Comment une Église doit-elle pratiquer la discipline ? (Jonathan Leeman)
La discipline publique formelle obtiendra de meilleurs résultats là où la culture de l’Église apprécie et pratique déjà la discipline informelle et en privé. Si vous essayez de tirer la grande épée émoussée de l’excommunication avant que les membres aient reconnu leur besoin collectif d’être redevables les uns envers les autres, vous allez au-devant des coups !
Le fait de se sentir redevable à la communauté devrait être le prolongement de ce qui est vécu en privé chez les membres d’une Église
L’idée d’être redevables les uns envers les autres dans une Église découle de l’Évangile et elle devrait ultimement être pratiquée dans tous les domaines de la vie d’Église, à la fois publiquement et en privé. Toutefois, quand les gens n’ont pas l’habitude qu’on leur demande de rendre des comptes pour leur péché, il est certainement plus facile de débuter en privé plutôt qu’en public.
La discipline ecclésiale formelle est optimale lorsque les membres savent déjà comment corriger et recevoir une correction empreinte d’amour. Ils pratiquent la discipline dans leur foyer, ou lors d’un repas avec quelqu’un. Ils l’exercent avec douceur et délicatesse, en ayant toujours le bien de l’autre à l’esprit. Ils ne prononcent pas de réprimande dans une attitude égoïste, seulement pour se vider de ce qu’ils ont sur le cœur.
Cinq principes pour la pratique de la discipline d’Église qui s’appuient sur le Nouveau Testament:
1. Le moins de gens possible devraient être impliqués dans le processus
Un principe clair qui se dégage du passage de Matthieu 18.15‑20 est que Jésus visait un processus de correction du péché qui implique le moins de personnes possible pour amener un individu à se repentir. Si une rencontre en tête-à-tête produit la repentance, tant mieux. S’il faut faire appel à deux ou trois autres personnes, restons-en là. Une affaire ne devrait être présentée à l’Église entière que lorsque toutes les autres façons de faire auront échoué.
Bien entendu, le processus de Matthieu 18 présuppose qu’il n’y a pas un cercle plus étendu de personnes qui ont déjà été informées de la faute en question. Les péchés qui sont de nature publique, comme c’est le cas dans 1 Corinthiens 5, exigeront peut-être que les dirigeants de l’Église s’adressent à l’assemblée entière. L’épître aux Philippiens, au chapitre 4, présente une situation semblable où Paul supplie Evodie et Syntyche de s’entendre (Ph 4.2,3). On peut supposer que l’Église était déjà au courant du différend.
Les deux priorités qui soutiennent le principe d’un processus de discipline aussi discret que possible sont le désir qu’il y ait repentance chez le pécheur et la volonté de protéger le nom de Jésus.
2. Les leaders de l’Église devraient diriger le processus
Le péché demeure sournois et complexe. Ce n’est donc pas sans raison que Paul écrit : « Frères, si un homme vient à être surpris en faute, vous qui êtes spirituels, redressez-le avec un esprit de douceur. Prends garde à toi-même, de peur que tu ne sois aussi tenté » (Ga 6.1). L’apôtre sait que les brebis plus jeunes sont facilement dupes, leurrées jusqu’à se joindre au pécheur dans son égarement ou, du moins, à se laisser persuader par ses arguments qui soutiennent que son comportement est acceptable. Par conséquent, Paul exhorte les gens « spirituels » à diriger l’opération de sauvetage.
En faisant référence à ceux qui sont « spirituels », Paul ne parle pas nécessairement des anciens de l’Église ; autrement, il aurait écrit « les anciens ». Cela suggère tout de même que les membres auraient avantage à faire appel à des frères et sœurs plus âgés et plus sages dans la foi lorsqu’un entretien en privé n’a pas produit le résultat escompté. En général, ce sera probablement les anciens de l’Église que l’on consultera et à qui l’on fera appel pour diriger le processus de discipline, surtout quand le cercle de personnes impliquées s’élargit.
Dans la mesure où Dieu a confié la supervision de toute l’Église aux anciens, je recommanderais certainement que tout péché qu’on présente à l’assemblée entière soit d’abord exposé aux anciens.
