un frère.
Il aurait été incompatible avec la justice divine qu’un substitut autre qu’un homme soit accepté pour nous. L’homme a péché, et l’homme doit réparer l’injure faite à l’honneur divin. La violation de la loi, causée par l’homme, doit être réparée par l’homme. C’est l’homme qui a transgressé, et c’est l’homme qui doit être puni. Aucun ange n’avait le pouvoir de dire : « Je vais souffrir pour le compte de l’homme », puisque la souffrance des anges n’aurait pas pu racheter le péché des hommes. Cependant, c’est l’homme, l’homme inégalable, représentant de l’humanité, le parent proche autorisé à faire cette rédemption, qui s’est livré, qui a souffert ce qui était dû, qui a offert un dédommagement pour la justice lésée, et qui nous a ainsi libérés ! Gloire à son nom béni !
Et maintenant, bien-aimés, puisque le Seigneur a vu dans l’humanité de Christ un caractère adéquat pour devenir notre Rédempteur, j’ai confiance que beaucoup d’entre vous ici présents, qui ont été sous l’asservissement de Satan, trouveront dans cette même nature humaine un attrait qui les conduira à s’approcher de Christ. Pécheur, tu n’as pas à venir à un Dieu absolu, tu n’as pas à t’approcher d’un feu dévorant. Tu dois en effet trembler à l’approche de celui que tu as si gravement offensé. Néanmoins, un homme a été établi pour être le médiateur entre toi et Dieu, et, si tu veux venir à Dieu, tu dois venir par lui, l’homme Christ Jésus. En dehors de Christ, le spectacle de Dieu dans le lieu très saint est terrible. Il n’épargnera en aucun cas le coupable, mais tourne ton regard au-delà, vers le Fils de l’homme !
Sa main n’apporte pas le courroux,
Son regard n’inspire pas la terreur,
Vos âmes coupables n’attirent pas ses foudres
Vers les féroces flammes de l’enfer.
Les mains de cet homme sont remplies de bénédictions, ses yeux versent des larmes de compassion, de ses lèvres sortent des paroles d’amour, et de son cœur la tendresse déborde. Ne vois-tu pas l’entaille dans son côté ? Cette blessure ouvre la voie vers son cœur, et celui qui a besoin de sa compassion pourra bientôt la trouver. Ô pécheurs ! La voie vers le cœur du Sauveur est ouverte, et ceux qui le recherchent dans la repentance ne seront jamais repoussés. Pourquoi les plus désespérés ont-ils peur de s’approcher du Sauveur ? Il a accepté de devenir l’Agneau de Dieu. Je n’ai jamais rencontré d’enfant qui aurait peur de s’approcher d’un agneau. Même les plus craintifs peuvent s’approcher d’un agneau, et c’est cet argument que Jésus a utilisé pour dire à tous ceux qui sont fatigués et chargés : « Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur » (Mt 11.29).
Je sais que vous vous sentez attristés et tremblants, mais est-il nécessaire de trembler en sa présence ? Si vous êtes faibles, votre faiblesse touchera sa compassion, et votre incapacité suscitera son abondante miséricorde. Si j’étais malade et que je pouvais décider où me reposer pour trouver la guérison, je choisirais l’endroit où le meilleur et le plus bienveillant médecin au monde se trouverait. Conduisez-moi à un homme de grande compétence, doté d’une compassion tout aussi grande, qui veillera toujours sur moi. Je ne resterais alors pas longtemps dans la peine ; s’il peut me guérir, il le fera.
Pécheur, place-toi ce matin, par un acte de foi, sous la croix de Jésus. Regarde-le et dis : « Médecin béni, dont les meurtrissures pour moi peuvent me guérir, dont la mort pour moi peut me donner la vie, aie pitié de moi. Tu es un homme. Tu connais les souffrances des hommes. Tu es homme. Laisseras-tu sombrer jusqu’à l’enfer un homme qui crie au secours ? Tu es un homme et tu peux sauver. Laisseras-tu un pauvre homme indigne qui recherche la miséricorde tomber dans une détresse sans espoir, alors qu’il fait appel à toi, pour que tu le sauves par ce que tu as accompli ? »
Ô hommes coupables, croyez par la foi que vous pouvez toucher le cœur de Jésus. Pécheur, élance-toi vers Jésus sans peur. Il a hâte de sauver. Sa fonction est de recevoir les pécheurs et de les réconcilier à Dieu. Sois reconnaissant de ne pas avoir à te tenir devant Dieu d’abord, tel que tu es. Mais tu es invité à venir à Jésus-Christ et, par lui, au Père. Que le Saint-Esprit te guide à méditer avec ferveur sur l’humilité de notre Seigneur, et puisses-tu trouver la voie de la vie, le portail de la paix, la porte du ciel !
