Chapitre 9: La liberté et les forces de l’homme – Confession de foi des Églises Réformées de Suisse
Questions sur la liberté.
Les questions, qui se rapportent à la liberté ou au libre arbitre de l’homme ont toujours causé, dans l’église, de malheureuses disputes. Voici ce que nous enseignons sur ce sujet. L’homme doit être considéré à trois égards:
1. L’homme droit,
2. L’homme tombé,
3. L’homme rétabli.
État de l’homme avant la chute, ou l’homme droit.
Au premier égard l’homme droit, en sortant des mains de son Créateur, était libre: il pouvait demeurer ferme dans le bien; il pouvait aussi se tourner au mal. En se tournant malheureusement vers le mal, il a abusé de sa liberté et s’est précipité lui et toute sa postérité dans un abîme de maux.
État de l’homme après sa chute, ou l’homme corrompu.
Considérons ensuite ce que l’homme est devenu après sa chute. Son entendement ne lui a pas été enlevé: il n’a pas été dépouillé de sa volonté, pour être réduit dans l’état d’un tronc ou d’une pierre! Mais ses facultés ont été tellement changées, altérées ou affaiblies, qu’il ne peut plus faire maintenant ce qu’il aurait pu faire avant sa chute (Jér. XIII. 23; Rom. VIII. 7; Gal. V, 17; Rom. VII. 15-18.).
Son entendement a été obscurci et sa volonté est devenue esclave. Il s’est ainsi assujetti au péché non par contrainte, mais par goût, et la volonté, quoiqu’asservie aux sens et à l’imagination, s’appelle toujours volonté et non pas coaction. Ainsi l’homme fait toujours le mal sans contrainte extérieure de la part du Démon, moins encore de la part de Dieu, mais de son propre mouvement, ou avec spontanéité et à cet égard il est libre.
Dieu arrête souvent les mauvais desseins.
Il est vrai que souvent Dieu fait échouer les mauvais desseins des hommes; souvent il y met obstacle de sorte qu’ils ne peuvent pas exécuter (tous) leurs projets criminels; mais cela ne détruit point la liberté de l’homme: Seulement Dieu prévient ce que l’homme s’était proposé. Ainsi arriva-t-il aux enfants de Jacob, qui avaient formé le noir dessein de tuer leur frère Joseph: Ils ne le purent pas exécuter et Dieu avait arrêté dans son conseil secret, que cela ne serait pas.
L’homme ne peut pas faire le bien par lui-même.
Depuis la chute de l’homme, son entendement, abandonné à lui-même, ne juge plus avec droiture des choses divines et de ce qui regarde la vertu. Les écrits sacrés nous apprennent que maintenant pour être sauvé, il faut que l’homme soit régénéré (Jean I. 12-13; VI. 44; XV. 14-15; Psaume LI 10/12..). Ainsi la première naissance que nous tirons d’Adam, ne nous sert de rien pour le salut (Eph. II. 8; Jean I. 12-13.).
L’homme animal, dit l’Apôtre Saint Paul, l’homme qui n’a pour principe de conduite que son âme dans l’état naturel, l’âme sans être régénérée, ne comprend point les choses, qui sont de l’Esprit de Dieu (1 Cor. II. 14; Job. XXXII. 8-9; Jér. XXXI. 31-34.). Nous ne sommes pas capables de nous-mêmes, dit-il encore, d’avoir une bonne pensée (2 Corinth. III. 5.).
Personne ne peut ignorer que c’est l’entendement qui détermine la volonté par les motifs qu’il lui présente; lorsque le guide est aveugle, il est aisé de comprendre jusqu’où la volonté peut s’égarer. Il suit de là, que l’homme qui n’est pas régénéré, n’a ni la volonté de faire le bien, ni les forces pour l’exécuter. Celui qui fait le péché, nous dit le Seigneur, est esclave du péché (Jean VIII. 34.), et Saint Paul nous déclare que l’amour des choses de la chair est une inimitié contre Dieu, parce qu’il ne se soumet point à la loi de Dieu et en effet il ne le peut (Rom VIII. 7.).
Capacité de l’homme pour les choses terrestres.
Pour tout ce qui regarde les choses de la terre, l’homme corrompu n’a pas perdu toute la capacité de connaître et de juger. Il a toujours, par un effet de la miséricorde divine, une intelligence, mais moins parfaite qu’elle ne l’était dans son origine. Dieu veut que l’homme cultive son esprit, l’enrichisse de connaissances utiles, il accorde pour cela les talents et bénit les efforts.
