Existe-il une éloquence chrétienne? Des mots clairs et l’émerveillement de la Croix (John Piper)

Prendre plaisir en Dieu 2008 Conférence nationale

Par John Piper, 28 septembre 2008

 

Pour débuter, je voudrais vous montrer pourquoi cette question est importante pour moi et j’espère en même temps clarifier ce qu’elle signifie et ce que le terme éloquence veut dire. Tout d’abord, la question est primordiale parce que l’apôtre Paul, écrivant sous l’inspiration du Saint-Esprit, dit en 1 Corinthiens 1.17 : « Car Christ ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile, et cela sans la sagesse du langage, afin que la croix du Christ ne soit pas rendue vaine. » Christ a envoyé Paul pour prêcher, non avec éloquence, de peur d’étouffer le message de la croix. Voilà pourquoi je pose la question : « Existe-t-il une éloquence chrétienne ? »

Même en utilisant la version de la Bible en Français Courant(« sans utiliser le langage de la sagesse humaine») ou de la Bible Annotée (« non avec la sagesse du discours ») ou la version Louis Segond (« sans la sagesse du langage »), le point reste le même. Il existe une façon de prêcher l’évangile-en utilisant une certaine éloquence ou une intelligence ou une sagesse humaine-qui fait en sorte de rendre vaine le message de la croix. Je redoute d’amoindrir le message de la croix, et c’est pourquoi il me tarde de connaître quelle est cette éloquence, cette intelligence ou sagesse de langage, et ainsi je pourrai éviter de l’utiliser.

Une question pressante

Considérons 1 Corinthiens 2.1 où Paul dit : « Pour moi, frères, lorsque je suis allé chez vous, ce n’est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse que je suis allé vous annoncer le témoignage de Dieu. » Ou la version Français Courant: « Je n’ai pas usé d’un langage compliqué ou de connaissances impressionnantes.» Ou la Bible Annotée: « Je ne suis point venu avec excellence de parole ou de sagesse. »   Ou la version Louis Segond:  «  ce n’est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse. ».

Pour un pasteur, ou quiconque veut partager l’évangile aux autres sans amputer la croix de sa puissance, il s’agit d’une question pressante : « Existe-t-il une éloquence chrétienne ? » Premièrement pour moi, cela veut dire que si je choisis les mots, ou la manière de les disposer ensemble, ou encore la façon de les exprimer, avec l’objectif d’accroître l’impact de l’évangile qui consiste à donner la vie, à rendre humble l’orgueilleux, à exalter Dieu, à magnifier Christ, à intensifier la joie, à réveiller l’amour, à mobiliser pour la mission, à promouvoir la justice, suis-je en train de chercher par la sélection de mes mots, la composition de mon texte et la façon de l’exprimer, à faire ce qui peut seulement être accompli par la croix de Christ, et alors l’en vider de sa puissance?

Autrement dit, est-il possible que Paul veuille nous dire que chercher à tout prix à impressionner les autres à travers la sélection de mots, la composition du texte et la façon de les exprimer, peut faire obstacle à la puissance de Christ et ainsi déprécier la gloire de la croix?

Pour toux ceux parmi nous qui voudraient parler ou écrire sur les vérités de l’évangile, il est urgent de répondre à cette question.

La Bible est-elle éloquente?

L’énoncé suivant complique encore la question: Tout au long de l’histoire, plusieurs érudits de la Bible ont attiré l’attention sur le fait que la Bible en elle-même possède plusieurs parties éloquentes. Par exemple, Jean Calvin a dit : « Prêtons attention à Ésaïe, son style est non seulement pur et élégant, mais il est aussi agrémenté d’un grand art-duquel nous apprenons que l’éloquence peut être grandement utile à la foi (1). »

Parallèlement, considérons ce que le poète John Donne a dit : « Le Saint-Esprit, en décrivant les Écritures, prend lui-même plaisir non seulement avec justesse, mais aussi avec une délicatesse, une harmonie, et une mélodie du langage; avec la grandeur des métaphores qu’il emploie, et d’autres figures de style, qui peuvent provoquer de plus grandes impressions sur les lecteurs (2) » En d’autres termes, Donne affirme qu’il existe une éloquence du langage dans la Bible, et une certaine part de l’impact exercé par le texte sur ses auditeurs découle de cette éloquence.

