Comment un pasteur prend-il soin des victimes du péché ? (Partie 1) (Dr James Carroll)

Une grande partie de mes souvenirs est rattachée à mon expérience de la vie d’Église en tant que fils de pasteur. Je portais tout le temps ma petite cravate toute faite et, chaque semaine, je me tenais près de la porte de la salle de culte avec mon père pour saluer les fidèles qui quittaient l’église. J’avais toujours ma bible sur moi et je me vantais d’être le meilleur dans les jeux-questionnaires bibliques. J’accompagnais mon père lors des visites pastorales et j’assistais à toutes les funérailles qui avaient lieu à l’église. Je connaissais les cantiques par cœur, du moins ceux que l’on chantait régulièrement, ainsi qu’un grand nombre de blagues utilisées par les prédicateurs. Je savais quand saluer, quand me lever, quand chanter et quand me taire. Je n’étais pas parfait, mais je savais comment jouer la comédie. Et cela me plaisait beaucoup.

Puis, du jour au lendemain, tout s’est terminé.

Mes parents se sont séparés quand j’avais 12 ans, quelques semaines avant la rentrée des classes. Même si, à mon insu, les problèmes dans notre foyer étaient présents depuis longtemps et qu’il restait encore plusieurs mois avant que le divorce de mes parents ne soit prononcé officiellement, il n’a suffi que de quelques jours pour que cet événement détruise mon monde intérieur. Notre famille a éclaté, mon père a perdu son emploi et mon identité s’est dissoute en un éclair. Mon but ici n’est pas de ressasser ce qui a conduit au divorce de mes parents ni de condamner des péchés qui ont été commis il y a 25 ans. Au lieu de cela, je veux vous encourager à prendre soin de ceux qui souffrent à cause du péché d’une autre personne. Le divorce est toujours un péché. Je n’y ai pas participé, mais j’en ai souffert.

Mon père a déménagé rapidement en nous laissant seuls, ma mère, mon frère et moi. Nous vivions alors dans le presbytère de l’église sans avoir vraiment de plan d’avenir. Les gens de notre église, notre autre famille, ont été ébranlés par ce qui se passait et, pendant les semaines, les mois et les années qui ont suivi, ils se sont bien occupés de ma famille.

Certaines souffrances sont le résultat direct du péché d’une autre personne

En repensant à cette période de ma vie, je suis sûr qu’il s’est passé beaucoup de choses dont je n’avais pas connaissance. Je n’ai aucun doute que notre situation donnait lieu à des opinions divergentes, que les ragots qui circulaient aggravaient notre situation, et que certaines personnes ont fait preuve d’un incroyable manque d’intégrité. Mais par-dessus tout, je me souviens de dizaines de personnes qui, par leur amour, ont façonné ma vision de la vie et de l’Église.

Mes expériences de vie sont à la fois uniques et communes. Personne d’autre ne peut raconter mon histoire, mais tout le monde a déjà souffert à cause de péchés qu’ils n’ont pas commis. Parfois, la souffrance est le résultat indirect du péché. Les tornades et les maladies ne sont pas causées par les péchés particuliers d’une personne, mais elles apportent la destruction parce que le péché abîme le monde.

D’autres souffrances, comme les miennes, sont le résultat direct du péché d’une autre personne. Chaque membre de votre congrégation souffre de cette façon. Chaque histoire est unique, mais les expériences sont semblables. À travers mon histoire, Dieu m’a amené à mieux prendre soin de ceux qui souffrent à cause du péché des autres.

Quelques façons pratiques de bien s’occuper des personnes victimes du péché

Voici quelques façons pratiques de bien s’occuper de ceux qui vivent ce genre de situation :

1) Bien prendre soin de ceux qui sont victimes du péché exige une approche à la fois directe et prudente

Le péché qui m’a personnellement affecté a aussi ébranlé notre congrégation. Les opinions et les questions abondaient. Cependant, même au milieu d’une période difficile pour nous tous, Dieu s’est servi des hommes et des femmes de mon Église pour prendre soin de moi.

Certaines personnes ne savent pas quoi dire. J’avais l’habitude d’apprécier ce genre de malaises et de voir des gens chercher leurs mots, mais ma situation avait changé. J’ai bénéficié grandement du courage de plusieurs hommes et de plusieurs femmes qui ont osé me parler franchement de ma situation et me rappeler la fidélité de Dieu. Quand les blessures sont fraîches, la vérité pénètre.