Laissez-moi ajouter, avant de passer à un autre point, que chaque enfant de Dieu devrait aussi trouver un réconfort dans le fait que notre Rédempteur est de notre race, qu’il s’est rendu semblable en toutes choses à ses frères, afin qu’il soit un souverain sacrificateur miséricordieux et fidèle, qui a en outre été tenté comme nous en toutes choses, afin de pouvoir secourir ceux qui sont tentés (Hé 2.17 ; 4.15).
La compassion de Jésus est, après son sacrifice, la plus précieuse des choses. Alors que je me tenais au chevet d’un frère chrétien récemment, il a fait la remarque suivante : « Je remercie Dieu de ce que notre Seigneur a pris sur lui nos maladies. Bien sûr, la chose la plus remarquable est qu’il a porté nos péchés, mais, après cela, en tant que malade, je lui suis reconnaissant d’avoir aussi porté nos maladies. »
Personnellement, je peux aussi témoigner du fait que, lors de périodes de douleur intense, il m’a été d’un immense réconfort de savoir que le Seigneur Jésus ressent aussi chaque secousse qui tourmente son peuple. Nous ne sommes pas seuls, car celui qui ressemble à un Fils de l’homme marche dans la fournaise avec nous. Les nuages qui flottent dans notre ciel assombrissent aussi les cieux pour lui, car…
Il comprend les fortes tentations,
Car lui aussi les a ressenties.
Combien il nous est réconfortant de savoir, dans nos peines, que lui aussi les a connues !
Il est dit que les soldats macédoniens faisaient de longues marches forcées qui semblaient les pousser au-delà des limites de l’endurance des mortels, mais qu’ils puisaient néanmoins une énergie infatigable dans la présence d’Alexandre avec eux. Il avait en effet l’habitude de marcher avec eux, et d’éprouver la même fatigue. Si le roi lui-même avait été porté comme les monarques perses dans un palanquin, dans le confort et le luxe, les soldats se seraient bientôt fatigués. Mais, lorsqu’ils voyaient le roi des hommes lui-même, avoir faim lorsqu’ils avaient faim, avoir soif lorsqu’ils avaient soif, repoussant souvent la coupe d’eau qui lui était offerte pour la donner à un autre soldat qui semblait plus faible que lui, comment auraient-ils pu penser à se plaindre ? Si Alexandre pouvait endurer toute fatigue, tout Macédonien estimait qu’il le pouvait aussi.
Aujourd’hui, nous pouvons assurément supporter la pauvreté, les calomnies, le mépris, les douleurs physiques et la mort elle-même, parce que notre Seigneur Jésus-Christ les a portés. En raison de son humiliation, nous pouvons endurer avec joie toute humiliation pour lui ; parce qu’ils lui ont craché au visage, nous pouvons supporter de devenir un sujet de moquerie pour son nom. Parce qu’ils lui ont voilé le visage et l’ont frappé à coups de poing, c’est un honneur que d’être couverts d’opprobre. Et par la croix, notre vie consistera à nous abandonner pour une telle cause et pour un Maître qui nous est si cher !
Puissions-nous maintenant voir l’homme de douleur et être ainsi encouragés à porter nos douleurs avec joie. Où trouver notre consolation, si ce n’est dans la présence réconfortante du Crucifié : « Et il y aura un homme qui sera comme une protection contre le vent et un abri contre l’orage » (És 32.2 ; Darby).
Poursuivons maintenant en considérant les mots suivants.
