Cher Pasteur, servir le Seigneur avec larmes

Cet article est tiré du livre : Actes 20 de Alexander Strauch

Comme Jésus, Paul a pleuré. Comme Jésus, Paul avait un cœur compatissant. Comme Jésus, Paul a donné sa vie pour les brebis. Il était un pasteur plein de « la tendresse de Jésus-Christ » pour les convertis (Ph 1.8). Paul savait ce que c’était que de « [pleurer] avec ceux qui pleurent » (Ro 12.15). Comme Jésus, Paul était un homme profondément empathique.

Combien l’empathie est une vertu importante chez un ancien dans une Église ! Il s’agit de « la capacité de s’identifier à une autre personne et de comprendre ses sentiments ou ses difficultés[1] ». « Qui est faible, que je ne sois faible ? », dit Paul. « Qui vient à tomber, que je ne brûle ? » (2 Co 11.29.)

Paul n’était pas un dirigeant distant et impassible. Il n’était pas détaché des gens sur le plan émotif. Il n’était pas comme le mercenaire, le berger salarié, qui ne sert que lorsqu’il est payé pour ses efforts. Non ! Jamais !

Paul aimait ceux qui étaient sous sa responsabilité, même lorsqu’ils rendaient sa tâche difficile. Aux Corinthiens, qui lui ont causé beaucoup de chagrins et de nuits blanches, il a écrit : « vous êtes dans nos cœurs à la vie et à la mort » (2 Co 7.3). Plus loin dans la même lettre, il dit : « ce ne sont pas vos biens que je cherche, c’est vous-mêmes […] je ferai très volontiers des dépenses, et je me dépenserai moi-même pour vos âmes » (2 Co 12.14,15).

Les larmes causées par les faux enseignants et les convertis rebelles

Paul a pleuré en raison des attaques incessantes des faux enseignants contre l’Évangile et sur ses enfants dans la foi : « Car il en est plusieurs qui marchent en ennemis de la croix de Christ, je vous en ai souvent parlé, et j’en parle maintenant encore en pleurant » (Ph 3.18).

Des larmes d’angoisse : C’est avec larmes que Paul a averti à plusieurs reprises les anciens d’Éphèse des loups féroces qui chercheraient à diviser et à dévorer le troupeau : « Veillez donc, vous souvenant que, durant trois années, je n’ai cessé nuit et jour d’exhorter avec larmes chacun de vous » (Ac 20.31). Voir les brebis de Dieu être mises en pièces par des loups lui causait beaucoup d’angoisse dans l’âme.

Des larmes pastorales : Les conflits que Paul a eus avec les Corinthiens à l’esprit indépendant lui ont causé une intense douleur émotionnelle et des larmes.

C’est dans une grande affliction, le cœur angoissé, et avec beaucoup de larmes, que je vous ai écrit, non pas afin que vous soyez attristés, mais afin que vous connaissiez l’amour extrême que j’ai pour vous (2 Co 2.4 ; voir aussi 2 Co 12.21).

Des larmes de séparation : Après le discours de Paul, Luc a noté que « tous fondirent en larmes, et, se jetant au cou de Paul, ils l’embrassaient » (Ac 20.37). Un tel débordement d’émotion semble avoir été une expérience courante lors de tels adieux (2 Ti 1.4). Les larmes ont marqué le service de Paul pour le Seigneur, et une affection profonde a caractérisé ses relations personnelles avec les convertis et ses compagnons de travail pour l’Évangile.

Soyez prêts à pleurer

Lorsque vous aimez les gens et que vous êtes attentif à leurs besoins, vous pleurez aussi sur les nombreuses peines, les conflits et les difficultés qu’ils rencontrent. Vous pleurerez sur les mariages brisés, les foyers divisés, les conflits destructeurs entre les membres de l’Église, les morts prématurées, les maladies dévastatrices et les terribles dépendances à la pornographie, à l’alcool ou à la drogue. Comme le prophète Jérémie, vous pleurerez vous aussi sur les idoles insensées des gens et sur leur rébellion insensée contre les sages instructions de Dieu.

Avoir affaire avec des gens qui vivent dans le péché : Il y a une situation remplie de larmes que je n’oublierai jamais. J’ai dû m’occuper d’un collègue ancien, un ami plus âgé, qui vivait dans l’adultère, et qui cherchait de toutes ses forces à le nier. Pendant près d’un an, nous, les autres anciens, avons dû faire face à ses dénégations colériques, à ses mensonges astucieux, à son intimidation, à ses menaces de poursuites judiciaires et à ses fausses accusations contre la discipline de l’Église.

