Est-il possible d’être à la fois catholique et évangélique ? (Timothée Davi)

Cela dépend de ce que l’on entend par « catholique ». C’est un fait oublié de nos jours, mais les protestants se sont toujours considérés comme « catholiques ». Cependant, ils comprenaient le mot d’une tout autre façon : il était question de revendiquer l’appartenance à l’église « universelle » – sens originel du mot grec καθολικός/catholique.

Le concept d’église universelle est compris dans ce cas comme faisant référence à l’ensemble de ceux que Dieu a élu et appelé en Jésus-Christ (Eph 1, 3-14). Il n’est dès lors pas question de définir le terme en fonction de l’église locale romaine dite catholique ou de toute autre église locale d’ailleurs, qu’elle soit baptiste, réformée ou pentecôtiste ; définir l’église comme étant premièrement « catholique », universelle évite le sectarisme.

En ce sens, tout protestant évangélique se considère comme un chrétien catholique, héritier d’une grande nuée d’élus (He 12,1) provenant de nombreuses confessions et nations formant néanmoins une seule et même église catholique, universelle. Ce n’est pas là chose nouvelle. Le réformateur Jean Calvin exprimait cette idée avec clarté : « L’Église est nommée catholique ou universelle, parce qu’on n’en saurait faire deux, ni trois sans déchirer Jésus-Christ. »

Toutefois, si le terme catholique est compris comme faisant référence à l’église catholique romaine, il est tout bonnement impossible pour quelqu’un d’être à la fois catholique et protestant évangélique. Les différences en termes de théologie – que cela soit la vision de l’Écriture, l’ecclésiologie (de la vision de l’église, des sacrements et de l’adoration et ses moyens), la sotériologie (des doctrines du salut), la piété, etc. – sont bien trop vastes.

Cela ne veut pas pour autant dire qu’un chrétien évangélique ne peut apprécier à sa juste valeur et de façon critique l’héritage de l’église catholique romaine. Néanmoins, l’on ne peut être les deux à la fois comme il est impossible à un canard d’être à la fois un canard et un cygne, bien que les deux espèces soient cousines et fassent toutes deux parties de l’ordre des anatidés. Les deux espèces ont chacune des caractéristiques essentielles – et non accidentelles – sans lesquelles elles ne pourraient pas être reconnues et définies comme étant ce qu’elles sont, sic un canard ou un cygne et ici, un catholique romain ou un évangélique.

 

Note : Il est à noter que l’église catholique romaine, bien que revendiquant le terme « catholique », ne se définit pas à strictement parler comme «seule manifestation locale» de l’église universelle. Elle reconnaît en effet qu’il existe de véritables chrétiens qui ne sont pas liés à Rome. Cependant, elle défend que même ce genre de chrétiens sont, d’une manière ou d’une autre, en lien avec l’église catholique : « Avec ceux qui, étant baptisés, portent le beau nom de chrétiens sans professer pourtant intégralement la foi ou sans garder l’unité de la communion sous le Successeur de Pierre, l’Église se sait unie pour de multiples raisons. » (cf. la section 15 du document officiel de l’église catholique romaine Lumen Gentium). La nuance est importante ici et souvent mise de côté. Le chrétien évangélique, cependant, restera insatisfait de cette définition qui laisse à penser que l’église catholique est – au moins – seule représentante ou manifestation officielle de l’église universelle. Après tout, elle continue à défendre la doctrine de la succession apostolique, prétendant être seule fondée par et remontant à Christ lui-mêmeTelle doctrine est intolérable pour le chrétien évangélique.