L’éloquence dirigée par l’Esprit?

Considérons aussi ce que Martin Luther a dit concernant Galates 4.6 : «L’Esprit intercède pour nous, non pas avec plusieurs mots ou de longues prières, mais seulement par un gémissement… un petit son, un faible gémissement tel que « Ah! Père! »… d’où la raison, que ce petit mot « Père»… surpasse toute l’éloquence de Démosthène, celle de Cicéron, et des plus éloquents rhétoriciens que le monde a connus (3) » Luther dit donc qu’à certains moments !’Esprit Saint lui-même nous dirige à employer une sorte d’éloquence-même dans la prière.

Alors, si ces observations énoncées par Calvin, Luther, et Donne sont justes, que voulait dire Paul lorsqu’il a dit qu’il renonçait à l’éloquence pour le bien de la croix? Se pourrait-il que d’une certaine manière Calvin, Luther et Donne l’aient mal compris?

L’éloquence de George Whitefield

Un autre élément faisant ressortir l’urgence de la question « Existe-t-il une éloquence chrétienne? » consiste à comparer ce qui a été dit à propos de deux géants du Premier Grand Réveil, George Whitefield et Jonathan Edwards. Ces deux hommes étaient profondément unis sur le plan théologique bien que très différents dans leur façon de prêcher.

Au printemps 1740, George Whitefield était à Philadelphie, prêchant à l’extérieur devant des milliers de personnes. Benjamin Franklin assista à la plupart de ses prédications. Franklin, qui ne croyait pas à ce que Whitefield prêchait, commenta sur ses sermons si bien composés.

Sa performance… était tellement enrichie par les fréquentes répétitions, que chaque accent, chaque emphase, chaque modulation de la voix si parfaitement bien tournés, et bien placés faisait en sorte que, sans être intéressé par le sujet, on ne pouvait s’empêcher d’être charmé par son discours : un plaisir pouvant se comparer à celui obtenu à l’écoute d’une excellente pièce musicale (4).

Voilà une prédication si éloquente qu’il est possible de l’aimer, sans même croire un mot de ce qui a été dit. En d’autres mots, le langage en soi-la sélection des mots, l’arrangement des phrases, et la performance du discours étaient tels, que ce fût un plaisir pour Franklin, qui par contre ne s’intéressait en rien à ce que signifiait le langage. Franklin aimait l’éloquence de Whitefield mais il rejetait la croix. On pourrait se demander si l’éloquence de Whitefield avait dépourvu la croix de sa puissance?

L’éloquence d’aujourd’hui

Et que la génération de jeunes prédicateurs qui se moquent de cette prétendue éloquence, et qui pensent avoir résolu ce dilemme en ne s’en préoccupant pas, soit sur ses gardes. Il existe une «éloquence» « branchée», « de l’habillement», « de l’argot», « futée», « désinvolte» et à« l’apparence naïve» qui peut avoir le même effet captivant à notre époque, que celle qui existait à l’époque de Whitefield. Les gens aiment le discours sans pourtant ne partager aucune des convictions qu’il contient. En d’autres mots, aucun de nous ne peut échapper à l’urgence de cette question. Nous avons tous besoin d’avoir une réponse.

