3 raisons de se réjouir dans l’affliction (R.C. Sproul)
« Heureux les affligés, car ils seront consolés. » – Matthieu 5.4
Herman Melville, mon auteur préféré, a écrit un jour : « Ce n’est que lorsque nous saurons qu’un chagrin l’emporte sur dix mille joies que nous deviendrons ce que le christianisme s’efforce de faire de nous. » Je ne sais pas à quoi Melville pensait quand il a écrit ces mots. Peut-être se souvenait-il de ces paroles de la littérature de sagesse selon lesquelles « Mieux vaut aller dans une maison de deuil que d’aller dans une maison de festin » parce que « le cœur des insensés [est] dans la maison de joie » (Ec 7.2a,4b). Ou peut-être pensait-il à cette béatitude.
Étant donné le laconisme avec lequel ont été exprimées les béatitudes, leur impact et la profondeur de leurs implications ne sont pas toujours immédiatement clairs pour nous. Cette deuxième béatitude a fait couler beaucoup d’encre. Certains n’y voient qu’une promesse de réconfort pour ceux qui vivent une affliction. D’autres y voient une dimension plus spirituelle, avec plus particulièrement un sentiment de chagrin ou d’affliction en rapport avec un péché commis.
Ne pas limiter la signification de cette béatitude
Il est sage de ne pas limiter la signification de cette béatitude à l’une ou l’autre de ces possibilités, car la Bible fait référence à différents types d’affliction. Évidemment, on y trouve le deuil qui accompagne la perte d’un être cher. Il y a aussi le regret dû à un acte commis, à travers lequel nous sommes profondément attristés et affligés d’avoir offensé Dieu, lorsque le Saint-Esprit nous convainc de notre péché.
Toutefois, il existe encore une autre sorte d’affliction, dont l’application est plus large : l’affliction des personnes qui souffrent des douleurs de la persécution. Jésus a parlé de la souffrance qui résulte directement du fait de s’être identifié à lui. Les enfants de Dieu sont des enfants de l’affliction. En cela, nous ressemblons à notre maître. Jésus a été appelé « un homme de douleur et habitué à la souffrance » (És 53.3b). Il a pleuré la perte d’êtres chers, comme lors de la mort de Lazare, mais il a aussi pleuré sur la ville de Jérusalem. Devant cette ville, il a crié : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! » (Mt 23.37 ; voir Lu 13.34.) Jésus a été profondément affligé par toute la douleur qu’il voyait dans ce monde et aussi par la force et la puissance de la méchanceté ici-bas. Il comprenait ce que signifiait être dans l’affliction.
L’affliction dans l’Ancien Testament
L’Ancien Testament parle d’affliction en de nombreux endroits. Dans l’Ecclésiaste, nous lisons qu’il y a un temps pour se lamenter (Ec 3.4b). Les Psaumes contiennent eux aussi de nombreuses expressions liées à la douleur, en particulier sous la plume de David, comme lorsqu’il s’écriait : « Je m’épuise à force de gémir ; chaque nuit ma couche est baignée de mes larmes » (Ps 6.7).
L’histoire d’Israël est celle d’une nation habituée à la souffrance. En raison de sa situation géographique, Israël a connu de grandes turbulences, car ce peuple était continuellement attaqué. Cette minuscule nation a souvent servi de pion dans les nombreux conflits du monde antique. C’était une terre marquée par le sang, la douleur et la souffrance.
Et pourtant, c’était la Terre promise, la terre que Dieu avait donnée à son peuple. Ainsi, le peuple qu’il avait appelé hors du monde était un peuple qui a bien connu la souffrance. Elle faisait partie de leur destinée nationale. Dans leurs attentes religieuses, il y avait donc la promesse d’un réconfort à venir.
L’espérance dans le Nouveau Testament
Dans Luc 2, nous trouvons le récit de Siméon. C’était un vieil homme saint qui avait reçu une promesse de Dieu : « Et voici, il y avait à Jérusalem un homme appelé Siméon. Cet homme était juste et pieux, il attendait la consolation d’Israël, et l’Esprit-Saint était sur lui. Il avait été divinement averti par le Saint-Esprit qu’il ne mourrait point avant d’avoir vu le Christ du Seigneur » (Lu 2.25,26). Siméon n’était pas seulement juste et pieux, il attendait quelque chose : la consolation d’Israël. Ce terme ne fait pas simplement référence à un événement ou à une expérience de réconfort dont la nation allait bénéficier. La « consolation d’Israël » était comprise comme faisant référence à une personne. C’est l’un des titres peu connus de Jésus dans la Bile. Le Messie, qui s’est occupé des pauvres, des blessés et des affligés, est l’incarnation des promesses faites par Dieu à son peuple dans l’Ancien Testament, selon lesquelles il serait sa consolation. Le Messie, dans son ministère, allait apporter le réconfort aux affligés ; il allait apporter le repos aux âmes inquiètes.
Le ministère de Dieu
C’est le ministère de Dieu envers son peuple. Il promet de guérir leurs cœurs brisés et de restaurer leurs âmes. C’est ce qui est en vue ici dans la deuxième béatitude. Ce n’est pas parce qu’une affliction est un événement joyeux ; Jésus ne diminue pas la douleur et le chagrin associés à une affliction. La raison pour laquelle nous sommes bénis dans l’affliction tient au fait que le peuple de Dieu a reçu la promesse de la consolation d’Israël. La douleur est une bénédiction déguisée ; heureux ceux qui pleurent, car ils seront réconfortés par la consolation de Dieu avec nous.
Tout le monde sait ce que sont le chagrin et la tristesse ; tout le monde a déjà été dans la maison du deuil. Où allons-nous chercher du réconfort ? Quelle est notre consolation ? Jésus dit à son peuple : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos » (Mt 11.28). C’étaient les paroles de la consolation d’Israël incarnée. C’est la promesse de Christ à tous ceux qui se tournent vers lui au milieu de leur affliction.
Cet article est tiré du livre : Comment puis-je être béni ? de R. C. Sproul