De la psychologie dans la Bible ? (John Street)
Certaines personnes croient, voire enseignent, que le mot « psychologie » vient de la Bible, car c’est un mot formé de deux mots grecs, psuchē (âme, esprit) et logos (parole, loi). Étymologiquement, ce mot composé signifie « l’étude ou la science de l’esprit ou de l’âme ». En réalité, l’étymologie associe plus étroitement le terme au grec classique qu’au grec koinē du Nouveau Testament.
Le mot «psychologie n’est pas présent dans l’Écriture
Le mot « psychologie » n’existe pas dans la Bible, même si d’innombrables eiségèses ont été entreprises pour découvrir la présence de ses significations les plus anciennes. Voir dans le terme biblique psuchē des idées de la psychologie moderne, c’est comme faire de l’idée contemporaine de dynamisme un équivalent au mot grec du Nouveau Testament dunamis. C’est ce que D. A. Carson appelle un « anachronisme sémantique ».
Notre mot dynamite est étymologiquement tiré de δύναμις ([dunamis], pouvoir/ puissance, ou même miracle). Je ne sais pas combien de fois j’ai entendu des prédicateurs proposer une interprétation de Romains 1.16 qui ressemblait plus ou moins à ceci : « Je n’ai pas honte de l’Évangile, car il est la dynamite de Dieu pour sauver quiconque croit » – souvent avec un hochement de tête, comme si quelque chose de profond ou même d’ésotérique avait été prononcé. Ce n’est pas uniquement la vieille erreur de racine que l’on rencontre à nouveau. C’est pire : c’est un appel à une sorte d’étymologie inversée, l’erreur de racine aggravée par l’anachronisme. Paul a-t-il pensé à la dynamite quand il a écrit ce mot ? […] La dynamite fait tout sauter, démolit, brise le roc, creuse des trous, détruit1.
Au premier siècle, Paul ne s’imaginait pas une forme explosive de dynamite inventée par l’industriel suédois Alfred Nobel (1833-1896) et brevetée en 1867. Il faisait référence à la capacité surnaturelle que Dieu le Père a de sauver. Certains herméneutes ont tendance, aujourd’hui, à imposer le sens d’un mot contemporain à un mot de la Bible. Ils le font souvent dans l’espoir de proclamer une idée géniale ou de légitimer une pratique douteuse. C’est un stratagème fréquent et trompeur de leur part. De fait, il est courant de lire diverses significations contemporaines dans le texte inspiré. Des significations étrangères à l’intention de l’auteur. Ceci est un phénomène postmoderne trompeur.
Par conséquent, la Bible a beau utiliser le terme psuchē, cela ne justifie pas bibliquement d’intégrer de la psychanalyse au counseling chrétien. Le mot psuchē ne comporte pas, non plus, de manière latente, des relents de la théorie psychanalytique, comme le surmoi, le moi et l’ego. Pourtant, des chrétiens, des psychologues et d’autres personnes croient déceler, dans les profondeurs de ce terme biblique, les notions néo-freudiennes du subconscient.
La Bible ne distingue pas «âme» et «esprit»
Et ce n’est pas tout. Rien, dans la Bible, n’étaye la distinction classique que certains psychologues chrétiens font entre l’âme et l’esprit. Un psychiatre chrétien expliquait que « l’âme est l’aspect psychologique de l’homme, alors que l’esprit est spirituel. […] L’aspect psychologique de l’homme ne comporte que son intelligence. Il ne couvre pas sa spiritualité2 ». Cette distinction est artificielle. Elle provient d’une interprétation psychologique des termes bibliques. « L’âme » et « l’esprit » réfèrent au même aspect intangible de l’être intérieur, la partie de l’homme que Dieu seul voit. Si l’on étudie le mot psuchē dans une concordance, on constate que la Bible, quand elle emploie le mot « âme » pour l’homme, désigne l’aspect de l’être intérieur en lien avec son corps. Lorsqu’elle utilise le terme « esprit », elle se réfère à l’aspect de l’homme intérieur qui n’est pas en lien avec son corps3. La Bible ne fait aucune distinction entre l’être intérieur orienté psychologiquement et l’être intérieur orienté spirituellement.
L’être intérieur tout entier est sous la domination du spirituel. La Bible est une source suffisante pour résoudre les problèmes de l’âme. Mieux, elle règne de manière magistrale dans ce domaine. Comme Agur l’a clairement affirmé dans les Proverbes : « Toute parole de Dieu est éprouvée ; il est un bouclier pour ceux qui cherchent refuge en lui. N’ajoute rien à ses paroles de peur qu’il ne te reprenne et que tu ne sois trouvé menteur. » Vous reniez l’intention divine de l’auteur de la Bible lorsque vous en faites une lecture psychologique importée de la fin du xxe siècle. Et ce, même si vous lisez la Bible dans l’hébreu, l’araméen ou le grec. En fait, sur le plan linguistique, quiconque fait appel à une terminologie biblique identique pour tenter, par des anachronismes, de légitimer les pratiques psychothérapeutiques parmi les chrétiens, est fallacieux, présomptueux et trompeur.
