Avant de discipliner, enseignez (Jonathan Leeman)
Il y a des étapes préparatoires à franchir avant d’aller de l’avant avec la pratique de la discipline d’Église formelle.
Des principes à enseigner à l’Église avant de pratiquer la discipline
La sainteté et la repentance
Pour que le concept de la discipline ecclésiale paraisse un tant soit peu sensé aux membres d’une Église, ils doivent d’abord acquérir une compréhension solide de l’Évangile et de ce que signifie être chrétien, tel que nous en avons discuté dans l’avant-propos ainsi qu’au chapitre 2. Devenir chrétien ne consiste pas seulement à prendre un jour une décision ; c’est une question de foi et de repentance qui produisent une nouvelle façon de prendre des décisions. Il s’agit d’une soumission à Christ, comme Seigneur.
Dieu désire que son peuple soit différent du reste du monde. Il le destine à mener une vie sainte et à lutter contre le péché. Voilà ce que signifie se repentir. Cela ne veut pas dire que la personne ne pèche plus, mais plutôt qu’elle a déclaré la guerre au péché. Une assemblée doit comprendre ces choses avant que l’on puisse s’attendre à ce qu’elle comprenne la discipline d’Église.
L’adhésion comme membre
Une Église ne pourra être disposée à exclure un membre si elle n’a pas compris que certains sont inclus et que d’autres sont exclus. La Bible est claire : certains sont « membres » du corps de Christ (1 Co 12.27) et d’autres sont « du dehors » (1 Co 5.12). Si une assemblée n’a pas compris cela, l’idée « d’exclure » une personne lui semblera plutôt ridicule.
Plus précisément, il faut que l’assemblée comprenne que l’adhésion comme membre d’une Église est différente de l’adhésion à un club ou à une quelconque organisation de bénévoles. Être membre d’une assemblée implique la citoyenneté dans le royaume de Dieu. Nous y sommes reconnus comme ambassadeurs par celle qui constitue l’ambassade du roi, l’Église locale. Lorsqu’ils sont convaincus d’être chrétiens, les individus ne possèdent pas l’autorité pour confirmer devant l’humanité qu’ils se trouvent « du côté de Jésus » en se baptisant eux-mêmes et en prenant la sainte cène seuls. Non, l’Église détient cette autorité, au moyen des clés du royaume de Dieu.
Qu’est-ce que le statut de membre d’une Église ? C’est la confirmation publique de l’Église que la profession de foi en Jésus d’un individu chrétien est réelle, ainsi que la décision de l’individu de se soumettre à la supervision de l’Église. Une fois que votre assemblée commencera à saisir cela, le concept de la discipline ecclésiale aura de plus en plus de sens.
Cet enseignement aidera également les gens à comprendre pourquoi ils n’ont pas le droit de simplement démissionner comme membre lorsqu’on les avertit de possibles mesures disciplinaires. On se joint à une Église ou on la quitte par l’autorité de cette dernière.
La formation de disciples
La formation de disciples et la discipline impliquent l’instruction et la correction. Et tout cela se produira à la fois en privé et en groupe.
Par conséquent, les assemblées doivent comprendre que la vie d’un disciple consiste en partie à savoir être corrigé et instruit par d’autres disciples de Christ. Les pasteurs doivent encourager les membres de l’Église à développer des relations les uns avec les autres où l’instruction et la correction sont des choses normales. Ils devraient leur enseigner qu’un individu fondé sur l’Évangile apprendra à s’exposer à la correction pour lui-même et à corriger les autres avec délicatesse. Les hommes plus âgés devraient agir ainsi avec les hommes plus jeunes, et les femmes plus âgées, avec les femmes plus jeunes.
Lorsque le fait d’être redevable caractérise les relations interpersonnelles dans une Église, la discipline ecclésiale formelle va de soi. Quand ce n’est pas le cas, proposer qu’on entame une telle procédure semblera farfelu et déconcertant.
Le risque de se tromper soi-même
La formation de disciples existe entre autres parce que les gens, incluant les chrétiens, sont sujets à être aveuglés sur leur propre condition. C’est pour cette raison qu’à maintes reprises les apôtres mettent en garde leurs lecteurs en leur écrivant : « Ne vous y trompez pas » (1 Co 6.9 ; Ga 6.7 ; Ja 1.16). Paul déclare : « Que nul ne s’abuse lui-même » (1 Co 3.18). Ailleurs il affirme que « les hommes méchants et imposteurs avanceront toujours plus dans le mal, égarant les autres et égarés eux-mêmes » (2 Ti 3.13). Il est facile de nous convaincre que nous n’avons pas de péché, mais alors « nous nous séduisons nous-mêmes », dit Jean (1 Jn 1.8). Même nos convoitises sont « trompeuses », selon Éphésiens 4.22.