Qui ne sait combien on peut faire peu de progrès salutaires dans les sciences mêmes et les arts sans la bénédiction de Dieu! L’écriture témoigne que toute notre capacité vient de Dieu (Prov. XVI. 9; XX. 24; Psaume CXXVII. 1-2; 1 Corinth. IV. 7),
État de l’homme après son rétablissement, ou l’homme régénéré.
Un troisième état, où nous devons considérer l’homme, c’est celui de la régénération, pour examiner quelle est alors sa liberté et quelles sont ses forces. L’entendement des Fidèles régénérés est éclairé par le Saint-Esprit, en sorte qu’il connaît les mystères et la volonté de Dieu:
Leur volonté est aussi affranchie des sens par le Saint-Esprit, revêtue de forces pour se tourher de bon gré vers le bien et pour le faire.
Sans cette confession nous nierions la liberté chrétienne et nous reconnaîtrions encore la servitude légale. Je mettrai, dit Dieu par la bouche d’un Prophète, ma loi au-dedans d’eux, et je l’écrirai dans leur cœur (Jér. XXXI. 33.).
Le Seigneur dit aussi dans l’évangile: Si le Fils vous met en liberté, vous serez véritablement libres (Jean VIII. 36.). Saint Paul déclare encore aux Philippiens, qu’il leur a été donné pour l’amour de Jésus-Christ, non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui; qu’il est persuadé, que celui qui a commencé la bonne œuvre en eux, la consommera jusqu’à la journée de Jésus-Christ, que c’est Dieu qui produit en nous la volonté et le pouvoir d’exécuter (Philip. I. 6; Philip. II. 12-13; Jean XV. 5.).
Les Régénérés agissent.
Ici il faut bien remarquer deux choses que nous enseignons:
La première, que les Régénérés, quand ils choisissent le bien, n’éprouvent pas seulement en eux l’opération de Dieu, qui les y porte, mais ils sentent aussi, qu’ils agissent eux-mêmes de leur bon gré, avec plaisir.
Faiblesse des Régénérés.
Une autre chose non moins digne d’observation, c’est qu’il demeure toujours quelque faiblesse dans les Régénérés mêmes. Les restes du péché habitent encore en nous, la chair résiste encore à l’esprit jusqu’à la fin de notre vie, en sorte que les Fidèles ne peuvent pas exécuter parfaitement tout ce qu’ils se proposent.
C’est ce que Saint Paul nous assure dans l’épître aux Romains, au chapitre VII, et dans celle aux Galates, au chapitre V.
Ainsi à cause des restes malheureux du vieil homme, la liberté est encore faible. Cependant comme les passions n’ont plus assez d’efficace pour éteindre les flammes de l’Esprit divin, les Régénérés sont regardés comme libres, mais de telle sorte qu’ils doivent sans cesse sentir leur faiblesse, et ne point se glorifier de leur liberté.
Qu’as-tu, que tu ne l’aies reçu, et si tu l’as reçu, pourquoi t’en glorifierais-tu, comme si tu ne l’avais point reçu? (1 Corinth. IV. 7.)
Ajoutez encore, que ce que nous nous sommes proposés de faire personnellement, ne se fait pas toujours car cela dépend des circonstances qui sont toutes soumises à la providence de Dieu. Aussi voyons-nous Saint Paul prier Dieu, qu’il bénisse le voyage qu’il avait entrepris pour voir les Fidèles de Rome (Rom. I. 10.).
Liberté des Régénérés, à l’égard des choses de la vie.
Personne ne nie que les Régénérés soient libres, à plus forte raison par rapport aux choses qui ne regardent que cette vie. L’homme aussi bien que les animaux, se porte à certaines choses, ou il s’en éloigne. En conséquence:
– Il veut ou ne veut pas;
– Il peut parler ou garder le silence;
– Sortir de la maison ou y demeurer:
Ici cependant encore il faut reconnaître la puissance supérieure de l’Être suprême:
– Ainsi arriva-t-il que Balaam ne pût pas parvenir au but qu’il s’était proposé (Nombres XXIII.).
– Ainsi encore Zacharie, en sortant du sanctuaire, ne pouvait parler, quelque envie qu’il en eut (Luc I. 22.).