3. La durée du processus dépend du temps requis pour constater l’absence de repentance caractéristique chez l’individu
Une des questions plus difficiles, quand on pratique la discipline, est sûrement la suivante : « Est-ce le moment de passer à la prochaine étape ? » Parfois, les Écritures nous présentent un processus qui avance lentement, tel Matthieu 18 qui requiert au moins trois avertissements avant qu’une personne soit exclue. D’autres passages révèlent une action rapide, comme dans 1 Corinthiens 5, où Paul prescrit le retrait immédiat. Puis, il y a Tite 3.10 qui semble se situer entre les deux. Ce passage requiert deux avertissements avant qu’on procède à l’excommunication d’un individu.
La différence fondamentale entre Matthieu 18 et 1 Corinthiens 5 réside dans le fait que ces passages représentent deux étapes distinctes du processus général d’excommunication. 1 Corinthiens 5 débute là où Matthieu 18 se termine, avec le constat d’un refus de se repentir d’un péché ou d’une habitude pécheresse connue de toute l’assemblée. Lorsqu’une Église détermine qu’une personne est typiquement endurcie, elle devrait procéder à l’excommunier.
D’un point de vue théorique, il est donc assez simple de définir la durée du processus : le temps qu’il faudra pour que l’Église constate qu’un individu refuse absolument de se repentir. En examinant les preuves, les membres pourraient sans doute tirer une telle conclusion en une minute. Dans d’autres cas, ils prendront peut-être des mois à passer en revue les indices et à en faire l’objet d’innombrables discussions, dans leur tentative d’en venir à une conviction claire et un accord commun. Sur le plan théorique, il est facile de répondre à la question de la durée, mais c’est tout le contraire du point de vue pratique. Nous ne pouvons pas voir à l’intérieur du cœur des gens. En outre, une extrême prudence s’impose à nous chaque fois que nous sommes appelés à examiner les fruits dans la vie d’un individu et à prendre la décision importante de savoir si l’Église peut continuer à confirmer son appartenance au royaume de Dieu. L’Église doit examiner les circonstances entourant le péché d’un côté de la balance, et toutes les preuves de repentance de l’autre côté. Parfois, une nouvelle information apparaîtra, ce qui fera pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Néanmoins, quand une Église est convaincue qu’elle détient toutes les données pertinentes des deux côtés de la balance et que cette dernière a cessé d’osciller, l’assemblée doit agir en fonction du côté le plus lourd. Ce processus peut prendre une minute ou nécessiter une année.
4. Les individus devraient bénéficier de la présomption d’innocence
Jésus a prescrit quelque chose qui ressemble à un processus judiciaire méticuleux dans Matthieu 18 : « afin que toute l’affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins » (v. 16). Une accusation doit être déposée, les preuves doivent être présentées, des témoins doivent être impliqués. Cela signifie que les chrétiens avanceront lentement et prudemment. Mais cela veut aussi dire que les Églises devraient aborder les cas de discipline selon le principe qu’on trouve dans les cours de justice et qui dit qu’un individu est « innocent jusqu’à preuve du contraire ».
Ce principe ne s’applique pas uniquement aux cas de discipline formelle, mais il influencera aussi la façon dont un chrétien abordera un frère ou une sœur en privé. On doit accorder aux gens le bénéfice du doute. Des questions devraient précéder les accusations. On devrait chercher à tirer les faits au clair avant que nos certitudes soient prononcées.
Comme dans tous les domaines de la vie, quand il s’agit de discipline, « que tout homme soit prompt à écouter, lent à parler, lent à se mettre en colère » (Ja 1.19).
5. Les dirigeants devraient impliquer et instruire l’assemblée
Les diverses dénominations prennent des moyens différents pour impliquer l’assemblée entière dans le processus de discipline formelle. Personnellement, je recommande qu’on agisse ainsi parce que c’est un principe biblique. On le trouve dans Matthieu 18 (où Jésus implique « l’Église ») et dans 1 Corinthiens 5 (où Paul prescrit à toute l’assemblée d’assumer sa responsabilité). Toutefois, à ceux que l’exégèse n’a toujours pas convaincus, je persiste à recommander qu’ils cherchent des moyens d’impliquer l’assemblée à cause du mandat théologique et pastoral. D’un point de vue théologique, Paul enjoint à chaque partie du corps de Christ de compatir et de s’identifier aux expériences de toutes les autres parties, qu’elles soient dans la joie ou dans le deuil (1 Co 12.21‑26 ; voir aussi Ép 4.16). La discipline ecclésiale, particulièrement dans ses étapes finales, demeure un événement profondément significatif dans la vie du corps et chaque partie y prend réellement part, grâce à notre union commune avec Christ.
Cet article est tiré du livre : La discipline d’Église de John Leeman