Deux façons problématiques de concevoir la justification (Jay Harvey)
La doctrine de la justification touche tous les aspects de la vie chrétienne. Avant de conclure ce chapitre en soulignant l’importance de cette doctrine, abordons brièvement deux manières différentes et problématiques de concevoir la justification.
Pour l’Église catholique romaine, la justification est un processus. Elle croit que par notre foi en Christ et notre participation aux sacrements de l’Église, Dieu accorde la grâce qui nous est nécessaire pour mener une vie d’obéissance. À notre mort, Dieu nous déclare justes en partie à cause de nos efforts visant à lui obéir. À la question : « Que dois-je faire pour être sauvé ? », la théologie catholique romaine répond : « Repens-toi, crois et pratique la charité. » Comme pratiquement tous ceux qui meurent ne sont pas complètement justes, la plupart des gens passeront un certain temps au purgatoire pour y être purifiés du péché restant.
Outre toute la notion du purgatoire, la manière dont le catholicisme conçoit la justification ne peut tenir devant les données bibliques. Nous ne trouvons nulle part dans l’Écriture l’idée que le baptême efface le péché originel. Il est tout aussi difficile de ne pas assimiler la notion catholique de charité, même les actes empreints de grâce, aux œuvres de la Loi, erreurs commises par les Galates. La Bible refuse de faire de l’obéissance, qu’elle se traduise par des actes de charité ou par l’observance de la Loi, le fondement de notre justification.
Certes, les catholiques romains qui connaissent bien la théologie officielle sont prompts à rétorquer que c’est uniquement en vertu de la grâce que le chrétien peut accomplir les actes justes qui le justifient. Cependant, en fin de compte, c’est la justice personnelle inhérente au croyant qui sert de fondement à la justification et non la justice de Christ. Pour les catholiques, la justification n’est pas simplement une déclaration juridique, mais un changement réel opéré en nous. Une fois sa condition morale changée, l’individu prend un nouveau départ avec Dieu et entreprend un cheminement qui exige repentance et confession tout au long de sa vie. Finalement, la conception catholique prive le croyant de l’assurance de son acceptation ultime par Dieu. Pour être sauvé, il lui faut faire quelque chose de plus qu’un authentique acte de foi.
Ce qu’on appelle vaguement une « nouvelle perspective sur l’enseignement de Paul » constitue une attaque plus récente contre la doctrine historique de la justification. Ce qui est « nouveau » dans cette thèse est l’affirmation selon laquelle dans son enseignement sur la justification dans Galates, Romains et Philippiens, Paul ne vise pas le légalisme (le salut qui s’obtiendrait par la foi en Christ et par l’obéissance à la Loi). Paul combattrait l’attitude des chrétiens d’origine juive à l’égard des païens. En tant que peuple élu de Dieu, les Juifs se sentaient supérieurs aux païens. Aussi s’attendaient-ils à ce que ces les païens convertis observent les principales lois cérémonielles juives, telles que la circoncision, le sabbat et les règles alimentaires. Pour ce nouveau courant, l’expression « œuvres de la Loi » ne concerne pas tous les actes d’obéissance à la Loi en général, mais s’applique de façon étroite à celles qui caractérisent la religion juive. Par conséquent, lorsque Paul déclare que nous sommes justifiés par la foi et non par les œuvres de la Loi, il demande aux judéo-chrétiens de ne pas contraindre les païens à les imiter dans leur style de vie en observant leurs lois particulières.
La « nouvelle perspective » veut veiller à ce que nous n’importions pas dans le Nouveau Testament les luttes de Luther avec l’Église catholique. C’est un avertissement salutaire. Les Juifs du ier siècle ne se considéraient pas comme des légalistes chaussés de bottes de sept lieues pour entrer au ciel. Nous n’avons cependant aucune raison de penser que les « œuvres de la Loi » ne s’accompagnaient pas d’une composante légaliste. Comme je l’ai déjà indiqué, peu importe la nature des lois en question, il s’agissait tout de même d’œuvres sur lesquelles les Juifs s’appuyaient pour être en règle avec Dieu. Jésus lui-même était conscient des tendances légalistes au sein du judaïsme lorsqu’il « dit encore cette parabole, en vue de certaines personnes se persuadant qu’elles étaient justes, et ne faisant aucun cas des autres » (Lu 18.9). Dans cette parabole, un pharisien remercie Dieu de ce qu’il ne ressemble pas aux autres pécheurs. Le publicain (généralement considéré comme « pécheur » au temps de Jésus) suppliait Dieu d’avoir pitié de lui, un pécheur. Jésus conclut son récit en déclarant que le publicain « descendit dans sa maison justifié, plutôt que l’autre » (v.14). Jésus enseigne la même leçon que Paul : ne vous appuyez pas sur votre justice personnelle même si vous pensez devoir vos bonnes œuvres à Dieu (v. 11).
Au Ier siècle comme au xxie siècle, la nature humaine aime s’appuyer sur le légalisme et la confiance en soi. Dans notre orgueil, nous tenons à faire valoir notre justice personnelle devant Dieu au lieu de compter entièrement sur la justice de Christ. Cette tendance est universelle ; elle ne se limite pas aux Juifs ou aux païens, aux anciens ou aux modernes, aux jeunes ou aux moins jeunes. Le légalisme est un problème des Juifs du Ier siècle, qu’ils en aient eu conscience ou non. C’est également notre problème aujourd’hui.
Cet article est un extrait de Introduction à la théologie évangélique édité par Kevin DeYoung