À John Gordon : le salut est chose certaine (Samuel Rutherford)

Aberdeen, 1637

Cher frère,

Je désire vivement connaître l’état de votre âme, et si vous êtes pleinement assuré de l’œuvre de votre salut. Souvenez-vous qu’il est ce que Christ peut vous donner de plus précieux et qu’Il ne l’accorde qu’à un petit nombre d’âmes. Christ a délivré l’humanité qui croit en Lui, en donnant son sang pour les pécheurs. Beaucoup d’hommes croient pouvoir atteindre le ciel de prime abord, puis ils retombent et n’atteignent jamais le sommet de la montagne. Ils se blessent dans leurs efforts et ils abandonnent la course, parce que le diable leur offre le parfum d’une fleur qui leur semble si délicieux, qu’ils oublient tout pour s’en imprégner.

Souvenez-vous qu’il en est plusieurs qui vont en avant et réforment beaucoup d’abus, qui versent des larmes comme Ésaïe, endurent la faim pour la cause de la vérité comme Juda, qui désirent mourir de la mort des justes comme Balaam, qui parlent et combattent pour le Seigneur comme Saul, qui demandent aux saints de prier pour eux comme Pharaon et Simon Magus, qui professent l’amour de Jésus-Christ comme Caïphe, qui marchent avec précaution dans la crainte du jugement comme Ahab, qui se détournent de péchés grossiers comme Jéhu, qui écoutent avec satisfaction la Parole de Dieu comme Hérode ; réforment leur vie en disant à Christ : « Maître, je te suivrai partout où tu iras » comme celui qui voulait servir Jésus (Mt 8) ; qui ont goûté le don céleste, qui ont participé aux dons du Saint-Esprit.

Oui, toutes ces choses peuvent avoir été ressenties et n’être, après tout, que de l’or faux ou un vil métal non encore éprouvé. Il est écrit que nous devons nous éprouver nous-mêmes, et ne point nous ralentir jusqu’à ce que nous soyons éclairés du soleil de justice. Voilà les directions qui nous sont données ; efforçons-nous de les suivre avec persévérance. Il est impossible que vous entriez au ciel avec votre péché. Celui qui ne veut pas se séparer de son idole n’aime pas réellement Christ ; Il n’est pour lui qu’une occasion de vaines bravades et de paroles inutiles, ce qui ne suffit pas.

Souvenez-vous avec quelle rapidité le temps passe. Déjà votre matin s’est enfui, l’après-midi vient, puis la soirée et la nuit, pendant laquelle on ne peut plus travailler. Ayez à cœur de finir votre journée, de régler tous vos comptes avec le Seigneur ; bénie alors sera votre réunion avec Jésus, ainsi que la voie de tous ceux qui s’assurent en Lui. Dans ces douces pensées, jouissez en paix de vos enfants et du bien-être matériel qui vous est accordé dès ici-bas. Tenez-vous sous le regard béni du Seigneur en toute humilité et simplicité de cœur. Ne vous attachez point au monde, n’en faites pas votre dieu, ni votre ami, car il vous fera défaut un jour ou l’autre.

En toute chose, souvenez-vous de l’amour que Christ vous a témoigné, donnez-Lui les prémices de votre cœur ; attachez peu de prix à tout ce qui est hors de Lui. Repoussez loin de vous toutes les pensées entachées de la boue de cette terre. À quoi vous serviraient-elles quand vous comparaîtrez devant votre Juge, et que vous aurez à répondre de toutes vos actions pendant votre pèlerinage ici-bas ?

Le Seigneur veuille vous donner de la sagesse en tout temps. Sanctifiez Dieu dans vos paroles, car son nom est saint et digne du plus profond respect. Soyez tempérant, sobre ; l’intimité avec le mal est un péché qui repousse l’homme du ciel.

Je ne puis croire que vous goûteriez le ministère d’un étranger qui vous annoncerait une doctrine différente de celle que le Seigneur m’a fait la grâce de prêcher parmi vous, et qui était, je vous l’affirme, tout le conseil de Dieu selon sa Parole.

Faites part de cette lettre à votre femme. Rappelez-moi à son souvenir en lui disant d’accepter pour elle-même les conseils que je viens de vous donner. Je prie pour vous et les vôtres. Demandez au Seigneur de me ramener parmi vous.

Que la grâce vous soit accordée.

S. R.


Cet article est tiré du livre : Lettres aux chrétiens affligés de Samuel Rutherford