Cinq points pour tous les peuples (Dieudonné Tamfu)

Comment la théologie réformée est en train de transformer l’Afrique

Récemment, un missionnaire envoyé dans notre pays m’a interrogé sur mon ministère. J’ai expliqué que nous sommes en train d’implanter une église et que nous avons lancé un campus de Bethlehem College & Seminary au Cameroun pour former des pasteurs. J’ai mentionné que le programme de notre faculté met l’accent sur l’enseignement des langues bibliques et d’une théologie centrée sur Dieu. Elle a fait part de sa surprise. Elle m’a dit que dans son ministère, on n’enseigne pas aux pasteurs camerounais les langues bibliques ou la théologie. Elle a déclaré : « Avec tous les problèmes que connaît l’église ici, nous considérons qu’il est plus important de donner aux pasteurs des enseignements pratiques sur le ministère. » C’était triste à entendre.

Toute bonne pratique dans le ministère est guidée par une théologie solide. On peut penser que l’enseignement pratique, dépourvu de discussion théologique, est meilleur parce qu’il produit des résultats plus rapidement, mais ce changement ne durera pas. Si nous ne visons pas à changer les gens au niveau de leur vision du monde, nous ne les changerons pas du tout. Oui, l’Église africaine est faible, mais les chrétiens et les pasteurs d’ici nécessitent plus que des instructions sur ce qu’il faut faire et ne pas faire. La mission ne doit pas se limiter à la gestion de crise. Les personnes que nous servons sur le champ de la mission ont besoin d’une grande théologie centrée sur Dieu et glorifiant Christ. Ils ont besoin de la théologie réformée. Si c’est bon pour les Américains, c’est bon pour nous.

Les Africains ont besoin de la même théologie dont les Américains et les Européens ont besoin. Nous pouvons avoir l’air différents et avoir des accents différents, des couleurs de peau différentes, des pouvoirs économiques différents, des maladies différentes et des niveaux de progrès scientifique différents, mais nous sommes les mêmes au fond : des pécheurs ayant besoin d’un Sauveur. La pertinence d’une bonne doctrine n’est pas contextuelle, elle est globale. Des gens de toutes les couleurs, tribus et langues partagent le péché d’Adam. Ils sont tous corrompus. Dieu a élu inconditionnellement des personnes parmi eux tous. Et la théologie réformée réforme tous les peuples, quelle que soit leur appartenance ethnique.

Humiliés par la corruption

L’homme, bien que créé à l’image de Dieu, est né mort dans le péché (Éphésiens 2.1). Il ne veut pas et ne peut pas se tourner vers Dieu tout en se repentant (Romains 8.7-8). Par nature, l’homme n’est capable que de pécher. Personne ne fait le bien, ni ne veut ou ne peut faire le bien, puisque les bonnes œuvres que Dieu exige doivent découler de la foi en Christ, dont nous manquons tous par nature (Romains 14.23 ; 1 Corinthiens 2.14).

Où que l’on serve, cette doctrine influence la façon dont nous considérons les personnes que nous servons. Lorsque nous croyons que tous les hommes sont totalement corrompus, nous ne considérons pas les Africains ou les Américains comme moralement inférieurs. Nous avons des couleurs de peau différentes, mais nos cœurs sont tous noirs en dehors de Christ, noircis par notre corruption. Les Américains sont tout aussi corrompus que les Africains, et le même Dieu qui surmonte la corruption des Américains surmonte la corruption des Africains.

Cette compréhension est pertinente pour tous les pasteurs. Dieu utilise l’évangile pour conquérir des cœurs corrompus. Ainsi, nous prêchons l’évangile avec audace et confiance, et nous encourageons les prédicateurs de toutes les nations à faire de même. Nous implorons les hommes de se tourner vers Dieu, tout en implorant Dieu de tourner les hommes vers lui.

Motivés par l’élection

Dieu, de bonne grâce et de plein gré, sans contrainte ni en étant influencé par quoi que ce soit qu’il aurait vu à l’avance en nous, a destiné certains à être sauvés avant la création du monde (Éphésiens 1.4). Dieu a choisi avant la création du monde parce que cela ne dépendait pas du temps ou de quoi que ce soit dans le temps. Même dans le temps, nous sommes des esclaves, des pécheurs, des fous, nous méritons l’enfer, nous n’avons aucun mérite devant Dieu.

