Dieu a le droit de condamner tous les hommes (Paulin Bédard)

Du fait que tous les hommes ont péché en Adam, et se sont rendus coupables de la malédiction et de la mort éternelle, Dieu n’eût fait tort à personne s’il eût voulu laisser tout le genre humain dans le péché et la malédiction, et le condamner à cause du péché, suivant ces paroles de l’apôtre : « Tout le monde est reconnu coupable devant Dieu. […] Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Ro 3.19,23). Et : « Car le salaire du péché, c’est la mort » (Ro 6.23).


Canons de Dordrecht, article I.1

Le premier point de doctrine de Dordrecht concerne « la prédestination, l’élection et la réprobation ». Ce sont là des mots très lourds qui en font frissonner plusieurs. Je rappellerai simplement l’enseignement des arminiens à propos de l’élection. Pour eux, l’élection serait basée sur le fait que Dieu connaît d’avance ceux qui croiront en lui. Dieu choisirait ceux qui choisissent Dieu. L’élection dépendrait de nous. Il s’agirait, au fond, non pas d’une prédestination au salut, mais plutôt d’une « post-destination ». La réponse de Dordrecht est de dire que l’élection est fondée uniquement sur la grâce libre et souveraine de Dieu.

Un rappel de notre condition

Par quoi les Canons de Dordrecht commencent-t-ils ? Cette confession de foi commence par nous rappeler notre condition devant Dieu. « Du fait que tous les hommes ont péché en Adam, et se sont rendus coupables de la malédiction et de la mort éternelle, Dieu n’eût fait tort à personne s’il eût voulu laisser tout le genre humain dans le péché et la malédiction » (I.1).

Nous ne commençons pas par essayer de pénétrer les mystères du conseil éternel de Dieu. Nous commençons par l’histoire d’Adam et Ève qui est pleine de clarté. Or, cette histoire nous parle aussi de nous, leurs descendants. Nous étions inclus en Adam. Dieu a fait alliance avec lui et, dans cette alliance, nous étions tous inclus. Quand Adam a péché, nous avons péché avec lui. « C’est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort s’est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché » (Ro 5.12). Par conséquent, nul n’est juste. Il n’y a personne qui est bon. Paul, dans Romains 3, l’affirme avec beaucoup de force. « Il n’y a point de juste, pas même un seul ; nul n’est intelligent, nul ne cherche Dieu. Tous sont égarés, tous sont pervertis, il n’en est aucun qui fasse le bien, pas même un seul. […] Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Ro 3.10-12,23).

C’est là une confession radicale. Le péché d’un seul homme a entraîné des conséquences désastreuses sur tous les hommes, puisque le péché et la mort se sont étendus sur tous. Nous sommes nous-mêmes responsables et coupables. Nous ne pouvons faire porter le blâme ni sur Dieu, ni sur le diable, ni sur les autres, ni sur les circonstances.

Un appel à l’humilité

Pourquoi les Canons commencent-ils de cette façon ? Pour être fidèles à la Bible. Les premiers chapitres de la Bible ne commencent pas par nous révéler les secrets de l’élection de Dieu dès avant la fondation du monde. La Bible ne part pas de l’élection pour essayer d’expliquer logiquement tous les mystères de la vie ou toutes les actions de Dieu dans le monde. Elle commence par les événements qui se sont déroulés au début de l’histoire : la création du monde, la création d’Adam et Ève à l’image de Dieu, créés justes et saints ; puis l’entrée du péché dans le monde qui s’est étendu sur tous les hommes. L’approche de la Bible est historique, elle suit l’ordre des événements dans l’histoire. C’est seulement plus tard, en cours de route, que l’on apprend que Dieu, dans sa grâce, a librement choisi depuis toujours des pécheurs pour les amener au salut éternel. Cependant, il faut d’abord se rappeler le drame du péché qui est entré dans le monde et qui s’est étendu sur tout homme.

Pourquoi ce douloureux rappel ? « Afin que toute bouche soit fermée, et que tout le monde soit reconnu coupable devant Dieu » (Ro 3.19). Devant Dieu, nous n’avons pas le droit de parler, nous n’avons même pas le droit de vivre ! Il est important de commencer par reconnaître notre condition, afin de nous garder humbles. Tout ce que nous avons à faire, c’est de bien écouter tout ce que Dieu nous révèle dans sa Parole et d’accepter avec foi tout ce qu’il veut bien nous donner. Toute contribution personnelle à notre salut est hors de question. Toute gloire humaine est exclue.

