Descendre de la montagne pour en déplacer une autre (Michel Varton)

Six mois avant la crucifixion. Jésus emmène trois de ses disciples les plus proches sur une montagne pour une réunion de prière. Cette nuit-là, les trois hommes vivent une expérience spirituelle qui dépasse leurs rêves les plus insensés. Ils connaissent déjà, bien entendu, la nature extraordinaire de cet homme, de ce rabbin par excellence dont ils sont devenus les disciples. Ils ont vu des guérisons. Ils l’ont vu marcher sur l’eau, et calmer une tempête avec des mots qu’on aurait utilisés pour discipliner un petit chien trop excité. Ils ont participé à la multiplication de quelques poissons desséchés et de quelques pains pour fournir un repas capable de nourrir plus de 4 000 personnes. Ils ont entendu son enseignement, qui ne ressemblait à celui d’aucun autre. 

Une expérience spirituelle extraordinaire

Mais cette nuit-là, sur les flancs d’une montagne, ils vivent une expérience spirituelle qui dépasse tout ce qu’ils auraient pu imaginer. Ils se demandent s’ils ne sont pas déjà arrivés dans l’au-delà, au ciel ! Le visage de Jésus resplendit comme le soleil et ses vêtements sont devenus blancs comme la lumière. Puis deux personnes les rejoignent. Les voilà témoins d’une conversation personnelle entre Jésus, Moïse et le prophète Élie sortis tout droit de l’Ancien Testament… eux qui avaient disparu de la surface de la terre depuis des centaines d’années !

Une semaine plus tôt, Jésus, certes, avait dit quelque chose de troublant, de très dérangeant et de contraire à leurs attentes. D’autant plus qu’ils avaient commencé à concevoir que la personne qu’ils suivaient pouvait être le Christ, le Messie, celui que la nation juive attendait. N’était-il pas celui qui venait pour les sauver de la domination de l’Empire romain ? Mais voilà que Jésus leur annonçait qu’il serait mis à mort sur une croix. Il avait parlé de sa crucifixion. Impensable ! Ils n’avaient pas suivi ce prophète moderne pour en arriver là ! Pierre l’avait contredit sur un ton indigné. Jésus lui avait répondu par une phrase choc : 

« Arrière de moi, Satan » !

Les voici sur la montagne. Et ce qu’ils voient dépasse la réalité : Jésus se transforme pour briller d’une lumière éclatante. Puis un nuage les enveloppe, aussi lumineux que le fameux nuage que les Israélites avaient suivi dans le désert. Ils entendent une voix sortir de ce nuage éblouissant : 

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toute mon affection : écoutez-le ».

Il faut aussi redescendre dans la vallée 

Nous vivons dans une société avide d’expériences spirituelles, à la recherche de preuves de l’existence de Dieu. Et dans nos moments d’intimité avec le Christ, nous sommes friands d’expériences charismatiques dans la pratique de la présence de Dieu. Nous pouvons d’autant mieux comprendre que les disciples croyaient qu’ils étaient « arrivés ». Pierre, le texte biblique le souligne, ne sait plus ce qu’il dit. Il propose de construire trois cabanes pour que Jésus, Élie et Moïse puissent passer la nuit. Il n’a rien compris de la conversation à trois qu’il a entendue. Il n’a pas compris qu’il s’agissait du départ prochain de Jésus qui allait quitter ce monde.

Pourquoi vouloir autre chose ? Ils étaient déjà en train de vivre le royaume de Dieu sur terre ; il n’y avait plus qu’à ériger des tentes pour s’y installer. Comme certaines Églises qui promettent la prospérité, le ciel sur la terre, des expériences spirituelles fortes, des visions et la voix de Dieu. Il faut juste un peu d’effort pour monter sur la montagne et vous êtes arrivés. Il est indéniable que cette expérience fut tellement forte que Jean et Pierre n’ont pas pu s’empêcher, ni l’un ni l’autre, d’en parler plus tard dans leurs épîtres respectives (2 Pierre 1 : 18 ; 1 Jean 1 : 2). Le troisième disciple qui se trouvait sur la montagne cette nuit-là, Jacques le frère de Jean, fut l’un des premiers chrétiens à mourir en martyr.