Défendre cette pratique par la Bible?
Quiconque tente de justifier par la Bible les pratiques de la psychologie devra s’en tenir aux définitions les plus larges possibles. Un auteur, avant d’exposer les concepts psychologiques qu’il a vus dans Matthieu 5, a dû en donner une définition à grands traits : « Mais l’étude du caractère, les facteurs de bien-être intérieur et les améliorations du caractère semblent être une sorte de psychologie et de psychothérapie au sens large4. » Ce « sens large » sous-entend qu’il s’agit d’un « sens simplifié », éloigné de la complexité des recherches contemporaines en psychologie. Pour la psychologie chrétienne, la Bible est la « source des idées chrétiennes, y compris en psychologie5 ».
En d’autres termes, la Bible aurait son utilité, mais resterait limitée. Elle peut lancer des réflexions préliminaires, esquisser des idées nouvelles, mais elle ne couvre pas suffisamment toute la complexité des graves problèmes de l’âme. Elle est donc bien incapable de fournir l’aide nécessaire à leur résolution. L’Écriture, selon la psychologie dite chrétienne, serait un inventaire primitif du caractère chrétien, de son développement et de son changement. La psychologie et la psychothérapie, quant à elles, apportent les réflexions exhaustives qui permettent d’affiner le caractère et de favoriser le bien-être. Par conséquent, la « source des idées chrétiennes » ne fait qu’humidifier le palais, mais n’étanche pas une soif profonde. Apparemment, pour que le conseiller puisse soulager les problèmes existentiels de l’âme assoiffée, il faudrait que d’autres canaux de psychologie alimentent le filet de vérité qui s’écoule de la Bible. Pour la psychologie chrétienne, le Sermon sur la montagne évoque des sortes de pathologies, des catégories de la personnalité et de leurs implications thérapeutiques, mais il n’en montre que les rudiments.
Les psychologues non chrétiens rejettent avec mépris la Bible
Alors que les psychologues non chrétiens rejettent avec mépris la Bible, qualifiant sa psychologie d’archaïque et erronée, leurs collègues chrétiens s’efforcent désespérément de promouvoir son embryon de thérapie en en défendant la naïveté psychologique. Les psychologues chrétiens se comportent souvent avec gêne, comme s’ils étaient les enfants illégitimes d’une vaste famille à la psychologie plus élaborée : l’Association américaine de psychologie (APA) et l’Association psychanalytique internationale (API). Poussé par le profond désir d’impressionner ses parents plus nantis, cet enfant reconnaît honteusement qu’il serait dangereux d’accorder une pleine confiance à la Bible. Des organisations comme l’Association chrétienne des études psychologiques et, dans une moindre mesure, la branche américaine de l’Association des conseillers chrétiens (ACC) considèrent la psychologie comme une ressource complémentaire à la Bible. Comme l’a expliqué un chrétien qui travaille comme psychologue :
En dépit de sa richesse d’informations sur les êtres humains, leur univers et leur Dieu, la Bible n’a pas été écrite pour être un manuel de psychologie. […] La Bible ne nous parle pas des phases du développement de l’enfant, des points délicats de la résolution des conflits ou de la façon de traiter la dyslexie ou la paranoïa. La psychologie, elle, porte sur de tels sujets6.
En d’autres termes, le texte biblique fournit une psychologie superficielle et imprécise. On ne doit pas le considérer que comme le point de départ d’une thérapie plus éclairée. L’APA se moque des chrétiens « induits en erreur » par des mythes religieux, mais trouve ces mythes utiles du moment où le psychologue chrétien ne prend pas sa Bible trop au sérieux lorsqu’il les traite. Il est bien délicat de maintenir l’équilibre quand on essaie de garder un pied dans la Bible et un autre dans la discipline intrusive qu’est la psychologie. Ceux qui ne s’éloignent pas de la foi chrétienne sont souvent tiraillés. Si on assujettit Jésus et ses disciples à une psychologie débutante et sommaire, on sape la pleine confiance du chrétien dans la Bible. Agir ainsi, dans le meilleur des cas, équivaut à reconnaître tacitement que la Bible présenterait des insuffisances.
- D. A. Carson, Erreurs d’exégèse, Trois-Rivières, Éditions Impact, 2012, p. 32-33.
- Frank B. Minirth, Christian Psychiatry [La psychiatrie chrétienne], trad. libre, Old Tappan, Revell, 1977, p. 64-65.
- Jay E. Adams, A Theology of Christian Counseling [Une théologie du counseling chrétien], Grand Rapids, Zondervan, 1979, p. 116.
- Robert C. Roberts, « A Christian Psychology View » [Une conception de la psychologie chrétienne], dans Eric L. Johnson et Stanton L. Jones, éd., Psychology & Christianity:Four Views [Quatre opinions sur le rapport psychologie et christianisme], Downers Grove, Ill., IVP, 2000, p. 159.
- Ibid.
- Ibid., p. 110.
Cet article est tiré du livre : Introduction au counseling biblique de John MacArthur.