L’éloquence de Jonathan Edwards

Maintenant, considérons Jonathan Edwards, le contemporain et ami de Whitefield. Edwards n’a pas reçu d’éloges aussi grands que ceux donnés à l’éloquence dramatique de Whitefield. Pourtant, il possédait une autre sorte d’éloquence. Questionné afin de savoir si Edwards était un prédicateur éloquent, quelqu’un ayant déjà assisté à une de ses prédications répondit ce qui suit : Si vous voulez dire, par éloquence, ce que ce mot signifie habituellement dans nos villes, il n’avait aucune prétention à ce genre d’éloquence. Il n’avait aucune nuance étudiée dans la voix, et aucune forte insistance. Il gesticulait à peine, ou ne bougeait pas; et il n’a jamais tenté, par l’élégance de son style, ou la beauté de ses illustrations de satisfaire les attentes et fasciner l’imagination. Mais si ce que vous entendez par éloquence se définit comme le pouvoir de présenter une vérité importante devant un auditoire, avec une argumentation d’une portée considérable, et avec une telle intensité dans les sentiments, que l’âme tout entière du prédicateur paraît présente dans chaque partie de la conception et de la performance du discours; pour que l’attention solennelle de tout l’auditoire y soit rivée, du début à la fin, et que les impressions laissées soient inoubliables, eh bien, M. Edwards a été l’homme le plus éloquent qu’il m’ait été donné d’écouter (5)Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre-Whitefield l’orateur dramatique ou Edwards l’immobile, et intense logicien-la question demeure : Ces formes d’éloquence amoindrissent-elles l’œuvre de la croix de Christ? Ces prédicateurs suivaient-ils l’exemple de Paul lorsqu’il disait qu’il prêchait l’évangile « sans la sagesse du langage, afin que la croix de Christ ne soit pas rendue vaine. »?

La déclaration obsédante de James Denney

Une déclaration émise par James Denney il y a plus d’une centaine d’années me hante. Qu’importe si nous parlons d’une plus grande éloquence intellectuelle ou d’éloquence sans prétention intellectuelle, décontractée, calme et sans talent oratoire, la déclaration de Denney va directement au cœur du problème. Il a dit : « Aucun homme ne peut donner l’impression à la fois qu’il est lui-même intelligent et que Christ est puissant pour sauver (6) » C’est une des phrases les plus influentes que j’ai lues concernant la façon dont nous parlons de Christ. Cela veut-il dire que toute œuvre consciente ou art littéraire ou verbal élève l’égo et obscurcit la vérité que Christ est puissant pour sauver?

L’éloquence telle une fin en soi?

Il y a une dernière facette qui démontre l’urgence de cette question « Existe-t-il une éloquence chrétienne? » Plus tôt cette année, dans le périodique Books and Culture, il y avait une critique d’un livre de Denis Donoghue, professeur d’anglais et de lettres américaines à l’Université de New York, intitulé On Eloquence [De l’éloquence]. Il vient tout juste d’être publié cette année. J’ai été tellement agacé par la critique que j’ai acheté le livre et l’ai lu en entier durant l’été.

Donoghue y affirme que l’éloquence est un style surprenant, qui exerce un grand impact et qui est une fin en soi. Par exemple il dit : Un discours ou un essai peut être éloquent, mais s’il l’est, l’éloquence est secondaire à son but. L’éloquence, à distinguer de la rhétorique, n’a pas d’objectif: c’est un jeu de mots ou une autre façon de s’exprimer…. L’attribut principal de l’éloquence est sa gratuité (7).

L’éloquence ne sert pas un but ou une fin… Dans la rhétorique, quelqu’un essaie de persuader une autre personne à poser un geste : dans l’éloquence, quelqu’un découvre avec joie les ressources expressives des moyens à portée de la main (8)Il affirme, avec E.M. Cioran, que cette notion d’éloquence sans ambition a commencé avec les sophistes, il y a de cela 2000 ans.

Les sophistes ont été les premiers qui ont occupé leur temps à méditer sur les mots, leurs valeurs, leurs propriétés, et leurs fonctions dans la conduite du raisonnement : l’étape capitale vers la découverte du style, conçue comme un but en soi, comme une fin intrinsèque, a été prise [par les sophistes] (9)L’éloquence est donc un style de discours ou d’écrit, qui plaît intrinsèquement sans autre ambition et sans aucun autre motif. C’est ce qui fait que c’est éloquent. Si cela avait un but, il s’agirait alors de la rhétorique pouvant ainsi servir à promouvoir une cause ou une idéologie.

