Comment les sacrements agissent comme des contrats
Deux sacrements différents
Le mot « sacrement » vient du mot latin sacramentum. Il était utilisé de deux façons à l’époque. Premièrement, il décrivait le serment prêté par les soldats de l’armée romaine. C’était un engagement d’allégeance sacré. Deuxièmement, en droit civil romain, lorsque vous attaquiez quelqu’un en justice, les deux parties plaçaient le montant contesté dans un fonds commun. À la conclusion du dossier, la partie gagnante remportait le tout. Mais jusqu’à ce moment, le montant bloqué était sacramentum ou, comme on l’entend parfois aujourd’hui : « sacro-saint ». En ce sens, sacramentum faisait référence à de l’eau, du pain et du vin qui étaient destinés, non pas à leur usage ordinaire, mais à la représentation de la promesse de Dieu envers nous dans l’Évangile, et à notre réponse à ce qu’ils symbolisent.
Le sens du terme sacramentum a été brouillé, car il était aussi utilisé pour traduire le mot grec pour «mystère» (mystērion). Ce dernier est utilisé dans le Nouveau Testament pour faire référence à la révélation de Christ dans l’Évangile (Col 1.27 ; 2.2 ; 1 Ti 3.16) et à la relation entre Christ et l’Église. Mystērion n’est toutefois jamais utilisé en référence aux sacrements dans le Nouveau Testament. Le problème était que l’association au mot « mystère » insinuait que les sacrements étaient mêlés aux pratiques religieuses des « religions à mystères » romaines, qui étaient censées conférer des pouvoirs magiques à leurs adeptes. Ainsi, dans la théologie médiévale, les sacrements étaient communément perçus comme des éléments disposant d’un pouvoir spirituel intrinsèque.
Afin d’éviter ces associations erronées, certaines Églises ont préféré le terme ordonnances pour décrire le baptême et la sainte cène, puisque ces pratiques sont « ordonnées » par Christ. Le problème avec ce terme, c’est qu’il ne distingue pas le baptême et la sainte cène des autres pratiques ordonnées par Christ (comme la prédication et la prière). Le baptême et la sainte cène ont des rôles distincts en tant qu’expressions d’adhésion et d’appartenance à l’Église. En outre, leur aspect physique les rend uniques et nous oblige à les considérer d’une manière différente.
Ce vocabulaire d’engagement, de sceau, de signe et de témoignage reflète le langage utilisé dans les confessions de foi des Églises de la Réforme. La Confession de La Rochelle ou Confessio Gallicana, une déclaration rédigée par Calvin et adoptée par les Églises réformées de France en 1559, affirme que les sacrements servent « de gages et de preuves de la grâce de Dieu, de sorte qu’à cause de notre faiblesse et de notre ignorance, ils concourent à soulager et à aider notre foi » (§34). Elle décrit le baptême comme un « témoignage de notre adoption » et « une attestation permanente que Jésus-Christ sera toujours notre justice et notre sanctification » (§35).
De même, la sainte cène est « le témoignage de notre unité avec Jésus-Christ » (§36). La Confession de la Foi Belge (1561), une des normes confessionnelles des Églises réformées des Pays-Bas, parle également des sacrements en tant que sceaux et « gages » « pour nourrir et soutenir notre foi » (§33). « Les Trente-Neuf Articles » de 1563, la confession historique de l’Église anglicane, avancent que les sacrements ne sont pas seulement des « marques » ou des « signes » de notre profession, mais également des « témoignages sûrs, et des signes efficaces de la grâce et de la bienveillance de Dieu envers nous » qui sont donnés pour « affermir et confirmer notre foi en lui » (art. 25, trad. libre). La Confession de Westminster a été écrite par des puritains anglophones dans les années 1640. Elle est devenue la grande déclaration de foi des presbytériens et, dans des versions adaptées, des congrégationalistes et des baptistes réformés. Elle désigne les sacrements comme des « sceaux sacrés de l’Alliance de grâce » (27.1). La sainte cène est « le contrat et le gage de [la] communion [des croyants] avec le Seigneur et entre eux en tant que membres de son corps mystique » (29.1).
Promesse confirmée
Pensez à un contrat. Pensez par exemple à un contrat de travail, ou à une note de vente, ou encore à une reconnaissance de dette. Vous disposez d’un bout de papier comportant toute une série d’engagements. Voilà ce qu’est l’Évangile : une série de promesses écrites. Dieu promet le pardon, l’acquittement, l’adoption, la préservation, la résurrection et la gloire. Les sacrements sont comme la signature au bas du contrat. Dans le passé, les accords n’étaient pas signés; ils étaient scellés par des cachets de cire. Les réformateurs voyaient donc les sacrements comme des sceaux, tout comme aujourd’hui, une signature confirme des engagements. Les promesses d’alliance que Dieu nous communique dans l’Évangile sont signées et scellées avec de l’eau, du pain et du vin. La signature n’ajoute rien au contenu des promesses; elle ne les promulgue pas non plus. En revanche, elle les scelle et les confirme. Sans contrat signé, vous pourriez tout de même espérer que quelqu’un honore ses engagements, mais une signature vous donne une bien plus grande assurance. Vous disposez de quelque chose à invoquer, à savoir un engagement que vous tenez en main. Dieu, quant à lui, nous a gracieusement donné le baptême et la sainte cène pour que nous ayons une plus grande confiance en ses promesses.
Dans la prédication de l’Évangile, Dieu nous donne la promesse du pardon sous une forme audible. Celle-ci est claire, car elle nous parvient sous forme de paroles. Sans ces paroles, nous ne comprendrions pas l’Évangile. Dans les sacrements, cependant, Dieu nous donne aussi la promesse sous une forme que nous pouvons voir, toucher et même goûter. L’eau, le pain et le vin sont ajoutés comme des confirmations de la réalité de la promesse. Tous nos sens sont ainsi engagés afin que notre foi fragile puisse être fortifiée. Jésus décrit le vin comme « le sang de la nouvelle alliance » (Mt 26.28, DBY). Une alliance est une promesse génératrice de relation. Dans les sacrements, la promesse de Dieu est manifestée sous une forme physique, afin que nous puissions la voir tout aussi bien que l’entendre, la goûter tout aussi bien que la lire.
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Cet article est tiré du livre : La vérité rendue visible de Tim Chester