Faire face aux dures réalités de ce monde

Dans cette vie, cependant, nous ne sommes pas destinés à rester sur la montagne. Il y a un seul chemin, et ce chemin mène vers la croix. Immédiatement après, Jésus et les trois disciples redescendent dans la vallée. Ils se retrouvent aussitôt face aux dures réalités de ce monde. Les neuf disciples restés au pied de la montagne affrontent un problème. Alors que Jésus n’était plus avec eux, un père de famille est arrivé avec un petit garçon qui semble atteint d’épilepsie, en plus d’être sourd et muet. Il est en proie à des convulsions qui le jettent à terre, tellement violentes qu’elles mettent sa vie en danger.

Confrontés à ce nouveau problème, les disciples, qui avaient pourtant réussi à chasser des démons auparavant, se trouvent démunis, incapables d’apporter la guérison. Ils perdent leur crédit devant la foule qui avait l’habitude de l’autorité de Jésus sur le monde spirituel et naturel.

Nous sommes appelés à vivre dans un monde déchu

On préférerait rester au sommet de la montagne, déconnectés des problèmes de ce monde, de pouvoir contempler le Christ et d’entendre Dieu nous parler. Mais nous sommes destinés à vivre en bas dans la vallée dans un monde déchu, un monde malade comme l’était ce petit garçon. Il est intéressant de noter que le passage biblique ne fait pas clairement de distinction entre la maladie « naturelle » et la possession démoniaque, qui, selon Jésus, est une réalité. Nous voudrions que les choses soient bien cloisonnées. Mais je ne suis pas sûr que la distinction soit aussi nette.

Notre monde est malade. C’est le résultat du fait que l’humanité a tourné le dos à Dieu. Les conséquences en sont physiques, matérielles, mais elles sont aussi spirituelles. Le monde est habité et sous l’emprise de puissances spirituelles mauvaises. Une des « maladies » à laquelle il a été confronté dans les années 1980 était le communisme. 

Un manque de foi

À peine la foule voit-elle Jésus qu’elle court à sa rencontre. Peut-être aimerions-nous un Jésus doux et bienveillant. Un Jésus qui comprend notre fragilité et nos faiblesses. Un Jésus qui se montre compréhensif quand nous sommes démunis face à des cas aussi complexes que celui d’un enfant sourd et muet, malade et possédé par des démons. Les paroles que Jésus adresse à ses disciples semblent dures : 

« Génération incrédule et perverse, répondit Jésus, jusqu’à quand serai-je avec vous et devrai-je vous supporter ? » (Luc 9 : 41). 

Jésus profite alors de cet échec pour donner à tous un enseignement sur la foi et sur la prière. Dans cette histoire, tout le monde a manqué de foi : la foule, les scribes qui accusent les disciples, et les disciples eux-mêmes qui n’arrivent pas à chasser le démon. Même le père de l’enfant manque de foi, mais lui au moins est prêt à confesser à Jésus son insuffisance et à demander de l’aide.

Pour Jésus, c’est précisément cela, le problème : vous manquez tous de foi. Si vous aviez de la foi, vous pourriez même déplacer des montagnes. Vous pourriez surmonter les problèmes les plus complexes et les plus enracinés, ceux qui vous semblent à vue humaine impossibles à résoudre. Des problèmes qui existent depuis des années, comme chez ce garçon qui souffre depuis son enfance. Et ce n’est pas la taille de la foi qui compte – même si votre foi est aussi petite qu’un grain de moutarde, cela suffit. Ce qui importe, c’est la Personne en qui nous plaçons notre foi.


Cet article est tiré du livre : Comme le père m’a envoyé de Michel Varton