7 Conséquences du calvinisme pour le ministère (Jonathan Leeman)
Je commencerai par un argument théologique légèrement litigieux sur le calvinisme par rapport au non-calvinisme. Ensuite, j’indiquerai sept conséquences sur le plan du ministère pour le pasteur calviniste qui ressortent de cette affirmation. Le but de ce texte n’est pas d’argumenter avec le pasteur non calviniste, ni même de s’adresser à lui. Il s’agit de dire au calviniste : « Si vous croyez ceci, votre ministère devrait ressembler à cela. »
Argument : les calvinistes ont une vision solide du miracle de la nouvelle naissance
Voici l’argument théologique : je crois que le calvinisme crée une vision plus solide du miracle de la nouvelle naissance.
Mes amis non calvinistes, auxquels je tiens beaucoup dans l’évangile, pourraient ne pas être d’accord avec cet argument. Ils affirment eux aussi ce miracle. Je suppose cependant que nous, calvinistes, avons, comme je l’ai dit, une vision plus solide de ce miracle.
Après tout, nous affirmons que Dieu doit nous régénérer par son Esprit avant que nous puissions nous repentir et croire. Nous ne croyons pas que les gens se noient dans leurs péchés et doivent tendre la main pour saisir la main tendue du salut. Nous croyons que les gens sont noyés, morts, ne respirant pas, dans leur péché. Dieu nous « a rendus à la vie », comme le dit Éphésiens 2, de sorte que nous puissions tendre la main pour saisir la main tendue du salut. Le salut exige un miracle. Yeux aveugles, voyez ! Oreilles sourdes, entendez ! Lazare, sors de là !
Quand nous proclamons l’Évangile, a dit Mark Dever, nous évangélisons un cimetière.
Le passage de non-croyant à croyant, pour le non-calviniste, demande à une personne de parcourir une distance plus courte. Il passe de non convaincu à convaincu, de l’incrédulité à la croyance, par un processus de réflexion interne ou un argument persuasif, presque de la même façon que vous seriez convaincu de toute autre chose dans la vie. Et alors la personne est née de nouveau, régénérée, rendue nouvelle. Le miracle, il me semble, est un peu moins miraculeux parce qu’il dépend aussi de notre œuvre, et pas seulement de celle de Dieu.
Conséquence 1 : la patience dans le pastorat
Un certain nombre de conséquences découlent de cet argument pour notre ministère et la conduite de l’église.
Premièrement, le fait que vous croyiez que Dieu doit sauver, pasteur, devrait vous rendre patient dans le ministère.
« Tu as suivi de près mon enseignement, ma conduite,… ma patience » (2 Timothée 3.10)
« Prêche la parole… avec une pleine patience » (2 Timothée 4.2)
Pasteur, Dieu vous appelle à un « travail pénible » et à « des privations de sommeil » (2 Co 6.5). Il vous appelle à être prudents (Mt 10.16), sages (Col 4.5), persuasifs (2 Co 5.11).
En même temps, vous savez que la nouvelle naissance et la croissance spirituelle ne dépendent pas de vos astuces, de votre charisme, de votre humour, de votre intelligence. Vous êtes appelé à planter et à arroser, sachant que Dieu seul peut faire grandir (1 Co 3.6-7).
Ce fait devrait vous rendre profondément patient dans le ministère. Cela devrait soulager votre anxiété et vous aider à passer une bonne nuit de sommeil. Vous n’êtes pas un sauveur, vous ne pouvez pas sauver.
Alors ce dimanche, vous prêchez. Dimanche prochain, vous prêchez. Le dimanche suivant, vous prêchez. Peut-être que Dieu fera grandir. Peut-être qu’il ne le fera pas. Vous ne pouvez pas contrôler ça. Vous savez que vous n’avez pas d’autre choix que d’être patient. Il le fera en son temps, à sa façon.
Pasteur, votre calvinisme devrait vous rendre patient.
Conséquence 2 : la confiance en la parole
Notre tentation, bien sûr, est de bâtir des ministères sur les choses que nous pouvons voir, les corps que nous pouvons compter, le public qui rit que nous pouvons entendre. Et de tels ministères donnent souvent des résultats rapides.
Mon ami a été invité à donner plusieurs conférences lors d’une retraite d’un groupe de jeunes. Avant cela, le pasteur des jeunes a dit à mon ami de remplir ses conférences de plaisanteries, sinon les jeunes n’écouteraient pas. Et si ses blagues ne marchaient pas, il devait essayer de dire des plaisanteries sur le pasteur des jeunes lui-même. Les jeunes adoreraient ça. En arrivant à la retraite, plusieurs adolescents ont répété exactement le même conseil : racontez-nous des histoires drôles, et si ça ne marche pas, plaisantez à propos du pasteur des jeunes.
Les blagues donnent-elles la vie aux morts ? Est-ce que plaisanter à propos du pasteur des jeunes aide les aveugles à voir ?