Certaines personnes se sont informées sur mes parents et sur notre situation actuelle. Il est naturel de vouloir en savoir plus. La curiosité est normale. Il s’agit parfois simplement d’une bonne question pour entamer une conversation enrichissante. Nous devons toutefois procéder avec prudence pour nous assurer que notre curiosité découle d’une réelle préoccupation.

Dieu a envoyé des gens pour me parler franchement et prudemment de ma situation, et pour me dire ce que je devais faire. Le divorce de mes parents n’était pas mon péché, et je devais continuer d’honorer Dieu. Je devais faire confiance à Dieu. Je devais courir vers lui et m’accrocher à sa Parole. Je devais pardonner, reconnaître le péché dans ma propre vie et le détester avec la même ferveur. Je devais courir vers le Christ et trouver l’espérance et la guérison en lui. En faisant preuve d’une franchise prudente, certains membres de cette congrégation m’ont aidé à admettre ces vérités.

Pour emprunter le langage de Tedd Tripp dans son livre Un berger pour son cœur, tout le monde voyait que les « influences déterminantes de ma vie » n’étaient pas très bonnes et j’avais besoin de personnes pieuses pour m’accompagner dans mon « orientation spirituelle » (Cruciforme, 2015, p. 51). En d’autres termes, parce qu’ils ne pouvaient pas changer les circonstances de ma situation, j’avais besoin qu’ils me montrent comment réagir d’une manière qui honore Dieu.

2) Bien prendre soin de ceux qui sont victimes du péché exige de faire preuve d’amour et de patience

J’ai profité de cette intervention directe et prudente pendant plus de 10 ans. Les conversations étaient plus fréquentes dans les semaines qui ont suivi la séparation de mes parents, mais certaines des plus importantes ont eu lieu des années plus tard.

La rédaction de cet article m’a forcé à me souvenir de certaines personnes et de plusieurs conversations datant de mon adolescence, mais je me rappelle facilement ce qui est le plus important : les membres de ma congrégation m’aimaient. Ils nous ont servis d’une manière tangible en nous permettant d’habiter dans le presbytère de l’église pendant 9 mois, puis en aidant ma mère à trouver un emploi et en s’assurant que mon frère et moi allions à nos entraînements sportifs. Ils ont littéralement marché à nos côtés.

Ils nous ont soutenus patiemment, ma famille et moi. Bien sûr, cette sollicitude et cet amour en réponse au traumatisme que nous avions subi ont diminué avec le temps. Toutefois, même lorsque nos besoins sont devenus moins criants et que notre situation s’est stabilisée, cette sollicitude et cet amour sont restés d’une certaine manière. Cet amour s’est traduit par un investissement relationnel à long terme. Toutes les conversations n’ont pas besoin d’être sérieuses. C’est pour cela qu’il faut investir beaucoup de temps si vous désirez avoir des conversations plus profondes.

Ma congrégation a prié pour moi. Je ne saurai jamais combien de personnes ont prié ou combien de fois elles ont plaidé pour nous, mais Dieu a entendu leurs prières.

Les membres de ma congrégation ont contribué à mon éducation. Comme tout adolescent, j’avais besoin de correction et d’encouragement. Bien qu’à l’époque je pensais que certains d’entre eux dépassaient les limites appropriées et s’immisçaient dans ma vie, je leur suis reconnaissant aujourd’hui pour leur amour qui s’exprimait par des réprimandes.

Chers pasteurs, les gens de nos assemblées souffrent régulièrement à cause du péché des autres. Nous devons les soutenir, mais nous ne pouvons le faire seuls. Une partie de notre charge est de cultiver une atmosphère dans laquelle les membres de notre congrégation marcheront côte à côte. Enseignons-leur en ce sens et donnons-leur l’exemple. Conduisons-les à parler avec franchise et avec prudence, ainsi qu’à faire preuve d’amour et de patience les uns envers les autres.


James Carroll est le pasteur principal de Parkway Baptist Church à Bardstown, au Kentucky (États-Unis). Lui et sa femme, Mikila, ont deux enfants.