Chers pasteurs, c’en est assez de votre revivalisme ! (Michael Lawrence)
Comment fait-on grandir une Église ? Chaque pasteur et leader d’Église se pose cette question, et presque tous les chrétiens s’y intéressent. Tenons pour acquis qu’ils ont de bonnes intentions : un désir sincère de voir hommes, femmes et enfants connaître Jésus-Christ pour être sauvés et ensuite grandir dans cette connaissance. Mais comment y arrive-t-on ?
L’histoire du revivalisme
Depuis le succès apparent du Second Grand Réveil qui a eu lieu aux États-Unis au début des années 1800, la plupart des leaders d’Église ont répondu à cette question en adoptant les techniques du revivalisme. « Revivalisme » et « réveil » ne sont pas synonymes. Solomon Stoddard, un pasteur puritain de l’ouest du Massachusetts, a défini le réveil comme étant « une période spéciale pendant laquelle Dieu revitalise d’une manière remarquable la religion au sein de son peuple. » [1] Il souligne le côté surprenant et surnaturel du réveil ainsi que son impact sur l’Église en général.
« Revivalisme » et « réveil » ne sont pas synonymes
Un réveil qui vient de Dieu produira des conversions et des disciples, une croissance qui est à la fois numérique et spirituelle. Le petit-fils de Stoddard, Jonathan Edwards — un leader du Premier Grand Réveil et son meilleur défenseur théologique —, soutient qu’une œuvre authentique de l’Esprit de Dieu n’est pas « révélée par la quantité ou l’intensité des émotions religieuses, mais plutôt par la présence d’un cœur transformé, qui désormais aime Dieu et recherche ce qui lui plaît ». [2] Autrement dit, c’est le fruit de l’Esprit, et non l’enthousiasme ou le dynamisme, qui prouve que Dieu est à l’œuvre.
De son côté, le revivalisme est un ensemble de techniques et de méthodes censées produire à coup sûr « les signes extérieurs de la conviction, de la repentance et de la nouvelle naissance ». [3] L’historien Iain Murray note que, tandis que les prédicateurs du Grand Réveil n’avaient aucune idée de la manière d’« assurer un réveil, les “revivalistes”, eux, popularisaient un système qui parvenait presque à garantir les résultats ». [4] C’est pourquoi dès le Second Grand Réveil, on peut annoncer les « réveils » à l’avance !
L’aspect du revivalisme s’est adapté à la culture changeante : il y a eu les réunions en plein air, les appels au salut et le « banc des anxieux » lors du Second Grand Réveil ; puis, le mariage de prédications enflammées et de chants dans le ministère de Dwight Moody et Ira Sankey, ainsi que les rassemblements électrisants de Billy Graham. Cependant, les techniques n’ont que peu changé : le contexte d’une foule pour encourager la réponse, l’utilisation délibérée des émotions pour motiver la réponse et la routine d’une prière ou d’une action physique pour provoquer une réponse. Tout cela présuppose qu’on peut réduire la conversion — ou du moins juger de son authenticité — à une réponse personnelle que le prédicateur peut provoquer, observer et mesurer.
La conversion est l’œuvre surnaturelle et souveraine de Dieu
Je ne veux pas sous-entendre que le Second Grand Réveil ou les ministères de Moody, de Graham et d’autres n’ont pas entraîné de véritables conversions — au contraire. En fait, la plupart d’entre nous connaissent probablement quelqu’un qui s’est tourné vers Jésus-Christ lors d’une rencontre de Billy Graham. Toutefois, si l’Écriture est notre guide, nous ne devons jamais attribuer les conversions aux techniques de ces ministères. Après tout, la conversion est l’œuvre surnaturelle et souveraine de Dieu qui, par le message de l’Évangile et par la puissance du Saint-Esprit, produit la conviction de péché, une repentance durable et la foi dans la mort substitutionnelle de Jésus et dans sa résurrection.
Notre repentance et notre foi sont le résultat certain de l’œuvre régénératrice de Dieu — œuvre qui, nécessairement, précède notre réponse. Si Dieu ne nous ramène pas à la vie et qu’il ne nous donne pas le don de la repentance et de la foi, nous resterons morts dans nos péchés. Aucune technique humaine ne peut lui forcer la main ou accomplir son travail à sa place. C’est ce que signifie être calviniste. Plus important encore, c’est ce que signifie posséder la même théologie que Paul (Ép 2.1-10) et Jésus (Jn 6.44,45 ; 10.27-30).
Cependant, les techniques revivalistes utilisées par les évangélistes dans leurs « réunions de réveil » ad hoc se sont bien vite retrouvées dans les cultes réguliers des Églises locales — même chez celles qui professaient une compréhension du salut réformée ou calviniste. Et pourquoi pas ? Après tout, cette technique semblait produire des résultats. Il suffisait de réunir une foule (attraction), d’établir un contact émotionnel significatif avec les gens (relation), puis d’enlever les obstacles à une réponse (automatisation). Vous pouviez ainsi faire grandir votre Église sans abandonner vos convictions théologiques.
Le revivalisme « fonctionne »
Le style, la musique et l’image diffèrent d’une mégaéglise à une autre. Toutefois, leurs méthodes sont pratiquement identiques malgré les divergences doctrinales. L’approche pragmatique de la croissance d’Église (attraction, relation, automatisation) fonctionne.