Par nature, nous sommes portés à résister très fort à la doctrine de l’élection et de la réprobation

Nous avons toujours le réflexe de chercher à protéger notre nature orgueilleuse et pécheresse. Nous sommes enclins à faire un procès contre Dieu et à le poursuivre en jugement. Nous sommes portés à lui dire : « Seigneur, si tu es vraiment bon comme tu le prétends, tu devrais satisfaire nos exigences ; tes actions devraient correspondre à nos normes. Tu devrais plutôt faire ceci ou cela. »

Eh bien non ! Il nous faut faire un renversement de 180 degrés. Ce n’est pas Dieu qui est assis au banc des accusés et nous qui sommes confortablement assis sur la chaise du juge. Ce n’est pas lui qui doit répondre de ses actions devant nous, c’est nous qui devons répondre devant lui de toute action que nous aurons posée, de toute parole que nous aurons prononcée et de toute pensée que nous aurons conçue. « Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ… » (2 Co 5.10.) Quand nous abordons la doctrine de l’élection, restons humbles et rappelons-nous notre condition pécheresse devant Dieu.

Impossible d’en appeler contre Dieu

Le Saint-Esprit a conduit l’apôtre Paul à écrire des paroles très vigoureuses au sujet de ceux qui émettent des objections.

« Tu me diras : Pourquoi blâme-t-il encore ? Car qui est-ce qui résiste à sa volonté ? Ô homme, toi plutôt, qui es-tu pour contester avec Dieu ? Le vase d’argile dira-t-il à celui qui l’a formé : Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? Le potier n’est-il pas maître de l’argile, pour faire avec la même masse un vase d’honneur et un vase d’un usage vil ? » (Ro 9.19-21.)

Nous pourrions penser que Dieu a des comptes à nous rendre pour les décisions qu’il a déjà prises ou pour les actions qu’il pose quotidiennement. Eh bien non ! Au dernier jour, il n’y aura pas de cour supérieure où nous pourrions en appeler contre Dieu pour l’accuser. Pouvez-vous imaginer, au jour du jugement, quelqu’un qui critiquerait Dieu et qui argumenterait contre ses façons de faire ? Nous devons commencer par reconnaître et confesser que Dieu est juste et bon. Il est parfaitement juste et parfaitement bon. Il n’y a pas la moindre imperfection ni la moindre injustice en lui. Abraham avait dit : « Celui qui juge toute la terre n’exercera-t-il pas la justice ? » (Ge 18.25.)

Nous avons tendance à protester contre Dieu

Nos cœurs rebelles, pécheurs et orgueilleux ont toujours tendance à dire : « Oui, mais… si Dieu choisit certains au salut et qu’il ne choisit pas les autres, mais qu’il les abandonne dans leur péché, ce n’est pas juste ! » Ah non ? Alors, qu’est-ce qui est juste ? Voilà la question à laquelle nous devons répondre. Ce qui est juste, c’est lorsque l’on nous donne notre dû. Ce qui est juste, c’est lorsque l’on nous traite selon ce que nous méritons. Voilà ce qui est juste. Qu’est-ce que Dieu aurait dû faire pour être juste ? « Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Ro 3.23). Que méritons-nous alors ? Nous méritons la mort ! « Car le salaire du péché, c’est la mort » (Ro 6.23). Pour être juste, Dieu aurait dû nous verser notre salaire, la mort éternelle, nous laisser séparés pour toujours de sa présence et nous faire subir de terribles souffrances éternelles. « Dieu n’eût fait tort à personne s’il eût voulu laisser tout le genre humain dans le péché et la malédiction, et le condamner à cause du péché » (I.1). Dans sa liberté et dans sa souveraineté absolue, Dieu aurait pu le faire, et nous n’aurions pas eu un mot à dire. Il aurait été parfaitement juste et il en aurait eu parfaitement le droit. Il n’aurait pas été injuste envers qui que ce soit !

Inévitablement, nous protestons : « Mais Dieu n’aurait-il pas dû faire grâce à tous ? » Dieu aurait pu, oui, mais est-ce qu’il aurait dû le faire ? Et s’il avait effectivement dû le faire, est-ce que ce serait encore une grâce ? Est-ce que ce ne serait pas plutôt un dû, une obligation ? Si nous disons qu’il est injuste que Dieu n’accorde pas son salut à certains, nous ne parlons plus de grâce, nous parlons de justice. Dès que nous disons que Dieu doit sauver tout le monde, il ne s’agit plus d’un cadeau accordé par pure grâce, d’une miséricorde et d’une faveur non méritée. Tout ce que Dieu nous doit, c’est notre salaire, uniquement. Le salaire du péché, c’est la mort. Voilà ce qui est parfaitement juste, et nous faisons bien de nous rappeler cette vérité solennelle en abordant l’étude de la merveilleuse doctrine de l’élection.

Mais, heureusement, Dieu ne s’est pas limité à être juste, il a aussi été plein de grâce et de miséricorde ! Il ne nous a pas laissés dans notre misère et sous sa juste condamnation. Restons humbles, sans protester contre ses voies insondables. Reposons-nous avec joie dans sa grâce souveraine.


Cet article est tiré du livre : Le solide fondement du salut de Paulin Bédard