Comment notre foi et l’observance de la loi collaborent dans la vie chrétienne (John Piper)
Voici une question par e-mail, une question assez courante que nous recevons régulièrement sur le rôle de la foi et des œuvres dans la vie chrétienne.
Bonjour Pasteur John, je m’appelle Anthony, je viens d’Espagne. Romains 2.13 dit que « ce sont ceux qui mettent en pratique la loi qui seront déclarés justes ». Comment dois-je comprendre ce verset à la lumière de Romains 5.1 et d’autres versets qui parlent de notre justification par la foi seule et non par les œuvres ? Pourquoi Paul dirait-il que « ceux qui pratiquent » la loi sont justifiés ?
Cette question est énorme et merveilleuse. C’est une question si cruciale, si importante. J’espère donc pouvoir aborder le verset, mais aussi exposer le plus grand problème en jeu, à savoir la relation entre, d’une part, le fait d’être justifié par la foi sans les œuvres de la loi comme fondement de notre faveur de Dieu et, d’autre part, la nécessité et l’inévitabilité du fruit des bonnes actions ou de l’observance de la loi pour montrer que cette foi en Christ est réelle. C’est ce que les gens ont tant de mal à comprendre de nos jours. Permettez-moi donc de m’y essayer.
Précisons le contexte si nous le pouvons. Dans Romains 2.11-13, Paul s’attache à montrer que les Juifs, même s’ils ont la loi, ne feront l’objet d’aucune partialité au jour du jugement. Il explique comment le jugement, le jugement dernier, se déroulera au dernier jour pour ceux qui ont eu la loi et ceux qui ne l’ont pas eue – les nations qui n’ont pas eu accès à la loi. En Romains 2.11, il pose le principe suivant : « Devant Dieu il n’y a pas de favoritisme. » Et il explique ensuite comment cela fonctionne. Même si les Juifs ont la loi, ce qui semble être « Dieu, c’est du favoritisme », et que les nations ne l’ont pas. Il dit : « Tous ceux qui ont péché sans la loi périront aussi sans la loi. » (Romains 2.12) Ce qui signifie que Dieu ne va pas faire intervenir la loi de Moïse pour condamner quelqu’un qui n’a jamais entendu parler de la loi de Moïse. Il n’en aura pas besoin. Ils seront jugés sur la base des accès qu’ils ont eus à la loi écrite sur leur cœur ou à la loi écrite dans la nature ou à la loi écrite dans leur conscience. Mais il ne sera pas partial en utilisant un standard auquel quelqu’un a eu accès et auquel vous n’avez pas eu accès.
Et le verset continue : « … et tous ceux qui ont péché sous la loi seront jugés au moyen de la loi. » (Romains 2.12) Nous allons tous être jugés par les normes divines auxquelles nous avons accès, et tout le monde a accès aux normes divines auxquelles nous ne répondons pas. Tel est le message de Romains 1 et 2.
Puis il ajoute le verset sur lequel Anthony s’interroge, le verset 13 : « En effet, ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu, mais ce sont ceux qui la mettent en pratique qui seront déclarés justes. » En d’autres termes, le simple fait d’avoir la loi et d’être capable d’entendre la loi, parce que vous l’avez, sera d’un avantage nul au jour du jugement, parce que personne ne pourra dire : « Nous avons eu la loi, donc nous allons échapper au jugement au dernier jour. »
Non, il s’agit de la manière dont vous répondez à la volonté de Dieu, la loi – et non de savoir si vous la possédez. C’est ce que dit le verset 13. Puis il montre dans les versets suivants que les nations ont une forme de la loi de Dieu écrite dans leur cœur (Romains 2.15), et il avait déjà dit dans Romains 1.19-20 qu’elles ont une forme de la volonté de Dieu écrite dans les cieux et dans la nature – et maintenant dans leur conscience (Romains 2.15).
Or, dans ce contexte, beaucoup de très grands enseignants, des gens que j’aime et que j’admire, ont soutenu que le verset 13 décrit une situation hypothétique, pas une situation réelle. Ainsi, lorsque Paul dit : « En effet, ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu, mais ce sont ceux qui la mettent en pratique qui seront déclarés justes », il fait référence au jugement dernier. Il ne dit pas que quelqu’un fait réellement cela. Il s’agit d’une hypothèse. Hypothétiquement, s’il y avait des pratiquants de la loi, ils seraient justifiés par la loi parce que, si vous êtes parfaits, vous êtes parfaits. Mais comme personne ne réalise cela, il ne s’agit que d’une hypothèse et l’auteur énonce un principe.
C’est donc une façon de comprendre Romains 2.13 de manière à ce qu’il s’accorde avec Romains 3.28, par exemple, ou Romains 5.1, qui a été mentionné. « Nous estimons que l’homme est déclaré juste par la foi, indépendamment des œuvres de la loi » (Romains 3.28). Et cette façon de comprendre 2.13 comme hypothétique est une façon de garder ces derniers en parfaite harmonie.