Lorsque Dieu choisit des pécheurs sans mérite, il ne fait pas preuve de partialité. Des personnes de tous les couleurs, tribus, langues et milieux sociaux font partie des élus de Dieu. Ainsi, Paul a courageusement voyagé dans des pays lointains pour proclamer le même évangile, car il savait que les élus de Dieu étaient dispersés dans le monde entier. Il croyait que Dieu les avait déjà marqués, mais il savait aussi qu’ils ne pouvaient pas être sauvés si personne ne leur prêchait la vérité (Romains 10.14). Même s’il présentait la vérité de différentes manières, il présentait la même vérité. Les pasteurs de chaque tribu doivent comprendre cela. La même vérité qui a motivé Paul motive les Américains, et motive aussi les Africains. Le même évangile qui sauve les Américains sauvera les élus en Afrique. Ne diluez pas l’évangile et ne minimisez pas l’importance d’enseigner les doctrines réformées parce que vous êtes en Afrique.

Quelqu’un m’a demandé un jour pourquoi je préparais une thèse de doctorat alors que je prévoyais de retourner au Cameroun. Bien que je ne connaisse pas les motivations de cette personne, cette question suppose que les Africains n’ont pas besoin d’un évangile bien articulé de la part de pasteurs bien formés et théologiquement solides. C’est faux ! C’est faux ! Si les élus en Amérique ont besoin de pasteurs réformés avec des doctorats pour les enseigner, les Africains ont le même besoin. Ceux qui se préparent à servir dans les pays du tiers monde devraient recevoir une excellente éducation – et j’ajouterai une éducation réformée – pour le bien des élus, et former des pasteurs africains à la même théologie. Ils sont dignes de ce sacrifice. Nous avons besoin de plus que de savoir comment faire ci ou cela et ce que l’on ne doit pas faire. Nous avons besoin d’une théologie réformée centrée sur Dieu.

Sauvés par l’expiation

L’expiation particulière (ou « limitée ») signifie que Jésus est mort efficacement pour ceux que Dieu a librement destinés au salut. Christ est mort pour son épouse, l’Église (Éphésiens 5.25). Bien que la mort de Christ ne soit pas limitée dans son pouvoir, elle est appliquée en particulier aux élus. Bien que la mort de Christ soit limitée aux élus, par elle, Dieu sauve des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation par la foi (Apocalypse 5.9).

Dans le ministère, notre vocation est de prêcher l’œuvre rédemptrice particulière, suffisante et puissante de Christ. Nous prêchons l’œuvre particulière d’expiation de Christ sans relâche, en priant pour que Dieu applique l’expiation particulière de Christ à tous ceux que nous servons.

Ainsi, lorsque nous évangélisons, et que les gens ne croient pas, nous ne perdons pas courage. Nous disons avec Paul : « Si notre Évangile est encore voilé, il l’est pour ceux qui périssent, pour les incrédules dont le dieu de ce monde a aveuglé l’intelligence afin qu’ils ne voient pas briller l’éclat que projette l’Évangile de la gloire de Christ, qui est l’image de Dieu. » (2 Corinthiens 4.3-4) Comprendre la doctrine de l’expiation particulière nous protège, nous, les serviteurs africains et américains de l’évangile, d’utiliser des stratégies manipulatrices dans l’évangélisation. Comme Paul : « Nous rejetons les actions honteuses qui se font en secret, nous ne nous conduisons pas avec ruse et nous ne falsifions pas la parole de Dieu. Au contraire, en faisant connaître clairement la vérité, nous nous recommandons à toute conscience d’homme devant Dieu. » (2 Corinthiens 4.2)

Surmontés par la grâce

Le Fils de Dieu est mort précisément pour le peuple élu de Dieu, et Dieu applique irrésistiblement l’œuvre expiatoire de son Fils à ceux qu’il a élus. Bien que nos cœurs corrompus puissent y résister pendant un certain temps, on ne peut en fin de compte résister à la grâce salvatrice de Dieu. Dieu attire tous les élus vers son Fils.