Un homme de douleur
L’expression se veut très emphatique. Il ne s’agit pas d’un « homme douloureux », mais d’un « homme de douleur », comme s’il était fait de douleur, comme si la douleur était un élément constitutif de sa personne. Certains sont des hommes de plaisir, d’autres des hommes de richesse, mais lui était un « homme de douleur ». Lui et la douleur portaient des noms interchangeables. Celui qui le voyait, voyait la douleur, et celui qui voyait la douleur se devait de tourner le regard vers lui. « Regardez et voyez », dit-il, « s’il est une douleur pareille à ma douleur, à celle dont j’ai été [frappé] » (La 1.12).
Notre Seigneur est appelé homme de douleur, car c’était là son insigne, sa marque. Nous pourrions bien l’appeler un « homme de sainteté », car aucun péché ne se trouvait en lui, ou un « homme de labeur », car il se consacrait aux affaires de son Père avec ferveur, ou encore un « homme d’éloquence », car aucun homme n’a jamais parlé comme lui. Il serait approprié de l’appeler, comme le cantique, « l’homme d’amour », car aucun amour n’a été aussi grand que celui qu’il portait dans son cœur. Malgré ces qualités manifestes et bien d’autres excellences, si nous avions posé nos regards sur Christ et avions dû ensuite décrire sa caractéristique la plus frappante, nous aurions dû répondre : sa douleur.
Les divers aspects de son caractère sont si harmonieux qu’aucune qualité ne surpasse les autres pour devenir prédominante. Si l’on dresse son portrait moral, les yeux, comme la bouche, sont parfaits. Les joues sont comme un parterre d’aromates, les lèvres comme des lis, d’où découle la myrrhe. Chez Pierre, nous voyons un enthousiasme qui déborde parfois en présomption, et chez Jean, un amour pour son Seigneur qui le conduit à vouloir commander que le feu descende du ciel pour consumer ses ennemis. Les faiblesses et les exagérations existent partout, mais on n’en trouve aucune en Jésus. Il était l’homme parfait, complet, le Saint d’Israël.
Il restait cependant une particularité, et elle résidait dans le fait que « son visage était défiguré, tant son aspect différait de celui des fils de l’homme » résultant des souffrances excessives qui pesaient continuellement sur son esprit. Les larmes étaient son insigne, et la croix, son emblème. Il était le guerrier à la sombre armure, et non pas, comme maintenant, celui qui monte le cheval blanc. Il était le Seigneur de la souffrance, le Prince de la douleur, l’Empereur de l’angoisse, un « homme de douleur et habitué à la souffrance ».
Ô Roi de souffrance ! (Un titre étrange, mais vrai,
Que parmi tous les rois toi seul méritais),
Ô Roi meurtri ! Comment exprimer ma peine pour toi,
Qui de toute peine me protégeas.
L’appellation « homme de douleur » donnée à notre Seigneur n’est-elle pas un titre de distinction ? Non seulement était-il homme de douleur, mais aussi prééminent parmi les affligés. Tous les hommes ont des fardeaux à porter, mais le sien était le plus lourd de tous. Qui de la race humaine est libre de douleur ? Parcourez toute la terre, et, partout vous trouverez des épines et des ronces qui auront blessé tous ceux nés de femmes. Parmi les grands de la terre, la tristesse est présente, car la veuve royale pleure son seigneur. Nous imaginons que dans les chaumières le contentement règne, mais on y trouve d’abondantes larmes amères en raison de la misère et de la cruelle oppression. Dans les climats les plus ensoleillés, le serpent se glisse entre les fleurs. Dans les régions les plus fertiles poussent à la fois des poisons et de fines herbes. Partout, « l’homme doit travailler, et la femme doit pleurer ». Sur les océans, on trouve la douleur, et sur la terre, la tristesse. Mais, dans notre destin commun, « le premier-né de beaucoup de frères » a reçu une double portion. Sa coupe est plus amère, et son baptême plus profond, que ceux du reste de la famille.