Un critique enchanté

Ce qui m’a contrarié de la critique du livre de Donoghue dans Books and Culture, était que le critique chrétien était si enchanté par cette vision de l’éloquence qu’il croyait que tout penseur évangélique devrait lire ce livre. Il faut savoir que Donoghue lui-même pensait que la Bible-et Jésus en particulier-ont posé des obstacles importants à cette vision de l’éloquence sans objectif, gratuite, qui ne concerne que plaisir du langage (10)Mais le critique, au contraire, était enthousiaste sur le fait que selon lui cette vision mettait en lumière la façon dont Dieu avait rempli le monde de cette éloquence superflue, inutile:

Est-ce vraiment si difficile de porter un égard particulier sur l’éloquence dans les termes chrétiens? Qu’est-ce qui pourrait être plus éloquent, plus merveilleusement superflu, que la création elle-même? Tous ces scarabées, ces créatures des profondeurs que nous ne voyons pas, ces galaxies sur galaxies-toutes ces choses ne sont pas nécessaires. Shakespeare n’était pas nécessaire. Mon nouveau petit-fils Gus n’est pas nécessarie (11).

Je ne crois pas. Cette pensée est trop impertinente pour faire partie de l’intention de Dieu. Dieu a-t-il créé ce petit garçon Gus, et Shakespeare, et les galaxies, et les milliers de spécimens de plantes et d’animaux que nous n’avons pas encore découverts-Dieu les a-t-ils créés par caprice, ou dans un but précis? Si c’est dans un but, ils ne sont pas là pour rien et ils ne sont pas superflus.

Pas assez profond

Le problème concernant Donoghue et ces critiques est qu’ils ne sont pas allés assez en profondeur quant aux implications de l’éloquence sur l’existence d’un Dieu qui gouverne toutes choses et fait toutes choses dans un but prédéterminé-en effet, avec comme but de faire resplendir la gloire de son Fils. « Tout a été créé par lui et pour lui. » (Colossiens 1.16). Les galaxies et les petits enfants ne sont pas inutiles et superflus. Ils ont été créés pour la gloire de Jésus-Christ. Même les galaxies n’ayant pas encore été découvertes serviront à faire rejaillir la grandeur de Christ.

Alors que devrons-nous faire de tous ces différents témoins du bien de l’éloquence, en tenant compte de la déclaration de Paul en 1 Corinthiens 1.17 : « Ce n’est pas pour baptiser que Christ m’a envoyé, c’est pour annoncer l’Évangile, et cela sans la sagesse du langage, afin que la croix de Christ ne soit pas rendue vaine. » ? Et que penser de 1 Corinthiens 2.1, « frères, lorsque je suis allé chez vous, ce n’est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse »?

Un lien intéressant

Il y a un lien intéressant à établir entre la référence aux sophistes faite par Donoghue et le contexte dans lequel Paul s’adresse aux Corinthiens. Donoghue attribue sa vision de l’éloquence à celle des sophistes. Ils étaient les premiers à traiter le style « comme un but en soi, comme une fin intrinsèque. » Un des livres les plus complets à propos de l’arrière­ plan des paroles de aul sur l’éloquencedans 1 Corinthiens, est Philo and Paul among the Sophists [Philo et Paul parmi les sophistes] de Bruce Winter. L’argumentde Winter est que ce sont précisément les sophistes et leur vision de l’éloquence qui forment la toile de fond des propos de Paul concernant son propre discours et son intervention à Corinth (12).

Alors, considérez avec moi les paroles de Paul dans 1 Corinthiens, et voyons s’il donne assez d’indices pour montrer quelle est la sorte d’éloquence qu’il rejette et celle que non seulement il ne rejette pas, mais utilise (13).