Ce que je veux dire, c’est qu’il y a une autre façon de comprendre Romains 2.13 qui est également cohérente avec Romains 3.28 compris de cette façon et avec la doctrine de la justification par la foi seule en dehors des œuvres de la loi, ce qui signifie que le seul fondement de notre justification est Christ, son sang et sa justice, et que le seul instrument qui nous unit à Christ et à sa justice est la foi et la foi seule. Et je crois que c’est ce qu’enseigne la Bible.
Être des pratiquants de la loi ne signifie pas nécessairement être des pratiquants parfaits de la loi, sans aucun échec. Si être des pratiquants de la loi signifie être parfaits, alors il est clair que cela doit être hypothétique. Cela peut signifier que l’on aime la loi, que l’on se confie en Dieu pour être pardonné lorsqu’on trébuche ou qu’on ne parvient pas à se conformer à la volonté de Dieu, que l’on s’appuie sur la provision de Dieu pour atteindre une justice parfaite et que l’on cherche à marcher d’une manière qui plaise au Seigneur.
En d’autres termes, il peut s’agir d’une personne aujourd’hui, au 21e siècle. Une personne aujourd’hui peut être un pratiquant de la loi qui fait confiance à Jésus comme la seule base de sa justification devant Dieu et qui, dans la puissance de cette foi par l’Esprit, marche d’une manière digne du Seigneur et ensuite, au jugement dernier, Christ sera la base de notre acceptation, Christ seul, la base de notre acceptation auprès du Père et de notre vie d’obéissance, la pratique de la loi sera évoquée pour confirmer, juste confirmer, que notre foi était réelle, parce que la foi agit par l’amour (Galates 5.6). Ainsi, l’accomplissement de la loi ne sera pas la base pour que nous soyons dans la faveur de Dieu, mais la preuve que nous faisons confiance à Christ, que nous sommes unis à Christ, et donc nécessaires au dernier jour.
« Toute l’obéissance que le chrétien accomplit est un fruit qui provient d’une union établie par la foi, et non d’une union établie par les œuvres. Vous devenez un bon arbre en union avec Jésus. »
Or, pourquoi est-ce que je pense que c’est, en fait, ce que le verset enseigne ? Voici quelques raisons :
1) La déclaration « ceux qui pratiquent la loi seront déclarés justes » ne sonne pas, dans le contexte, comme une déclaration hypothétique. Elle sonne simplement comme si c’était vrai. Cela arrive. Cela ressemble à une déclaration de fait. Donc si la déclaration peut être maintenue telle quelle dans la pensée de Paul, alors je veux qu’elle soit maintenue.
2) Romains 2.13 dit : « Ceux qui pratiquent la loi seront déclarés justes. » Il ne dit pas « en faisant les œuvres de la loi, vous serez justifiés ». Ce serait un très gros problème à mon avis s’il disait cela. Il dit simplement que celui qui sera justifié est celui qui accomplit la loi. Il n’y a pas du tout de lien de causalité affirmé entre les deux. Le verset n’est donc pas en contradiction avec Romains 3.20 qui dit que par les œuvres de la loi, aucune personne ne sera justifiée. Il n’y a rien dans Romains 2.13 qui nous empêche de croire à la justification par la foi seule.
La foi est requise par la loi. La foi est le seul moyen d’union avec Christ dont la justice nous justifie lors du jugement. Toutes les autres obéissances qui découlent de cette foi sont des fruits – les fruits de cette union, et non les moyens de cette union. C’est tellement crucial. Laissez-moi le répéter. Toute l’obéissance que le chrétien accomplit, toute cette obéissance, est un fruit qui vient d’une union établie par la foi, pas une union établie par les œuvres, une union établie par la foi avec Christ, et donc ce fruit n’est pas un moyen d’être un bon arbre. C’est le résultat d’être un bon arbre. Et vous devenez un bon arbre par la foi seule en union avec Jésus. Et alors le Saint-Esprit agit. Donc Romains 2.13 n’est pas non plus une contradiction, selon ma lecture, de l’enseignement de Paul sur la justification par la foi seule.
3) Il y a des exemples réels dans le Nouveau Testament de personnes réelles qui pratiquent la loi. Ceci n’est pas hypothétique. Par exemple, considérez Luc 1.5-6 : « Durant le règne d’Hérode sur la Judée, il y avait un prêtre du nom de Zacharie, de la classe d’Abia ; sa femme était une descendante d’Aaron et s’appelait Élisabeth. Tous deux étaient justes devant Dieu, ils suivaient d’une manière irréprochable tous les commandements et toutes les lois du Seigneur. » Point final. Ce n’est pas une hypothèse. C’est ainsi qu’ils ont été décrits.