Ceux qui sont atteints de maux courants doivent lui céder la place, car personne ne peut l’égaler dans son malheur. Le commun des mortels qui porte le deuil déchire ses vêtements, mais lui, il est déchiré par l’affliction ; ils boivent à la coupe de douleur, mais lui, il la vide jusqu’à la dernière goutte. Celui qui était le plus obéissant des fils a souffert le plus lorsqu’il a été frappé de la verge de Dieu et affligé ; aucun autre de ceux qui avaient été frappés n’a eu des grumeaux de sang pour sueur ni n’a crié dans son amère angoisse : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mc 15.34.)
La profondeur de sa douleur pourrait s’expliquer par le fait que dans sa douleur, il n’y avait aucun péché. Le péché mérite la douleur, mais il atténue aussi les effets de la souffrance en rendant l’âme insensible et indifférente. Nous n’abordons pas le péché comme Jésus le faisait, nous ne tremblons pas à la vue de la ruine du pécheur comme Jésus le ferait. Puisque sa nature était parfaite et ne connaissait pas le péché, elle n’était pas dans son élément au milieu de la douleur, mais ressemblait plutôt à un oiseau terrestre poussé vers l’océan par la tempête. Pour le voleur, la prison est sa maison, et la nourriture y est la viande à laquelle il est habitué. Mais pour un homme innocent, la prison est une misère, où tout est étrange et inhabituel. Du fait de sa nature, notre Seigneur était particulièrement sensible à tout contact avec le péché.
Hélas, par la chute, nous avons perdu une grande partie de cette sensibilité. Dans la même proportion où nous sommes sanctifiés, le péché devient une source de misère pour nous. Puisque Jésus est parfait, chaque péché le peinait beaucoup plus qu’il ne le ferait dans notre cas. Je suis certain que beaucoup de personnes dans le monde pourraient vivre joyeuses dans les repaires du vice, supporter des blasphèmes sans être horrifiées, voir la débauche sans répugnance et être témoins d’un vol ou d’un meurtre sans éprouver d’aversion. Mais pour beaucoup d’entre nous, une heure de familiarité avec de telles abominations serait le pire des châtiments. Une phrase dans laquelle le nom de Jésus est blasphémé est pour nous la pire des tortures. La seule mention des actes honteux du vice nous saisit d’horreur. Vivre avec le méchant est un enfer suffisant pour le juste. La prière de David est remplie d’agonie lorsqu’il s’écrie : « N’assemble pas mon âme avec les pécheurs, ni ma vie avec les hommes de sang » (Ps 26.9 ; Darby). Mais pour Jésus, homme parfait, quelle souffrance la vue du péché a-t-elle dû lui infliger !
Le travail rigoureux rend nos mains calleuses, et le péché endurcit nos cœurs, mais le Seigneur, en quelque sorte, était comme un homme dont la chair serait une blessure béante. Il était sensible au moindre effleurement du péché. Nous passons par les fourrés de ronces et d’épines du péché parce que nous sommes revêtus d’indifférence. Mais imaginons un homme dénudé qui doive traverser une forêt d’épines ; tel était le Sauveur, dans sa sensibilité morale. Il pouvait voir le péché là où nous ne pouvons pas le voir, et était capable d’en ressentir la monstruosité là où nous ne pouvons pas le faire. Il y avait donc beaucoup plus de choses qui pouvaient l’affecter, et il était capable de ressentir plus vivement cette souffrance.
En parallèle avec sa douloureuse sensibilité au mal du péché, on trouve sa tendresse bienveillante envers la douleur des autres. Si nous pouvions connaître toutes les souffrances de cette assemblée et y participer, il est probable que nous serions les plus misérables des hommes. Il y a parmi nous ce matin d’immenses chagrins qui, s’ils pouvaient être exprimés, rempliraient nos cœurs d’agonie. Ici, nous entendons parler de pauvreté ; là, nous voyons la maladie. Nous observons le deuil, et nous remarquons la détresse. Nous notons le fait que des hommes meurent et (souffrance encore plus amère) descendent en enfer. Cependant, d’une façon ou d’une autre, soit ces souffrances deviennent tellement courantes qu’elles ne nous touchent plus, soit nous endurcissons graduellement nos cœurs envers elles. Mais le Sauveur ressentait toujours de l’empathie pour les souffrances des autres, parce que son amour était constamment débordant. La douleur de tous les hommes était sa douleur. Son cœur était si grand qu’il était inévitable qu’il devienne « un homme de douleur ».