Indices provenant de 1 Corinthiens

Premièrement, remarquez dans 1 Corinthiens 1.10-12 que les croyants de Corinthe formaient des divisions en s’associant à leur enseignant favori, et il est très probable que ces divisions aient été reliées à la sorte d’éloquence que possédait leur enseignant. Au verset 12, il est dit: « J’entends par là que chacun de vous dit: Moi, je suis de Paul ! – et moi, d’Apollos ! – et moi, de Céphas ! – et moi, de Christ ! »

Nous savons en lisant 2 Corinthiens 10.10 que les opposants de Paul se sont moqués de lui en disant qu’il manquait d’éloquence. Ils disaient : « Ses lettre sont sévères, mais, lorsqu’il est présent parmi nous, il est faible, et sa parole est méprisable (ho logos exouthenemenos). Et nous savons qu’Apollos, un des favoris de Corinthe, était éloquent car dans Actes 18.24 il est écrit : « Un Juif du nom d’Apollos, originaire d’Alexandrie, homme éloquent et versé dans les Écritures, était arrivé à Éphèse. » Le fait qu’il provient d’Alexandrie est révélateur. Philo a travaillé à Alexandrie et nous dit à quel point les sophistes étaient proéminents dans la formation de l’éloquence chez les gens, à cet endroit (14).

L’opposition aux sophistes

Au moins six différentes sources nous apprennent que les sophistes étaient également présents à Corinthe (15)Ils accordaient une énorme importance au style et à la forme comme étant des évidences de l’éducation, de la puissance et de la sagesse. Ils ont probablement influencé et encouragé quelques croyants à admirer cette sorte d’éloquence et à la rechercher chez les enseignants chrétiens. Apollos est probablement devenu célèbre parmi eux parce qu’il maîtrisait bien les mots. Bruce Winter a dit, « Paul a délibérément adopté une position antisophiste et ainsi défendu ses activités d’implantations d’Églises à Corinthe contre un arrière-fond de conventions, de catégories et de perceptions sophistes (16) ».

C’est ce que nous trouvons au verset 17, qui nous ramène au début de ce message : « Car Christ ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile, et cela sans la sagesse du langage, afin que la croix du Christ ne soit pas rendue vaine. » Alors Paul va s’opposer à l’éloquence des sophistes de façon à démontrer qu’elle rend la croix de Christ vaine. Pourquoi cela? En quoi cette vision de l’éloquence supprime-t-elle la puissance de la croix ?

Extirper l’orgueil et exalter Christ

Le verset 18 nous donne une partie de la réponse : « Car la parole de la croix est folie pour ceux qui périssent ; mais pour nous qui sommes sauvés, elle est puissance de Dieu. » La raison pour laquelle la croix ne va pas de pair avec l’éloquence des sophistes est qu’elle est une folie pour eux-en d’autres mots, cela est si destructif pour l’orgueil humain que ceux qui adhèrent aux louanges de l’homme par « l’éloquence élaborée de la rhétorique (17) » et au « système d’éducation élitiste (18) » peuvent seulement voir la croix comme une insanité. La croix est le lieu où notre péché est ce qu’il y a de plus horrible, et où la grâce désintéressée de Dieu luit avec le plus d’éclat. Ces deux faits signifient que nous ne méritons rien. C’est pourquoi, la croix déracine l’orgueil et exalte Christ, pas nous, et c’est ce qui rendait sa prédication folle aux yeux des sophistes.

Nous voyons ce fait confirmé dans le verset 20: « Où est le sage? où est le scribe? où est le contestataire de ce siècle? -le raisonneur, l’homme qui est tellement habile avec sa langue qu’il peut argumenter et peu importe le parti qu’il prend dans un débat, il finit par gagner. Il est détendu, intelligent et habile avec sa langue. La vérité et le contenu ne sont pas ce qui le préoccupe; il est cependant obsédé par la manœuvre de la rhétorique. Paul a dit, à la fin du verset 20 : « Dieu n’a-t-il pas frappé de folie la sagesse du monde? » La sagesse dont il est question ne consiste pas en toutes formes d’opinions s’attaquant au christianisme; c’est plutôt l’usage du langage par les sophistes en vue de gagner un argument et se montrer plus intelligents, éloquents et puissants.

