À Lady Kenmure : sérieuse recherche du salut (Samuel Rutherford)
Anwoth, 1er février 1630
Madame,
Depuis longtemps je désire savoir quelles sont vos dispositions spirituelles, et si vous croissez dans la grâce ? Je vous en prie, écrivez-moi deux lignes à ce sujet. Je sais que le sentier de vos pas est difficile, et que vous êtes chargée d’une lourde croix ; mais s’il en était autrement, c’est alors que vous devriez vous inquiéter, car votre route ne serait plus semblable à celle dont parle le Seigneur, laquelle conduit à la nouvelle Jérusalem. Si Dieu vous a donné de chercher le Saint-Esprit comme un acompte de la somme payée par lui, vous devez vous en réjouir, car notre Seigneur ne se repent point de ce qu’Il a fait. Si parfois vous êtes affamée de voir Dieu, soyez assurée que vous le contemplerez un jour et qu’il vous sera dit : « Sois la bienvenue, âme affligée ! » Tels sont les dons du Seigneur, le cœur en tressaille de joie, car ils sont la preuve que rien ne pourra rompre le marché conclu avec Lui.
Quand le Seigneur nous visite, Il parle au cœur avec la simplicité de l’Évangile. Ma plume ni ma langue ne sauraient exprimer le bonheur de ceux qui sont en Christ. Quand vous aurez vendu tout ce que vous possédez et acheté le champ où cette perle est cachée, vous ne vous plaindrez pas d’avoir fait un mauvais marché. Car, si vous êtes à Lui, tout ce qu’Il possède est à vous, puisqu’Il dit : « Vous vivrez aussi » (Jn 14.19). Que signifient ces paroles, sinon que le Fils ne veut le ciel qu’à la condition que ses rachetés y seront avec Lui ? Eux et moi ne pouvons être séparés : « Demeurez en moi et je demeurerai en vous » (Jn 15.4). Ô douce communion, quand nous ne serons plus qu’un avec Christ ! « Père, mon désir est que là où je suis, ceux que tu m’as donnés y soient aussi » (Jn 17.24). Amen, cher Jésus, qu’il en soit comme tu l’as dit.
Que sont quelques années de souffrance en comparaison de promesses si glorieuses ? Sont-ils dignes de Jésus ceux qui ne les reçoivent pas ? Serions-nous aussi absurdes que cet homme qui, lisant l’ouvrage de Platon sur l’immortalité de l’âme, croyait, aussi longtemps que le livre était dans sa main, que l’âme était véritablement immortelle ; mais aussitôt qu’il avait déposé l’ouvrage, l’âme ne lui semblait plus qu’une vapeur prête à se dissoudre dans l’air avec le dernier soupir du moment. Ainsi faisons-nous des précieuses promesses de Dieu. Dès que nous fermons sa Parole, nous remettons tout en question. La foi consiste à croire sans avoir vu et à maintenir son cœur dans cette direction. Si le doute nous aborde, prenons la loi et les témoignages, et ne sortons pas de là. Croyez-moi, Madame, tenez-vous-en au Testament de votre Père, lisez-le, Il vous a légué la rémission de vos péchés et la vie éternelle ; que vous faut-il de plus ?
Si vous ne trouvez ici-bas que des inquiétudes, des revers, de fréquents abandons et parfois l’absence du Seigneur, « prenez courage, la fin de tout cela est pour votre plus grand bien » (De 8.16), « et dans le but de vous mettre en repos en vous sortant des jours de l’adversité » (Ps 94.13). « Il est bon à l’homme de porter le joug dès sa jeunesse » (La 3.27). « Retournez à vos places fortes, vous, captifs, qui avez de l’espérance » (Za 9.12), « car la vision est encore différée jusqu’à un temps déterminé ; elle se manifestera à la fin et elle ne trompera point. S’Il diffère, attends-Le, car Il viendra certainement » (Ha 2.3). « Ne l’entendez-vous pas, Il vous dit : Va, mon peuple, entre dans tes cabinets et ferme ta porte sur toi, cache-toi pour un petit moment jusqu’à ce que l’indignation soit passée » (És 26.20). Croyez, croyez donc et soyez sauvée. Ne considérez pas comme chose pénible de ne point faire votre volonté. N’attachez votre cœur à rien en ce monde, Dieu veut que vous ne vous réjouissiez qu’en Lui seul. « Dieu vous préserve de vous glorifier en aucune autre chose qu’en la croix de Jésus-Christ notre Seigneur » (Ga 6.14).
S. R.
Cet article est tiré du livre : Lettres aux chrétiens affligés de Samuel Rutherford