Dangereux, mais bons (Greg Morse)
Les hommes dont nous avons désespérément besoin aujourd’hui
Je me souviens encore d’avoir été effrayé par cette pensée : Jésus n’a pas l’air très sympa.
Incontestablement compatissant, gracieux et patient, Jésus a aussi dit et fait des choses qui, en lisant Marc, m’ont surpris. Le genre de choses qui, aujourd’hui, provoquerait l’ire de Twitter et serait signalé sur Facebook.
C’est alors que j’ai commencé à réaliser que si Jésus n’était pas « sympa », si lui – celui vers qui toutes les femmes chrétiennes se tournent également (2 Corinthiens 3.18), et pourtant, l’incarnation d’un homme pieux – ne correspondait pas à ma vision de la virilité, alors c’est cette vision, et non lui, qui devait changer. Plus je le considérais – plus je considérais la longue lignée des hommes pieux dans les Écritures – plus je me trouvais confronté à cette question : ceux-ci pouvaient-ils s’inscrire dans mes conceptions actuelles de la masculinité ?
Qu’en est-il de votre conception ? Lorsque vous considérez un bon mari chrétien, un homme d’église intègre, un homme de Dieu, quelles sont les qualités qui vous viennent à l’esprit ?
Des qualités telles que la générosité, la sollicitude, la douceur ? Cet homme est-il lent à s’imposer, prompt à écouter, prêt à sympathiser ? Parle-t-il gentiment et sert-il avec grâce ? S’en remet-il régulièrement aux préférences des autres ? Quelque chose dans cet idéal semble incontestablement juste – mais si ce côté tendre est tout ce qui compte, cela devrait aussi nous sembler inconfortablement faux.
Les hommes pieux émanent en effet de la compassion, de l’humilité, du service et de l’amour. C’est vrai. Mais est-ce là toute la vérité ? L’idéal de l’homme dans l’Église moderne est-il devenu l’ombre de ce pour quoi Dieu l’a créé ?
Dangereux, mais bons
Lorsque nous abordons la question de la masculinité, des qualités comme la force, l’initiative, le zèle et le courage figurent-elles sur notre liste ? Lorsque nous évaluons des hommes pour des fonctions au sein de l’Église, et lorsque nous recherchons des responsables de groupes de maison et des mentors pieux, félicitons-nous les hommes qui feraient de bons bergers – des hommes travailleurs, passionnés, résilients, capables de rassembler des moutons et désireux de combattre les loups ?
Célébrons-nous la force, le courage, le zèle et l’initiative masculins parce que nous savons qu’ils sont nécessaires pour garder, protéger, vaincre et diriger ? De tels hommes de Dieu qui sont doux précisément parce qu’ils sont d’abord forts ? Des hommes comme Gandalf, qui, après avoir exsudé la force de sa présence, pourrait alors dire doucement à Bilbon : « Je n’essaie pas de te voler. J’essaie de t’aider. » Un tigre, et non un chaton, peut faire preuve de douceur parce qu’il est d’abord fort.
L’espèce de masculinité au cœur de lion qui correspond à la description d’Aslan est en voie de disparition : « dangereux, mais bon. » Nos idéaux actuels, comme ceux que je partageais autrefois, n’exigent pas la bonté pour s’assurer que les hommes ne soient pas dangereux, car ils garantissent que les hommes ne soient pas dangereux, quelle que soit leur bonté. L’homme qui renaît selon cette image ne dit rien de désagréable, ne réclame rien et ne fait preuve que de peu, voire d’aucune initiative. Il est poussé à être sans conviction, sans passion, peut-être même sans Christ, mais dompté.
Mais telle n’est pas la vision de celui qui a fait l’homme. Au lieu d’émousser ses arêtes tranchantes, Dieu a une solution différente pour créer des hommes bons : la nouvelle naissance, se tourner vers Christ et s’instruire dans la justice. La piété doit équilibrer les dangers naturels de l’homme. Il atteint la maturité masculine en ajoutant le fruit de l’Esprit, et non en soustrayant sa nature conçue par Dieu. La bonté, la maîtrise de soi, la compassion parfument sa force, son courage, sa détermination – et non les éclipsent.
Où sont passés les hommes ?