Aucun humain – qu’il soit américain, africain, asiatique ou européen – n’est suffisamment corrompu que pour résister à la grâce salvatrice de Dieu en Christ. Ainsi, nous travaillons dans le ministère, en faisant confiance à l’Esprit de Dieu pour surmonter toute résistance humaine.

En tant que pasteur africain, cette doctrine me rend confiant quant à l’évangélisation et au ministère en général. Elle m’aide à m’abstenir de recourir à des méthodes non bibliques. Comme la grâce salvatrice de Dieu est irrésistible, nous, les serviteurs de l’évangile, devons éviter les approches du ministère susceptibles de renforcer la résistance humaine. Je trouve des Américains en Afrique qui mettent en avant, dans leurs ministères pour l’évangile, les dons financiers et matériels, peut-être pour pouvoir se faire entendre. Bien qu’une telle générosité soit bonne et biblique, nous devons veiller à ne pas nourrir un esprit axé sur l’argent et les biens matériels, comme le veut le soi-disant évangile de la prospérité. Si Dieu peut sauver les Occidentaux sans nos appâts, il peut sauver les Africains et les Asiatiques sans eux. Nous devons faire confiance à la grâce irrésistible de Dieu et prêcher la parole de Dieu telle qu’elle se présente.

Nous devons veiller à ne pas venir en Afrique et à ne pas approcher les Africains comme s’ils étaient capables de résister à la grâce de Dieu. Aucun don ne peut venir à bout de la corruption d’un Africain. Aucun soutien financier ne le peut. Aucun relâchement des attentes bibliques ne le peut. Nous les préparons davantage à l’enfer avec ces choses, si nous ne faisons pas attention.

Gardés par Dieu

Quand Dieu sauve, il préserve aussi. Dieu garantit à chaque croyant la vie éternelle parce qu’il sauve et garde chacun d’entre eux. Dieu achèvera son œuvre de salut en chaque saint au jour de Jésus-Christ (Philippiens 1.6). Dieu gardera ceux qu’il a sauvés par sa puissance grâce à leur foi en Christ, qu’il soutiendra lui-même en eux (Hébreux 13.20-21 ; 1 Pierre 1.4-5). Le même évangile sauve et garde.

Ce que cela signifie pour le ministère auprès d’un pasteur africain, américain ou asiatique, c’est que nous ne cessons jamais de proclamer l’évangile. Nous ne prêchons pas l’évangile pour rassembler les élus pour ensuite passer à d’autres choses pratiques. L’évangile, qui est au cœur de la théologie réformée centrée sur Dieu, est la puissance de Dieu pour le salut des sauvés. Nous recevons l’évangile et nous sommes sauvés, nous continuons à croire en l’évangile pour rester sauvés, et c’est ce même évangile qui nous sauvera à la fin.

Les saints d’Afrique, d’Asie et du tiers monde ont besoin d’un régime à base d’évangile constant pour leur persévérance, et nous les servons le mieux lorsque nous leur servons l’évangile de Christ dans toute sa plénitude et sans dilution. Dieu garde le tiers monde de la même manière qu’il le fait pour le monde développé. Nous devons les servir de la même manière et former leurs hommes autochtones à la même vision du monde pour qu’ils puissent exercer le même ministère.

Ma prière pour les églises africaines

Une bonne compréhension des doctrines réformées, pertinentes même pour les pasteurs des villages africains, devrait nous permettre d’exercer plus facilement notre ministère dans n’importe quel contexte, en comprenant que tous les hommes sont fondamentalement identiques et ont besoin de la même solution pour leur salut.

Transformons le ministère de l’évangile au niveau mondial en équipant chaque pasteur d’une théologie réformée, quel que soit l’endroit où il sert. Chaque pasteur doit embrasser et enseigner ces doctrines pour montrer à son peuple la grandeur de notre Dieu et l’importance du salut qu’il offre. Lorsque nous donnons aux gens une grande théologie, nous pouvons nous attendre à de grandes choses. Attendez-vous à une transformation durable. Attendez-vous à une réforme. C’est ce pour quoi je prie pour l’Église africaine.


Cet article est une traduction de l’article anglais « Five Points for All Peoples » du ministère Desiring God par Timothée Davi.