Rappelons que, de plus, notre Sauveur avait un rapport particulier avec le péché. Non seulement était-il affligé à la vue du péché et attristé lorsqu’il en percevait les effets sur les autres, mais l’Éternel a aussi fait retomber le péché sur lui. Il a été lui-même mis au nombre des malfaiteurs. Il a donc dû endurer les coups terribles de la justice divine. Il a souffert des agonies incommensurables et inconnues. La puissance divine l’a assisté dans sa souffrance, là où son humanité aurait échoué. Une colère dont la force est inconnue des hommes s’est déversée sur lui. « Il a plu à l’Éternel de le briser par la souffrance. »
Contemplez l’homme, et voyez combien il serait vain de vouloir égaler sa douleur.
Le titre « homme de douleur » a été donné à notre Seigneur pour souligner la persistance de ses afflictions. Bien qu’il ait changé sa demeure, la douleur demeurait toujours avec lui. La douleur a tressé ses langes de nouveau-né, et a filé son drap funèbre. Né dans une étable, il a été accueilli par la douleur. C’est seulement à la croix, lorsqu’il a poussé son dernier soupir, que la douleur s’est séparée de lui. Ses disciples l’ont abandonné, mais ses douleurs ne l’ont jamais quitté. Il était souvent abandonné des hommes, mais jamais oublié de la souffrance. Depuis son baptême dans le Jourdain jusqu’à son baptême dans les douleurs de la mort, il a porté des vêtements de deuil et a été un « homme de douleur ».
Il était également un « homme de douleur » en raison de la diversité des maux qui l’ont touché. Il n’était pas seulement un homme de douleur, mais de douleurs. Il connaissait toutes les souffrances du corps et de l’âme : les souffrances de l’homme qui se bat activement pour obéir, et celles de l’homme qui reste immobile et endure passivement. Les souffrances des grands, il les connaissait, car il était Roi d’Israël. Les souffrances des pauvres lui étaient aussi familières, car il n’avait « pas un lieu où il puisse reposer sa tête » (Mt 8.20). Les souffrances des proches et les souffrances personnelles, les souffrances mentales et les souffrances spirituelles : des souffrances de toutes sortes et de tous degrés l’assaillaient. L’affliction a dirigé toutes ses flèches vers lui, et a fait de son cœur la cible de toutes les peines concevables.
Considérons un instant quelques-unes de ces souffrances.
Notre Seigneur était un homme de douleur quant à sa pauvreté. Ô, toi qui es dans le besoin, ta privation n’est pas aussi misérable que la sienne. Il n’avait pas de lieu où reposer sa tête, mais toi, tu es au moins abrité par un humble toit. Personne ne te refuse un verre d’eau, mais lui, assis à un puits en Samarie, a dit : « J’ai soif » (voir Jn 4.7). Nous lisons, plus d’une fois, qu’il avait faim. Son labeur était si grand qu’il était constamment épuisé, et nous lisons qu’une fois, ils l’ont dans une barque, « comme il était », trop faible pour atteindre l’embarcation lui-même, puis qu’ils l’ont transporté et l’ont placé à la poupe pour le laisser dormir. Mais il n’a pas eu beaucoup de temps pour dormir paisiblement, car ils l’ont réveillé en disant : « Maître, ne t’inquiètes-tu pas de ce que nous périssons ? » (Mc 4.3638.) Sa vie a été difficile, et il n’a pas connu les conforts terrestres qui rendent la vie supportable.
Toi qui te lamentes sur un tombeau ouvert, ou qui pleures au souvenir de tombeaux récemment fermés, sache que notre Sauveur connaissait le déchirement du deuil. Jésus a pleuré, alors qu’il se trouvait à la tombe de Lazare (Jn 11.35).