Un peu d’humour, c’est bien. Dieu peut l’utiliser, tout comme il utilise le charisme, les personnalités puissantes, les prêcheurs intelligents ou bien d’autres choses encore. Mais souvenez-vous de ce que Jésus a dit : la chair donne naissance à la chair, tandis que l’Esprit donne naissance à l’esprit (Jn 3.6). L’Esprit donne la vie par la Parole (Ez 37.1-12), et non par la sagesse humaine.
Pasteur, sur quoi comptez-vous ? Qu’est-ce qui a le plus de poids dans votre ministère ? Reposez-vous sur la Parole, qui est la sagesse de Dieu. Elle seule appellera ce groupe de jeunes, et votre église, à sortir de la mort et à entrer dans la vie.
Conséquence 3 : la clarté en matière de conversions
Si la nouvelle naissance dépend entièrement d’un miracle de Dieu — et non des processus humains d’accession à la foi — nous nous attendrons à des changements. Un changement réel, substantiel, concret, identifiable.
Beaucoup de choses dans la vie d’un nouveau converti peuvent rester les mêmes. Le péché continuera. Pourtant, les calvinistes s’attendent à ce que, parmi les mauvaises herbes, nous voyions toujours de nouvelles fleurs qu’il est impossible de ne pas voir. Dieu a sauvé la personne, et l’Esprit n’est pas faible. Son œuvre n’est pas maigre.
En tant que tel, le calvinisme laisse moins de place au christianisme de nom, au croyant facile, au « christianisme charnel », à Jésus-Christ en tant que sauveur, mais pas en tant que Seigneur. Il ne dit pas que les chrétiens auront toujours une meilleure apparence morale que les non-chrétiens. Il dit plutôt que les gens seront changés en devenant chrétiens. Dieu les change. Ils auront meilleure allure qu’avant. Même le voleur sur la croix a réprimandé l’autre voleur.
Pasteur, votre calvinisme devrait clarifier la conversion et votre sens de qui est converti. Il clarifie ce qu’est un chrétien.
Conséquence 4 : des critères clairs en matière d’adhésion à l’église
Si la conversion est clairement comprise, les critères d’adhésion à l’église seront également clairs. L’idée d’un membre de l’église dont la vie ressemble au monde n’a pas de sens. L’idée d’un membre de l’église qui ne fréquente jamais l’église n’a pas de sens. Les non-calvinistes pourraient l’affirmer aussi, mais le calviniste qui affirme le miracle monergiste de la nouvelle naissance devrait insister sur ce point.
Nous nous attendons à ce que le peuple de Dieu puisse être reconnu. Nous nous attendons à ce que leurs professions de foi soient crédibles.
Une profession de foi crédible
Un auteur universitaire a récemment soutenu que nous exigeons trop en demandant des professions de foi « crédibles » avant le baptême. Il craignait que le fait d’insister sur des professions de foi crédibles ne brouille la ligne entre la conversion et la sanctification. J’apprécie son inquiétude. Les pasteurs peuvent trop exiger. Cela dit, devons-nous baptiser dans l’église des personnes dont les professions de foi ne sont pas crédibles ? « Eh bien, vous ne me semblez pas être un chrétien parce que vous vivez toujours avec votre petite amie et que vous refusez de déménager. Mais vous professez la foi, alors oui, je vais vous baptiser. »
Peut-être que cet auteur n’était pas calviniste. Il a spécifiquement dit que la seule repentance que nous devrions exiger est la repentance par rapport à la foi. Rien de plus. Je ne connais pas sa sotériologie, mais je sais qu’un calviniste croit que, puisque le Saint-Esprit donne naissance à notre repentir, cette conversion n’implique pas seulement l’esprit croyant, mais le cœur, la volonté, la personne tout entière. La personne entière change de direction, même si la lutte contre le péché demeure.
La tâche d’une église locale consiste alors à affirmer des professions de foi crédibles par le baptême et la Cène, ces deux moyens de rendre l’adhésion à l’église visible. En outre, nous attendons de ces membres qu’ils soient présents et qu’ils se repentent. Ce n’est pas du perfectionnisme. Les chrétiens continuent à pécher, mais quand ils pèchent, ils se repentent.
Pasteurs, votre calvinisme devrait vous amener à prendre au sérieux le fait d’être membre de l’église, et à œuvrer à la clarification des critères différenciant l’intérieur et l’extérieur de l’église.
Conséquence 5 : la confiance nécessaire pour pratiquer la discipline d’église
Si le calvinisme donne une vision solide du miracle de la nouvelle naissance, qui à son tour clarifie la conversion et l’adhésion à l’église, alors nous devrions avoir la confiance nécessaire pour pratiquer la discipline d’église. Comme je l’ai dit il y a un instant, nous nous attendons à ce que de nouvelles fleurs poussent parmi les mauvaises herbes chaque fois que Dieu est à l’œuvre. S’il n’y a pas de fleurs, notre tâche est claire. Certes, doucement et lentement au fil du temps, mais, finalement, nous devons retirer de notre sein ceux qui ne se repentent pas, comme Jésus et Paul l’enseignent (Mt 18.15-17 ; 1 Co 5).