Les chrétiens qui oublient qu’ils ont cette tendance sont déjà orgueilleux et ils glissent rapidement vers l’attitude d’un pharisien imbu de sa propre justice. La solution : s’exposer à la discipline et à la correction, accueillir la réprimande. C’est là le chemin de l’humilité et de la sagesse.
Les Églises locales existent, entre autres, pour nous protéger contre nous-mêmes. Ce sont les frères et sœurs autour de nous, puisqu’ils nous aiment et qu’ils se dévouent pour notre bien, qui nous aident à voir nos angles morts. Nous ne sommes pas les experts sur « nous-mêmes ».
Voilà une leçon que les pasteurs devraient enseigner semaine après semaine, durant les périodes où tout va bien, pour que dans les jours de rébellion, l’Église soit prête à agir.
La discipline
L’Église a besoin qu’on l’instruise sur la discipline ecclésiale à l’aide des passages bibliques les plus connus, tels que Matthieu 18 et 1 Corinthiens 5. Les prédications, les petits groupes et les lettres de nouvelles constituent des tribunes naturelles pour ce genre d’enseignement.
Les pasteurs devraient également apprendre à appliquer d’autres passages bibliques aux thèmes de l’adhésion comme membre et de la discipline, lorsque c’est approprié. Par exemple, dans la première épître de Pierre, là où il parle d’être saint parce que Dieu est saint, il est évident que cela s’applique à l’individu, mais l’assemblée y trouve aussi son compte. Si le peuple de Dieu doit être saint, alors, en tant qu’Église, nous devrions nous montrer prudents concernant qui nous recevons ou excluons comme membres.
Considérez également les textes, dans l’Évangile selon Jean et dans ses épîtres, sur l’amour qui nous pousse à l’obéissance. De tels passages s’appliquent non seulement sur le plan personnel, mais aussi collectif : comment pouvons-nous apprendre à progresser dans l’amour les uns pour les autres dans notre Église ? En nous aidant l’un l’autre à obéir et en nous reprenant mutuellement avec douceur quand nous désobéissons. Corriger un frère en Christ qui a péché, lorsqu’on le fait avec les bonnes motivations, est un geste d’amour. Le croyez-vous ?
En fait, à peu près tous les textes bibliques qui parlent de sainteté, de repentance, de conversion, de la seigneurie de Christ et de formation de disciples peuvent facilement s’appliquer à la discipline ecclésiale. À ces derniers s’ajoutent également les passages qui évoquent les grands thèmes de l’histoire de la rédemption, comme les balises imposées au peuple d’Israël ou son exil.
Les pasteurs devraient aussi enseigner à leur Église les objectifs de la discipline. On ne la pratique pas dans le but de rétribuer, mais de démontrer l’amour que produit l’Évangile. Au chapitre 1, nous avons mentionné que la discipline sert à exposer le cancer du péché, à mettre en garde contre un jugement plus important, à sauver le pécheur, à protéger les autres membres de l’assemblée et à présenter un bon témoignage pour Christ. Toutes ces choses sont des œuvres d’amour.
L’amour
À la base, la discipline d’Église est donc une démonstration d’amour. Le Seigneur corrige ceux qu’il aime (Hé 12.6). Il en va de même pour son Église.
Le problème est que, de nos jours, la plupart des gens ont une vision sentimentale de l’amour et qu’ils le définissent comme la faculté de faire sentir à l’autre qu’il est spécial. Ou bien, ils ont une vision romantique de l’amour où une personne peut s’exprimer sans être jugée. Ou encore, ils le considèrent d’un point de vue de consommateur : l’amour consiste à trouver la personne qui nous convient parfaitement. Dans la pensée populaire, l’amour a peu de choses en commun avec la vérité, la sainteté et l’autorité.
Toutefois, la Bible présente l’amour d’une tout autre façon. Il est pur, il impose certaines exigences et il produit l’obéissance. Il ne se réjouit pas du mal, mais il se réjouit de la vérité (1 Co 13.6).
Jésus nous dit que si nous gardons ses commandements, nous demeurerons dans son amour (Jn 15.10). Et Jean nous dit que si nous gardons la Parole de Christ, l’amour de Dieu sera véritablement parfait en nous (1 Jn 2.5). Comment les membres d’une assemblée peuvent-ils s’aider les uns les autres à demeurer dans l’amour de Christ et veiller à ce que l’amour de Dieu soit parfait en chacun ? En s’aidant mutuellement à lui obéir et à garder sa Parole, au moyen de l’instruction et de la correction.
Une Église qui saisit ce qu’est l’amour biblique a de bien meilleures chances de comprendre la discipline ecclésiale.
Cet article est tiré du livre : La discipline d’Église de John Leeman