Ses plus amères douleurs ont peut-être été celles qui étaient liées à son œuvre de grâce. Il est venu en tant que Messie envoyé de Dieu, avec un message d’amour, et les hommes ont rejeté ses paroles. Il s’est révélé, dans son propre village, là où il avait grandi, et leur réaction a été de tenter de le précipiter en bas de la montagne (Lu 4.28,29). Il n’est pas facile de venir avec une mission d’amour désintéressé, puis de trouver une telle ingratitude. Ils ne se sont pas contentés de le rejeter froidement ; ils ont ensuite procédé à le tourner en dérision et à le ridiculiser. Ils lui ont donné tous les noms possibles pour exprimer leur mépris. Ce n’était même pas que du mépris, mais des mensonges, des calomnies et des blasphèmes. C’est un buveur, ont-ils dit (Lu 7.34). Anges, entendez cela et soyez stupéfaits ! Oui, ils ont traité le Prince de la vie d’ivrogne ! Ils ont affirmé qu’il était de la maison de Béelzébul, qu’il avait un démon, qu’il était fou (Jn 10.20), lui qui était venu détruire les œuvres du diable ! (1 Jn 3.8.) Ils l’ont accusé de tous les crimes que leur méchanceté pouvait inventer.
Il n’y a pas une seule de ses paroles qu’ils n’ont pas déformées, et pas une seule de ses doctrines qu’ils n’ont pas dénaturées. Il ne pouvait pas parler sans qu’ils trouvent l’occasion de l’accuser avec ses propres paroles. Pendant tout ce temps, son seul but était de chercher leur bien en toutes choses. Lorsqu’il confrontait leurs vices avec ferveur, c’était par miséricorde pour leurs âmes. S’il condamnait leurs péchés, c’était parce que leurs péchés allaient les détruire. Pourtant, son zèle pour confronter le péché était toujours tempéré par son amour pour l’âme des hommes. Y a-t-il déjà eu un homme de si bonne volonté envers les autres qui ait été traité de façon si honteuse par ceux qu’il voulait servir ?
Au fil de sa vie, ses douleurs se sont multipliées. Il a prêché, et lorsque le cœur des hommes était endurci et qu’ils ne croyaient pas ses paroles, il était « affligé de l’endurcissement de leur cœur » (Mc 3.5). Il allait de lieu en lieu en faisant du bien (Ac 10.38), et pour ses bonnes œuvres, ils ont pris de nouveau des pierres dans l’intention de le lapider. Hélas, c’est son cœur qu’ils ont lapidé, lorsqu’ils n’ont pas pu blesser son corps.
Il les a implorés et il a exprimé son amour avec des lamentations, et en retour, il a reçu d’eux une haine impitoyable et monstrueuse. Un amour repoussé donne lieu à des souffrances particulièrement poignantes. Nombreux sont ceux qui sont morts d’un cœur brisé par l’ingratitude. Un amour comme celui de Jésus ne pouvait pas, pour le bien de ceux qu’il aimait, supporter d’être ignoré. Cet amour se languissait, parce que l’humanité ne voyait pas la miséricorde dont elle faisait l’objet, et refusait son propre salut.
Sa douleur ne provenait pas du fait que les hommes le blessaient, mais plutôt du fait qu’ils se détruisaient eux-mêmes. C’est cela qui pesait sur son esprit, qui remplissait ses yeux de larmes : « Jérusalem, Jérusalem, […], combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! » (Mt 23.37.) Sa lamentation n’est pas suscitée par sa propre humiliation, mais plutôt par leur rejet suicidaire de sa grâce. Ce sont là les douleurs qu’il a portées.
Mais n’a-t-il pas trouvé un réconfort auprès des quelques compagnons qu’il avait rassemblés autour de lui ? Oui, mais malgré cela, il a trouvé auprès d’eux autant de tristesse que de réconfort. Ils étaient des disciples bornés ; ils comprenaient lentement. Ce qu’ils apprenaient, ils l’oubliaient. Ce dont ils se souvenaient, ils ne le mettaient pas en pratique. Et ce qu’ils pratiquaient un jour, ils le démentaient une autre fois. Ils étaient de misérables consolateurs pour l’homme de douleur. Il a eu une vie solitaire. Ce que je veux dire par là, c’est que même lorsqu’il était en compagnie de ses disciples, il était seul. Une fois, il leur a dit : « Vous n’avez donc pu veiller une heure avec moi ! » (Mt 26.40.) Mais en fait, il aurait pu leur faire la même remarque toutes les heures de leur vie, car même s’ils sympathisaient avec lui au mieux de leurs capacités, ils ne pouvaient pas participer pleinement à ses souffrances.