De tels hommes – doux et forts – présentent un paradoxe au monde. Ses mains bâtissent sa maison, luttent avec ses garçons, boivent du thé avec ses filles et saisissent la poignée de son épée contre les agents des ténèbres (Éphésiens 6.10-20). C’est un guerrier pieux qui dort dans son armure – féroce et doux et bon partout où il se trouve. Cette description peut, avec l’aide du Saint-Esprit, être rachetée : « Tu étais l’homme le plus doux qui ait jamais mangé dans une salle parmi des dames, et tu étais le chevalier le plus sévère pour ton ennemi mortel. » (Le Morte D’Arthur)
Nous commettons une erreur lorsque nous divisons les deux : brutal d’un côté, doux de l’autre. Alors que notre société choisit de plus en plus la seconde qualité, certains s’interrogent : où sont passés tous les hommes ?
On peut lire, comme d’une espèce étrangère, des hommes qui « par la foi, ont vaincu des royaumes, exercé la justice, obtenu la réalisation de promesses, fermé la gueule de lions, éteint la puissance du feu, échappé au tranchant de l’épée, repris des forces après une maladie, été vaillants à la guerre, mis en fuite des armées étrangères » (Hébreux 11.33-34). Des hommes qui recherchaient activement la gloire, l’honneur et l’immortalité. Des hommes de foi qui espéraient un pays meilleur que celui qu’ils avaient. Des hommes qui risquaient beaucoup, perdaient beaucoup et gagnaient davantage. Des hommes qui vivaient par la foi dans le Dieu vivant.
Une religion tiède, ne l’oublions jamais, engendre une masculinité tiède. Et une masculinité tiède permet à trop d’hommes de passer les portes de l’Église en faveur de l’Islam, de Jordan Peterson, ou simplement de leur sport favori sur le chemin de la destruction.
La flamme mourante de la masculinité
En étudiant la lignée des hommes pieux, je me suis honnêtement demandé combien de saints d’autrefois seraient mal à l’aise face à la féminisation, non seulement de notre société, mais aussi de certaines de nos églises.
Émasculerions-nous les hommes d’autrefois ? Ne réprimanderions-nous pas Abraham pour ses errances, Jacob pour ses luttes, Josué pour ses combats, Élie pour ses moqueries, Noé pour sa folie, Job pour son arrogance, Daniel pour son incivilité, Néhémie pour sa violence, Nathan pour son autoritarisme, Jean-Baptiste pour ses accusations, Paul pour ses divisions et le Fils de Dieu pour avoir brandi un fouet et renversé des tables dans le temple ?
Avons-nous choisi les commodités de la gentillesse plutôt que les désagréments de la piété ? J’ai peur qu’un jour, nous soyons confortablement allongés sous l’inscription : « Ici repose un père, un mari, un chrétien pratiquant – juste un type vraiment sympa. »
« Sympa » ne dit rien à propos de la colonne vertébrale, du tranchant, de la valeur d’un homme, et donc ce terme ne peut pas dire grand-chose sur la droiture ou les buts de ce dernier. Sympa n’exige aucun courage, aucune conviction et aucune volonté de se faire des ennemis des méchants. Jésus met en garde contre un tel manque de tranchant : « Malheur lorsque tous les hommes diront du bien de vous, car c’est de la même manière que leurs ancêtres traitaient les prétendus prophètes ! » (Luc 6.26)
Or, nous pourrions être tentés, là où nous avons dévié de la route, de surcorriger l’erreur. Cela nous mènerait dans l’autre fossé de la force parasitaire. De telles abominations perdurent de nos jours, dans toute leur cruauté, leur abus et leur lâcheté. Nous ne devons pas échanger « bon, mais pas fort » contre « fort, mais pas bon ». Nous ne pouvons pas charger dans la chair au lieu d’être guidés par l’Esprit. Nous ne devons pas nous contenter de nous sentir des hommes dans notre propre force ; nous devons devenir des hommes meilleurs grâce à la puissance divine et au sacrifice de soi.
Des hommes en feu
Un pas sur la voie du rétablissement est de souligner à nouveau ce trait troublant de nombreux hommes d’autrefois : la jalousie pieuse. Nous devons retrouver le pouls et les convictions d’un homme pieux, et pas seulement ses actions.
Notre Dieu est un Dieu jaloux (Exode 20.5). Il ne partagera pas sa gloire, ou sa fiancée, avec un autre. Et il façonne des hommes qui brûlent de plus en plus de sa propre jalousie juste. Ces hommes, enflammés de zèle pour la gloire de Dieu, pour la santé de l’Église et pour les âmes des perdus, éclateront, dans certaines circonstances, pour briser le statu quo. Le zèle pour la gloire de Dieu – et non la civilité culturelle ou la sensibilité séculière – est le harnais adéquat pour la masculinité biblique. La jalousie divine rend les hommes bons dangereux – pour le monde, la chair et le diable.
