Comment se taire : la discipline spirituelle du silence (Mark Dever)
En tant que pasteur, j’encourage souvent les chrétiens à prendre la parole, que ce soit pour annoncer l’Évangile aux non-croyants ou pour encourager et corriger les autres membres de leur assemblée. Parmi les neuf traits distinctifs d’une église en bonne santé, trois d’entre eux nécessitent manifestement une prise de parole : l’évangélisation, la formation de disciple et la prédication.
Pourtant, il faut considérer l’autre côté de la médaille : nous sommes parfois appelés à nous taire !
Jésus a dit : « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds, ne se retournent et ne vous déchirent » (Mt 7.6).
Ce texte, comme d’autres passages des Écritures, nous enseigne qu’il est parfois préférable de se taire (voir aussi Pr 11.22 ; 23.9 ; Ec 3.7). L’obéissance ne nous conduit pas toujours à prendre la parole.
Nous devons faire preuve de discernement
Jésus nous appelle à user de discernement lors de nos discussions et à nous poser la question suivante : « Cette personne réagira-t-elle comme un chien ou un porc ? »
C’est ce que nous enseigne Salomon dans Proverbes 9.8 : « Ne reprends pas le moqueur si tu ne veux pas qu’il te déteste, mais reprends le sage et il t’aimera. » Pour une même action, il existe deux réactions différentes : pour une même exhortation, les réponses du sage et du moqueur seront distinctes.
Parfois, nous faisons preuve d’amour lorsque nous reprenons les autres à cause d’un péché, comme la Parole nous le demande dans Matthieu 18.15, mais nous sommes aussi appelés à les laisser tranquilles à d’autres moments, comme nous l’enseigne Matthieu 7.6.
Étant un homme sage, David a accepté le reproche que Nathan lui avait fait ; toutefois, en examinant les Écritures, nous pourrions dresser une longue liste de moqueurs qui ont refusé les critiques.
Parler peut aggraver les choses
En tant qu’évangéliques, nous nous culpabilisons souvent si nous n’évangélisons pas suffisamment ou si nous évitons de mettre en lumière le péché d’un ami. Quelquefois, ce sentiment de culpabilité est bon, mais dans ce passage, Jésus vise une tout autre erreur qu’il est possible pour nous de commettre : s’adresser maladroitement à la mauvaise personne au mauvais moment !
Par exemple, lorsqu’un adolescent est enthousiaste par rapport à une certaine idée, celui-ci rencontre souvent beaucoup d’opposition de la part de son entourage. Pourquoi donc ? Il n’a pas encore appris à adapter son discours à son auditoire. Il réagit vivement aux commentaires et s’enlise dans des débats qui ont pour seul résultat de renforcer l’opposition. À vrai dire, plus les débats perdurent, plus l’opposition devient forte.
Ne parlez pas à ceux qui n’écouteront pas
Jésus était habitué aux attaques personnelles puisqu’il était entouré de gens qui l’écoutaient sans croire. Le fait d’éviter d’annoncer l’Évangile aux non-croyants n’est donc pas l’objet de ses propos dans Matthieu 7.6. Il fait plutôt référence à la catégorie de personnes qui rejettent son message par leur indifférence ou leur hostilité : vous avez fait de votre mieux en leur annonçant l’Évangile ou en leur faisant un reproche fondé, mais ils n’ont rien voulu entendre.
L’image des chiens et des porcs dont Jésus fait mention dans le chapitre 7 s’apparente à celle de Matthieu 10.14 : « Lorsqu’on ne vous accueillera pas et qu’on n’écoutera pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds. »
À trois reprises, Paul a également agi de la sorte : à Antioche de Pisidie (Ac 13.44-51), à Corinthe (Ac 18.5,6), ainsi qu’à Rome (Ac 28.17-28).
Ce n’est pas qu’il avait omis d’annoncer l’Évangile (au contraire, il évangélisait tous les citoyens !), mais il savait qu’après un certain temps, il fallait tourner la page : il ne pouvait pas les forcer à croire.
Parlons d’un point de vue pratique
Qu’est-ce que cela signifie pour nous de manière pratique ?
Supposons que vous annoncez l’Évangile et que votre interlocuteur reste insensible ou semble même s’y opposer. Parfois, il est bon de ramener le sujet une seconde fois ; parfois, il est mieux de se taire et de mettre cela en prière.
Nous avons besoin d’audace comme nous avons besoin de sagesse.
Nous avons besoin d’humilité à notre sujet comme nous avons besoin de discernement envers les autres.
Prions que Dieu nous dirige par son Esprit afin que nous sachions s’il est mieux de nous taire, de prier et de mener une vie qui respire l’Évangile, ou s’il est temps d’aller plus loin en prenant la parole.
Cette idée me rappelle les propos de Pierre aux épouses de non-croyants : « Vous de même, femmes, soumettez-vous à votre mari. Ainsi, ceux qui refusent de croire à la parole pourront être gagnés sans parole par la conduite de leur femme, en observant votre manière de vivre pure et respectueuse » (1 Pi 3.1,2).
En d’autres termes, demandez à Dieu la sagesse nécessaire pour discerner si vos réprimandes ou votre persistance à annoncer l’Évangile font du bien ou si elles ne font qu’endurcir le cœur de votre interlocuteur. Il est peut-être temps d’arrêter de parler avec cette personne et d’échanger avec d’autres personnes. Si vous avez besoin d’aide, discutez-en avec les anciens de votre église (leurs conseils seront sincères et vous guideront vers une bonne piste) et demandez-leur de prier pour vous. Incluez même d’autres chrétiens au passage !
Jésus nous enseigne dans Matthieu 7.6 que pour aimer autrui, il faut faire preuve de discernement. Cet exercice vous dirigera peut-être vers un silence empreint de prière.