Le père d’une famille avec plusieurs jeunes enfants ne peut pas leur faire part de ses souffrances. S’il le faisait, ils ne le comprendraient pas. Que savent-ils de ses transactions commerciales angoissantes ou de ses pertes écrasantes ? Pauvres petits, le souhait de leur père n’est pas qu’ils éprouvent de la sympathie pour lui ; au contraire, il se réjouit de ce que leurs jouets les réconforteront et de ce que leurs babillages ne seront pas interrompus par ses grandes souffrances.
En raison de la dignité même de sa nature, le Sauveur doit souffrir seul. La montagne où Christ se tenait est pour moi un symbole éclairant de sa vie sur terre. Son âme noble vivait dans de vastes solitudes, sublimes et terribles, et c’est là, au milieu de ses peines, que son esprit était en communion avec le Père, là où personne ne pouvait l’accompagner, dans les sombres vallées et les sinistres ravins de son expérience unique. Pour tous les combats de sa vie, il aurait pu dire, dans un certain sens : « et nul homme d’entre les peuples n’était avec moi » (És 63.3). À la fin, cela est devenu littéralement vrai, car tous l’ont abandonné (Mc 14.50), l’un d’eux l’a renié, tandis qu’un autre l’a trahi, et il a dû être seul à fouler le pressoir (És 63.3).
Dans les dernières et extrêmes douleurs de sa vie, il a subi les afflictions pénales de Dieu ; le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui. Dans le jardin de Gethsémané, il a été arrêté par les officiers de Dieu avant même que les officiers des juifs ne l’approchent. C’est là qu’il s’est agenouillé et a mené son combat jusqu’à ce que la sueur tombe de son front comme des grumeaux de sang, et que son âme soit « triste jusqu’à la mort » (Mt 26.38). Vous avez lu le récit de la détresse du Maître, comment il a été conduit en hâte de tribunal en tribunal, et traité avec un mélange de mépris et de cruauté devant chaque juge. Après l’avoir amené devant Hérode, puis devant Pilate, et après l’avoir presque tué par la flagellation, ils l’ont conduit devant tous et ont dit : Ecce homo, c’est-à-dire, « Voici l’homme » (Jn 19.5). Leur méchanceté n’avait pas de limite ; ils devaient aller encore plus loin, le clouer à sa croix et se moquer de lui alors que la fièvre le dévorait et lui donnait l’impression que son corps se dissolvait en poussière.
Il s’est écrié : « J’ai soif » (Jn 19.28), et ils se sont moqués de lui en lui donnant du vinaigre. Vous connaissez le reste, mais laissez-moi vous rappeler avant tout que les plus grands coups et les plus horribles souffrances étaient ceux qu’il ressentait à l’intérieur, alors que la main de Dieu le blessait, et que la verge de fer de la justice le brisait sur l’instrument de torture.
C’est avec pertinence qu’il a été nommé « homme de douleur » ! Je ne trouve plus mes mots, comme si ma langue était liée, alors que j’essaie de parler de ce sujet. Comment trouver les mots appropriés pour ce sujet, alors que je sais que les fioritures du langage dégraderaient les agonies de mon Seigneur, au lieu de les rehausser ?
Laissons ici la croix se tenir sublime dans toute sa simplicité ! Aucun embellissement n’est nécessaire. Si j’avais des couronnes composées des plus belles fleurs à y suspendre, je le ferais avec joie, et si, au lieu de guirlandes, chaque fleur pouvait être un joyau de la plus grande valeur, j’estimerais que la croix les mériterait tous. Mais, puisque je n’ai rien de cela, je suis reconnaissant que la croix seule, dans toute sa simplicité, n’a besoin de rien, d’aucune parole mortelle de plus.
Vous tous qui entendez cela, tournez-vous vers votre Sauveur ensanglanté. Fixez votre regard sur lui, et trouvez dans « l’homme de douleur » votre Seigneur et votre Dieu.