Comme vous pouvez l’imaginer, certaines personnes ont pris parti pour le frère qui péchait, affirmant que nous l’accusions à tort, tandis que d’autres ont soutenu les anciens. Des familles et les amis étaient d’avis contraires, prenant parti d’un côté ou de l’autre avec colère. Parfois, il semblait que l’Église allait se diviser.

Le stress était accablant, me causant de nombreuses nuits blanches. Pendant plusieurs mois je n’ai pas pu m’empêcher de ruminer les détails de la situation et les choses cruelles que les gens disaient alors qu’ils n’avaient pas tous les faits ou qu’ils étaient dupés par les mensonges éhontés de l’homme et par sa personnalité charismatique.

Même des individus et des organismes chrétiens en dehors de notre Église s’en sont mêlés, attaquant nos anciens. Tout cela était désastreux, mais mes collègues anciens et moi étions convaincus que nous avions fait la bonne chose pour l’Église, pour le frère coupable et pour sa famille en exerçant la discipline envers cet homme, comme le Seigneur l’avait commandé : « Ôtez le méchant du milieu de vous » (1 Co 5.13 ; voir aussi Mt 18.17).

Huit ans après avoir été excommunié de l’Église, ce frère est venu nous trouver, brisé et repentant, cherchant humblement la restauration et la réconciliation. La vérité a été révélée, la repentance était réelle, et notre communion avec lui a été restaurée par la grâce de Dieu. Cela aussi nous a fait pleurer, mais nous versions des larmes de joie.

Un stress émotionnel élevé : Dans ce monde saturé de péché, nous vivrons de nombreux chagrins et nous verserons souvent des larmes. Ce n’est qu’au ciel que toutes les larmes seront essuyées à jamais. Mais pour l’instant, il y a un lourd tribut émotionnel qui accompagne le travail de berger du peuple de Dieu. Notre tâche ne consiste pas à construire des ordinateurs ou à concevoir des sites web. Nous traitons avec des membres bien-aimés de la famille, des frères et des sœurs en Christ, et avec le message précieux du salut éternel par la mort et la résurrection de Jésus. Les enjeux sont élevés, les blessures sont profondes et par moments le stress peut être incessant.

Même si vous n’êtes pas une personne qui pleure facilement, vous ferez l’expérience de la tristesse, de la détresse émotionnelle, des pensées angoissantes et des nuits blanches. Le lourd fardeau des péchés des gens pèsera sur votre esprit chaque jour. Sans la présence habilitante du Saint-Esprit[2] pour faire le travail de berger, une telle exposition intime aux problèmes et aux péchés intérieurs des gens peut briser une personne sur le plan émotionnel. Alors, préparez-vous en ouvrant les yeux sur les dures réalités qui vous attendent en tant que berger du troupeau de Dieu à travers le désert maudit de ce monde. Comme le dit souvent un ami à moi : « Tout porte les empreintes digitales de la malédiction. »

Un travail profondément significatif

Oui, il y a des larmes et des chagrins en réserve pour les bergers du peuple de Dieu. Mais je dois dire qu’il y a aussi une grande joie et un profond épanouissement personnel à prendre soin du peuple de Dieu. Les joies surpassent les chagrins. Et c’est la vérité, parce que la tâche de berger auprès des gens implique des questions dont les conséquences sont éternelles.

Prendre soin du troupeau de Dieu produit chez le berger le sentiment profond qu’il fait la volonté de Dieu et que cela plaît au Seigneur Jésus-Christ. Pour le croyant, rien n’est plus significatif et plus gratifiant que cela :

C’est pour cela aussi que nous nous efforçons de lui être agréables, soit que nous demeurions dans ce corps, soit que nous le quittions. Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ (2 Co 5.9,10).

Rappelez-vous aussi que le « Chef Berger » sait parfaitement ce que vous souffrez, et il voit chaque larme que vous versez pour son peuple. Il a promis à tous ses sous-bergers qu’à son apparition, « vous obtiendrez la couronne incorruptible de la gloire » (1 Pi 5.4). Notre Seigneur n’a de dettes envers personne. Il récompense abondamment ses serviteurs. Vous et moi recevrons beaucoup plus que ce que nous méritons pour notre travail.


[1] Encarta World English Dictionary, p. 586, trad. libre.

[2] Expression fréquemment utilisée par Gordon D. Fee dans God’s Empowering Presence: The Holy Spirit in the Letters of Paul, Peabody, MA, Hendrickson, 1994.