L’éloquence que Paul rejette ne concerne donc pas des conventions particulières du langage, mais l’exploitation du langage pour s’exalter, et diminuer ou ignorer le Seigneur crucifié. Remarquez encore le contraste dans le chapitre 2, versets 1- 2: « Pour moi, frères, lorsque je suis allé chez vous, ce n’est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse que je suis allé vous annoncer le témoignage de Dieu. Car je n’ai pas jugé bon de savoir autre chose parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. » Le point est le suivant : Peu importe où je rencontre des scribes et des gens aimant argumenter en défendant leur égo grâce à des jeux du langage et laissant la croix dans l’ombre, [moi Paul] je la sortirai de l’ombre et la présenterai dans sa totalité. Je refuserai de jouer à ces jeux du langage.

Deux critères tranchants

Un autre aspect du contexte fait ressortir deux critères plutôt tranchants entre la forme irrecevable et la forme acceptable de l’éloquence. En 1 Corinthiens 1.26-31, Paul met en lumière l’amour des sophistes pour la vantardise (19).

Considérez, frères, comment vous avez été appelés : il n’y a parmi vous ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles. Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages ; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes ; Dieu a choisi les choses viles du monde, celles qu’on méprise, celles qui ne sont pas, pour réduire à rien celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie devant Dieu.

  • L’humiliation de soi

Le plan de Dieu, qu’il concerne la croix ou l’élection, est « que nulle chair ne se glorifie devant Dieu. » C’est le premier critère tranchant pour différencier l’éloquence convenable de celle qui est inappropriée : Nourrit-elle la vantardise? Provient­ elle d’un égo recherchant l’admiration à travers un discours intelligent? Si oui, Paul la rejette.

Puis, il continue dans les versets 30-31 : « Or, c’est par lui que vous êtes en Christ Jésus qui, de par Dieu, a été fait pour nous sagesse, et aussi justice, sanctification et rédemption, afin, comme il est écrit: Que celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur. »

  • L’exaltation de Christ

Le deuxième dessein de Dieu, non seulement pour la croix et l’élection, mais aussi pour la grâce souveraine de la régénération (v.30 : « Or, c’est par lui que vous êtes en Christ Jésus ») est que toute glorification soit faite dans notre Seigneur Jésus-Christ – celui qui fut crucifié et qui est ressuscité. « Que celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur. »

Alors, le deuxième critère tranchant pour différencier une bonne éloquence d’une mauvaise est le suivant : Exalte-t-elle Christ-particulièrement Christ crucifié?

Donc, voici ma compréhension des deux dénonciations de Paul au sujet de l’éloquence. Dans 1 Corinthiens 1.17 il dit :

« sans la sagesse du langage, afin que la croix du Christ ne soit pas rendue vaine. »

Et dans 1 Corinthiens 2.1-2 il dit : « … [ce n’est pas] avec une supériorité de langage ou de sagesse. …Car je n’ai pas jugé bon de savoir autre chose parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. » Le point de ces deux éléments est le suivant : La recherche de la gloire personnelle, de l’admiration des autres en utilisant des mots dans le but de faire la démonstration d’une certaine sagesse humaine est incompatible avec le fait de trouver votre vie et votre gloire dans la croix de Christ. Alors, laissez le choix des mots être gouvernés par ce double critère : l’humiliationde soi et l’exaltation de Christ.