Considérez Moïse, l’homme le plus doux ou humble de la terre (Nombres 12.3). Enragé par l’idolâtrie de son peuple, il brise les tablettes de Dieu, il fait fondre leur veau d’or, et le leur fait boire (Exode 32.20). Son amour pour son peuple et la gloire de Dieu a agi résolument contre leur idolâtrie.
Considérez David, le berger écrivain de poésie qui ne pouvait pas simplement rester là à regarder un philistin incirconcis défier les armées du Dieu vivant – aussi menaçant soit-il (1 Samuel 17.26). Il ne pouvait pas écouter tranquillement pendant que le nom de son Dieu était diffamé.
Prenons le cas de Phinées, un Africain dont le nom signifie « le nègre ». Jaloux de la jalousie de Dieu, il a détourné la colère de Dieu en empalant deux pécheurs haut placés au plus fort de leur romance (Nombres 25.6-13).
Considérez Élie, un homme tourmenté par l’incrédulité d’Israël. Il a appelé à une épreuve de force publique avec les prophètes de Baal et s’est moqué d’eux pendant des heures (1 Rois 18.20-40). Il désirait ardemment que le peuple connaisse le vrai Dieu et le suive seul.
Pensez à Paul, un ancien persécuteur de l’Église, qui se sentait provoqué en voyant la ville pleine d’idoles au lieu de Jésus, et qui a publiquement élevé la voix pour défier les grands philosophes et les dirigeants d’Athènes (Actes 17.16). Il vivait pour les affaires du royaume alors que beaucoup se moquaient de lui, s’opposaient à lui et le battaient.
Tous les hommes du roi
Pensez à Jésus Christ, qui se saisit de fouets, n’hésitait pas à appeler un chat un chat et promit de revenir avec des armes à la main. Il est le Lion de Juda qui s’est agenouillé et a joué avec les enfants (Marc 10.14). Et l’Agneau de qui les hommes courront, suppliant sans succès les montagnes de les écraser plutôt que de faire face à sa colère (Apocalypse 6.16).
Il a renversé « les raisonnements et tout obstacle qui s’élève avec orgueil contre la connaissance de Dieu » (2 Corinthiens 10.5), a écrasé le crâne du dragon, et pourtant n’a pas cassé le roseau abîmé (Ésaïe 42.3). Et il est allé au Calvaire, non pas parce que la douceur l’a conduit hors du camp pour mourir parmi les voleurs et les ordures, mais parce qu’il brûlait avec passion pour son épouse, le nom de son Père, et sa propre gloire (Jean 17.4 ; Romains 3.25-26 ; 1 Pierre 3.18).
Les derniers mots de Spurgeon en chaire décrivent l’idéal à atteindre :
[Jésus] est le plus magnanime des capitaines. Jamais n’a-t-on vu un tel homme parmi les princes les plus distingués. Il est toujours présent au plus fort de la bataille. Quand le vent souffle, il choisit toujours le côté le plus sombre de la colline. La partie la plus lourde de la croix repose toujours sur ses épaules. S’il nous demande de porter un fardeau, il le porte aussi. Si quelque chose est gracieux, généreux, bon et tendre, oui somptueux et surabondant d’amour, on le trouve toujours en lui. (Spurgeon: Prince of Preachers, 288 ; trad. Spurgeon : Prince des prédicateurs)Les hommes du Roi se retrouveront, avec Christ, dans les zones les plus difficiles de la bataille. Ils éviteront de gaspiller leur vie à ne rien entreprendre, à devenir tièdes, à ne prendre aucune initiative, à ne prendre aucune position, à ne pas développer la force de leur foi, à ne pas s’engager dans une bataille spirituelle, à ne porter aucun fardeau, à ne pas planter de drapeaux sur des collines non conquises. Les hommes de ce roi, précisément parce qu’ils méprisent le fait de jouer avec des épées en mousse contre les forces du mal, créent la culture la plus sûre qui soit pour leurs femmes et leurs enfants. Les hommes dangereux soumis à Dieu, qui se tiennent mutuellement responsables, ne resteront pas les bras croisés pendant que les ours massacrent ceux qu’ils devraient plutôt protéger et nourrir.
Doux et féroce. Durs et tendres. Leaders et serviteurs. Dangereux, mais bons.
Des hommes comme Jésus.
Cet article est une traduction de l’article anglais « Not Safe, But Good » du ministère Desiring God par Timothée Davi.