Et bien sûr, ils étaient pécheurs. Bien sûr, ils avaient besoin d’être justifiés par la foi. Mais ils étaient tellement en phase avec le cœur et la pensée de Dieu qu’ils étaient décrits comme justes. Ils étaient décrits comme marchant de manière irréprochable. Ils ont été décrits comme gardant les commandements, parce que chaque fois qu’ils ont trébuché, ils ont saisi l’opportunité de la loi et de l’évangile pour se repentir, pour s’appliquer aux sacrifices dans l’Ancien Testament et maintenant à Christ dans le Nouveau Testament pour couvrir leurs péchés afin qu’ils puissent être décrits dans leur chemin d’obéissance générale comme irréprochables et justes. C’est donc un couple réel, et non un couple hypothétique, qui est décrit comme pratiquant la loi.
En voici une autre. Paul dit : « La circoncision n’est rien et l’incirconcision n’est rien non plus, mais ce qui compte, c’est le respect des commandements de Dieu. » (1 Corinthiens 7.19) Il dit cela aux chrétiens. Et il venait de dire dans Galates 5.6, en Christ la circoncision ne compte pas. L’incirconcision n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est la foi agissant par l’amour.
Ainsi, si vous superposez ces deux textes, la foi qui agit par l’amour est décrite comme le fait de garder les commandements de Dieu, car selon la compréhension de Paul dans Romains 13.10, l’amour est l’accomplissement de la loi. L’amour accomplit les commandements de Dieu que la loi exige. Et donc, les œuvres d’amour qui viennent par la foi chrétienne sont un respect des commandements, et la personne qui les accomplit peut être décrite comme pratiquant la loi.
Voici un troisième exemple : « Ce qui était impossible à la loi parce que la nature humaine la rendait impuissante, Dieu l’a fait : il a condamné le péché dans la nature humaine en envoyant à cause du péché son propre Fils dans une nature semblable à celle de l’homme pécheur » – c’est donc l’expiation substitutive, pénale – « Ainsi, la justice réclamée par la loi est accomplie en nous qui vivons non conformément à notre nature propre mais conformément à l’Esprit. » (Romains 8.3-4)
Voilà ce que nous sommes en tant que chrétiens. Lorsque nous marchons selon l’Esprit, nous accomplissons la justice réclamée par la loi. C’est-à-dire que nous gardons les commandements. C’est-à-dire que nous aimons. Nous pratiquons la loi, non pas en tant qu’observateurs parfaits de la loi sans péché – personne ne l’est ni ne l’a jamais été, sauf Jésus, et c’est pourquoi nous dépendons de lui – mais plutôt en tant que personnes radicalement transformées par la foi en la puissance du Saint-Esprit, en nous appuyant sur la grâce de Dieu qui nous parvient par Jésus Christ. Ainsi, Romains 2.13 n’a pas besoin d’être hypothétique. Il y a des pratiquants de la loi dans le Nouveau Testament, comme nous venons de le voir dans ces trois exemples. Et voici la dernière chose que je dirais en faveur de la prise en compte de ce verset comme une simple affirmation plutôt que comme une déclaration hypothétique.
4) Il s’inscrit dans le contexte de Romains, dans les versets qui le précèdent. Tout d’abord, le contexte. Voici ce que Paul dit dans Romains 2.6-7 : « Il [Dieu] rendra à chacun selon ses œuvres : à ceux qui, par leur persévérance à faire le bien, » – ce qui revient, je pense, à dire « à ceux qui pratiquent la loi », – « recherchent l’honneur, la gloire et l’incorruptibilité, il donnera la vie éternelle », ce qui est une autre façon de dire qu’ils seront justifiés au dernier jour.
Ainsi, dans le contexte même où nous trouvons 2.13, Paul a déjà enseigné que la vie éternelle, qui est essentiellement la même chose que la justification finale, que nous devons être tellement transformés par notre foi en Jésus-Christ et par son expiation et son sang que nous persévérons à faire le bien et que cela devient la voie étroite. Cela conduit à la vie et sera présenté au dernier jour, non pas comme le motif de notre acceptation, non pas comme le motif d’être dans la faveur de Dieu, mais comme la preuve que nous avons fait confiance à Dieu.
Ma réponse à Anthony est donc qu’il a raison d’être jaloux de sauvegarder la doctrine de la justification par la foi seule, indépendamment des œuvres de la loi, comme base de notre acceptation. Et il a également raison – j’espère qu’il aura raison – d’être jaloux de préserver la vérité biblique selon laquelle la foi qui sauve porte toujours le fruit de l’accomplissement de la volonté de Dieu, comme nous l’avons vu, par exemple, dans 1 Jean 1.9, où nous nous repentons et où il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice, à condition que nous marchions dans la lumière, comme le dit 1 Jean 1.7.
Cet article est une traduction de l’article anglais « How Our Faith and Law-Keeping Work Together in the Christian Life » du ministère Desiring God par Timothée Davi.