Et maintenant, le dernier mot est qu’il était…
Habitué à la souffrance
La souffrance, il la connaissait bien. Non seulement comprenait-il ce qu’elle représentait chez les autres, mais elle est venue l’habiter. Nous avons fait des lectures sur la souffrance. Nous avons compati avec la souffrance. Nous avons parfois ressenti de la souffrance. Mais, au plus profond de son âme, le Seigneur l’a ressentie plus intensément que tout autre être humain. Plus que tout autre, il en comprenait les sombres profondeurs. Il connaissait le secret d’un cœur qui refuse le réconfort. Il s’était assis à la table de la souffrance, en avait mangé le pain sec, et en avait trempé un morceau dans son vinaigre. Il est resté près des eaux de Mara (voir Ex 15.23), et il était habitué à l’amertume du puits. Lui et la souffrance étaient des amis intimes.
Il était constamment en contact avec elle. Il ne s’arrêtait pas de temps à autre chez la souffrance pour y goûter juste un peu. Il ne prenait pas de temps à autre de petites gorgées d’absinthe et de fiel. Non, la coupe de quassia était toujours dans sa main, et les cendres étaient toujours mélangées à son pain. Ce n’est pas seulement pendant quarante jours que Jésus a jeûné ; le monde a toujours été un désert pour lui, et sa vie, un long carême.
Je ne veux pas dire par là que Jésus n’était pas, après tout, un homme heureux, car au plus profond de lui, la bienveillance était toujours comme une source de joie pour lui. Il avait une joie dans laquelle nous entrerons un jour, « la joie de l’Éternel » (Né 8.10), la joie qui lui était réservée et en échange de laquelle il a souffert la croix et méprisé l’ignominie (voir Hé 12.2). Cette joie, cependant, ne diminue en rien le fait qu’il était habitué à la souffrance, qui l’accompagnait de façon continue et intime, au-delà de tout ce que les hommes ont vécu.
Il était en fait de plus en plus habitué à la souffrance, car chaque étape le conduisait à une expérience plus profonde de la douleur. Au fil de l’enseignement de Christ et du déroulement de sa vie, ses souffrances se sont développées. Les nuages de la tempête qui s’amoncelaient étaient de plus en plus sombres. Son soleil se levait dans les nuées, mais il se couchait dans les horreurs cumulées de la nuit jusqu’à ce que, en un seul moment, les nuages se déchirent soudainement et qu’une voix forte proclame : « Tout est accompli », faisant lever le jour sur ce qu’on croyait être une nuit éternelle.
Encore une fois, rappelons-nous que cette habitude de la souffrance était, pour Christ, volontaire et vécue pour notre compte. Rien ne l’obligeait à connaître la souffrance, et à tout moment, il aurait pu lui dire adieu. Il aurait pu, en un seul instant, retourner aux richesses célestes et aux gloires du ciel, ou même s’attarder ici-bas pour vivre dans une indifférence totale aux malheurs de l’humanité. Non, il ne ferait pas cela. Par amour pour nous, il allait demeurer jusqu’au bout habitué à la souffrance.
Que dire alors en conclusion ? Seulement ceci : contemplons l’amour superlatif de Jésus. Ô amour, amour, qu’as-tu fait ? Qu’as-tu fait ! Tu es tout-puissant dans la souffrance. Peu d’entre nous peuvent supporter la souffrance. Peut-être encore moins de gens peuvent tolérer les fausses déclarations, les calomnies et l’ingratitude. Ces horribles dards nous piquent au vif. De cruels scandales provenant de langues venimeuses peuvent rendre les hommes fous.
Mais Christ, tout au long de sa vie, a porté tout cela et bien d’autres souffrances encore. Alors que nous considérons la profondeur de son amour pour nous, aimons-le en retour. Essaierez-vous cet après-midi, avant de venir à la table de la communion, de laisser vos âmes se saturer de l’amour de Christ ? Laissez-les tremper dans son amour tout l’après-midi, jusqu’à ce que, comme une éponge, vous absorbiez l’amour de Jésus. Puis, venez ce soir, en quelque sorte, lui redonner cet amour alors que vous vous approchez de sa table pour prendre les symboles de sa mort et de son amour. Admirez la force de son amour, et priez que vous puissiez aussi avoir un amour qui se rapproche du sien en raison de sa puissance.