Vous n’avez qu’à poser la question à des calvinistes qui sont pasteurs d’Églises en pleine croissance. « Je préfère l’évangélisation («attractionnelle») que je fais à l’évangélisation que vous ne faites pas. » « On peut gagner n’importe qui à Christ si on découvre la clé de son cœur. » « Tout ce dont on a besoin pour faire grandir une Église, c’est de la bonne musique, un excellent programme pour enfants et un stationnement assez grand. » [5] Ceux qui ont émis ces commentaires défendent une approche essentiellement pragmatique et « attractionnelle » de l’Église, même s’ils croient sincèrement que Dieu est souverain dans le salut.
Il y a 25 ans, le théologien David Wells a publié No Place for Truth, or Whatever Happened to Evangelical Theology? (Pas de place pour la vérité, ou qu’est-il advenu de la théologie évangélique ?), le premier de ses volumes à accuser le mouvement évangélique de s’être amouraché de la modernité. [7] Il conclut que, dès le Second Grand Réveil, les évangéliques ont commencé à utiliser les outils de la modernité (marketing, technique, bureaucratisation, etc.) pour accomplir l’œuvre de Dieu — un but noble, mais une motivation pragmatique.
Les outils de la modernité produisent une culture de modernité, pas le royaume de Dieu
Dans le monde moderne, le succès se mesure par des chiffres, et les outils de la modernité fonctionnent. À mesure qu’on raffine le revivalisme par les techniques de marketing, les églises se remplissent, les non-croyants affluent et des multitudes sont sauvées. Malheureusement, notre succès apparent nous aveugle. Wells révèle ce que le reste d’entre nous n’a pas su voir : les outils de la modernité produisent une culture de modernité — pas le royaume de Dieu. Plusieurs sondages l’ont révélé : nos Églises en pleine croissance ne se sont pas remplies du fruit d’un réveil envoyé par l’Esprit, et donc de croyants authentiques menant une vie caractérisée par le fruit de l’Esprit. Au contraire, elles sont remplies des résultats du revivalisme moderne : des consommateurs religieux caractérisés par l’esprit de ce siècle.
Placez votre confiance dans les moyens de grâce ordinaires
Retournons à notre question originale : comment fait-on grandir une Église ? Je suppose que cela dépend de votre définition de l’Église et des gens. Si vous croyez que l’Église est constituée d’une foule de gens foncièrement capables — peut-être avec l’aide de Dieu — de choisir de suivre Jésus tant que celui-ci est assez attirant et pertinent, alors les outils du revivalisme sont pour vous. Cependant, si vous croyez que l’Église est un rassemblement de gens qui étaient morts dans leurs péchés, mais qui sont nés de nouveau grâce à l’œuvre surnaturelle et souveraine de Dieu par la puissance du Saint-Esprit, alors le revivalisme ne convient tout simplement pas.
Dieu utilise toujours sa Parole, lorsqu’elle est fidèlement annoncée, pour ramener les morts à la vie
Ce que nous voulons, c’est un réveil, une œuvre authentique de l’Esprit, et non un produit de techniques humaines. Depuis le tout début, l’œuvre de Dieu est accomplie par l’Esprit de Dieu au moyen de sa Parole dans notre monde déchu. [7] Depuis la première prédication de l’Évangile à la Pentecôte, en passant par la restauration de la prédication évangélique à l’époque de la Réforme, et jusqu’à la fois où vous avez entendu l’Évangile et avez été sauvé — Dieu utilise toujours sa Parole, lorsqu’elle est fidèlement annoncée, pour ramener les morts à la vie.
Alors, chers calvinistes, c’en est assez de votre revivalisme ! Faites croître votre Église par les moyens de grâce ordinaires que Dieu a toujours utilisés pour faire croître son Église : la prédication de l’Évangile, l’administration des sacrements et le bon usage de la discipline d’Église. Appliquez-vous au ministère de la Parole et à la prière comme l’ont fait les apôtres (Ac 6.4). Cessez de vous de vous fier aux outils de la modernité pour construire le royaume de Dieu, car ils n’ont jamais été adéquats et ne le seront jamais.
Seul le Saint-Esprit peut ramener à la vie ceux qui sont spirituellement morts
Il n’y a rien de mal à jouer une musique appropriée à votre culture, à offrir un stationnement adéquat, à afficher une belle image de marque et à posséder un processus clair pour se joindre à l’Église. Toutes ces choses sont importantes et ne doivent pas être négligées. Toutefois, ne croyez pas que ces outils et d’autres du même genre feront grandir l’Église de Christ. Ils ne le feront pas, car ils en sont incapables. La meilleure expérience d’adoration et la connexion la plus authentique avec les gens dans la prédication ne peuvent pas ramener à la vie ceux qui sont spirituellement morts. Le Saint-Esprit seul peut faire ce travail, et il le fera par sa Parole, et non par nos techniques.
[1] Iain H. Murray, Revival and Revivalism: The Making and Marring of American Evangelicalism 1750-1858, [Le réveil et le revivalisme : La création et la corruption du mouvement évangélique américain 1750-1858], Banner of Truth, 1994, p. xvii. [2] Mark Noll, A History of Christianity in the United States and Canada [Une histoire du christianisme aux États-Unis et au Canada], Eerdmans, 1992, p. 96. [3] Murray, p. xix. [4] Ibid., p. xviii. [5] Rick Warren, The Purpose Driven Church [Une Église motivée par l’essentiel],Zondervan, 1995, p. 219. Le premier et le troisième commentaires proviennent de conversations privées avec des pasteurs du mouvement Acts 29, avant 2015. [6] David Wells, No Place for Truth, or Whatever Happened to Evangelical Theology [Pas de place pour la vérité, ou qu’est-il advenu de la théologie évangélique ?], Eerdmans, 1993. [7] HT, David Helm.