De plus, nous serons moins tentés de garder les faux professeurs et les chrétiens de nom à l’intérieur de l’église. La conversion — la foi et la repentance — ne dépend pas de notre capacité à être sympa, à être assez séduisant, à ne pas être perçu comme méchant. Nous devons corriger, mais le changement dépend de Dieu. Enlevez cette conviction et il y a moins d’incitation à retirer une personne de l’église. Vous voudrez apaiser. Baissez la garde du pécheur. Être gentil. Peut-être qu’il ou elle se ravisera.
Un calviniste, en revanche, devrait être absolument convaincu que « livrer une personne à Satan » peut réellement amener les gens à se repentir (1 Co 5.5). Cela « fonctionne » parce que c’est ainsi que Dieu l’a mis en place, même si cela ne correspond pas à nos intuitions.
De plus, si une église retire par erreur une personne de sa liste de membres, nous n’avons pas à nous inquiéter qu’elle ne soit pas sauvée. Il ou elle persévérera.
Conséquence 6 : la confiance nécessaire pour évangéliser
Le calvinisme devrait également nous donner la confiance nécessaire pour évangéliser, même si le monde nous déteste.
Le non-calvinisme est logique dans une culture chrétienne de nom. Dans une telle culture, il y a des avantages sociaux qui viennent avec le fait d’être chrétien. C’est considéré comme respectable. Vous rencontrerez des clients à l’église. La plupart de vos amis se disent chrétiens. Cela fait de vous l’un des « leurs ». Et ainsi de suite.
Dans un tel contexte nominal, l’évangélisation est… plus facile. Les gens ne vous traiteront pas de fanatique, de haineux ou d’intolérant. Vous n’avez pas à définir le « péché ». Vous pouvez faire appel aux avantages immédiats et temporels d’être chrétien — un but, une vie épanouie, un sens, un meilleur mariage, une conscience soulagée — sans mettre l’accent sur les coûts de la vie à la suite de Jésus. Et les gens répondront en grand nombre !
Le contexte a changé, mais Dieu non
Mais maintenant, la société se retourne contre le christianisme. Elle augmente les coûts liés au fait d’être chrétien. Elle fait passer tous les chrétiens pour des fanatiques ; les chrétiens doivent être des personnes haineuses pour croire en ce genre de choses. Elle endurcit le cœur des gens. Elle convainc les gens qu’ils savent exactement ce qu’est le christianisme, parce que le monde a déjà essayé cela, et que c’est oppressif, misogyne, homophobe et raciste.
Maintenant, comment allez-vous aider les gens à partager l’évangile dans un tel environnement ? À se cogner la tête contre ce mur ?
Je propose ce qui suit : rappelez-leur que c’est Dieu qui sauve. Rappelez-leur que notre tâche n’est rien de moins que d’évangéliser un cimetière. Et il en a toujours été ainsi. En fait, les choses ne sont pas devenues plus difficiles. Nous sommes juste plus conscients maintenant de l’opposition de la chair à Dieu. Comme le Seigneur a encouragé Paul :
« N’aie pas peur, mais parle et ne te tais pas, car je suis moi-même avec toi et personne ne s’attaquera à toi pour te faire du mal. En effet, j’ai un peuple nombreux dans cette ville » (Actes 18.9-10).
Dieu a un peuple nombreux dans chaque ville. Parlez à voix haute avec Jésus, et ses brebis l’entendront et viendront.
Conséquence 7 : la certitude que le seigneur sera à l’œuvre dans d’autres églises
Lorsque vous êtes convaincu que la nouvelle naissance est un miracle octroyé par Dieu, lorsque vous réalisez que ce n’est pas votre sagesse qui donne vie aux gens, vous êtes peut-être plus enclin à faire confiance à l’œuvre de Dieu par l’intermédiaire d’autres voix et d’autres églises. S’il peut agir à travers vous, alors il peut agir à travers cette église aussi. Vous n’êtes pas en compétition avec eux. Vous pouvez prier pour eux, les soutenir, vous associer à eux.
Peut-être même que vous serez moins intéressé par le lancement d’un second culte ou d’un second site et plus disposé à planter ou à fréquenter cette petite église qui prêche fidèlement, mais qui pourrait avoir besoin d’aide. Le royaume n’avance pas seulement à travers les choses que vous pouvez contrôler. « Le vent souffle où il veut », dit Jésus.
« Il en est ainsi de toute personne qui est née de l’Esprit » (Jean 3.8)
Conclusion
Mes amis pasteurs non calvinistes affirmeront que les sept choses ci-dessus sont bonnes. Dieu soit loué. Je n’écris pas pour eux. Je dis que votre calvinisme, frère pasteur, devrait être du carburant dans votre réservoir de toutes ces façons. Allumez-le !
Cet article est une traduction de l’article anglais « 7 Ministry Consequences of Calvinism » du ministère 9Marks par Timothée Davi.