Je pense que si nous plaçons ces deux critères au-dessus de tous les efforts que nous pouvons déployer pour créer un impact, que ce soit dans la sélection de nos phrases, de nos paroles ou dans notre façon de s’exprimer : c’est-à-dire, si nous faisons de l’humiliation de soi et de l’exaltation de Christ une priorité au lieu de nous efforcer à être éloquent-nous serons alors gardés de faire un usage répréhensible de l’éloquence que Paul rejette. Et maintenant, je comprends mieux ce que voulait dire le dicton de James Denney, précisément au sujet de ces deux critères (l’humiliation de soi et l’exaltation de Christ):

« Aucun homme ne peut donner l’impression à la fois qu’il est lui-même intelligent et que Christ est puissant pour sauver (20) »

La glorification de soi et la glorification de Christ ne peuvent aller de pair.

La Bible est éloquente

Lorsque nous revenons dans l’histoire, au temps de Calvin, Luther et John Donne-qui tous ont affirmé que la Bible était remplie d’éloquence- j’en conclus donc qu’ils ont raison. La Bible regorge de systèmes littéraires visant à ajouter un impact au langage : acrostiches, allitérations, analogies, hyperboles, ironies, métaphores, onomatopées, paradoxes, parallélismes, répétitions, rimes, satires, similitudes-et bien d’autres encore.

Et il me semble que Dieu nous invite à nous joindre à lui dans son éloquence créative. Il nous appelle avec des mots comme ceux-ci:

C’est une joie pour l’homme quand il donne une réponse de sa bouche ; Et combien est bonne une parole dite à propos! (Proverbes 15.23)

Des pommes d’or sur des ciselures d’argent, Telle est une parole dite à propos. (Proverbes 25.11)

Les jambes du boiteux sont faibles, De même est un proverbe dans la bouche des insensés. (Proverbes 26.7)

Quoi que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, en rendant grâces par lui à Dieu le Père. (Colossiens 3.17)

En d’autres termes, réfléchissez à l’adresse et à la pertinence, au choix du temps favorable, du moment opportun, et au bien-fondé de vos paroles. Et faites-vous un honneur de respecter chacun de ces aspects pour la gloire du nom du Seigneur Jésus.

Quelle différence cela fait-il?

Je désire soulever une dernière interrogation. S’il nous est permis de rechercher l’éloquence (un impact verbal puissant), si, bien plus, nous sommes invités à le faire, si la Bible est un livre abondamment éloquent, et si nous sommes guidés dans notre poursuite de cet impact par le double critère de l’humiliation de soi et de l’exaltation de Christ, quels seraient nos souhaits par rapport à nos prédications ou à nos écrits si nous y réussissions? Puisque seul le Saint-Esprit peut mettre en œuvre la nouvelle naissance et ressusciter les morts spirituels, et puisqu’il peut se servir des gens, des témoins terrestres ou des témoins éloquents de l’Évangile, quelle différence cela fait-il que nous nous efforcions à gagner plus d’éloquence ou un impact plus grand à travers le langage?

Cinq avantages de l’éloquence chrétienne

Voici une première liste de cinq choses que nous pouvons rechercher, sachant que peu importe la situation, Dieu peut intervenir et faire de nos paroles un instrument pour le salut, avec ou sans éloquence.

  • Garder l’intérêt

Un choix de langage artistique, surprenant, stimulant, ou agréable du point de vue esthétique (ce qu’est l’éloquence) peut garder l’auditoire éveillé et concentré, parce qu’il le trouve intéressant, hors du commun ou plaisant, pour une raison qu’il ne peut pas même expliquer. Lorsque les disciples se sont endormis à Gethsémané, Jésus a dit : « L’esprit est bien disposé, mais la chair est faible. » (Matthieu 26.41). Nous nous devons d’aider les gens dans leurs faiblesses.

Ce n’est pas comparable à la conversion, à la conviction de péché, ni même à la sanctification, mais il s’agit d’un moyen sérieux d’arriver à ces fins. Un auditoire endormi ou distrait n’entend pas la Parole, et la foi vient de ce que l’on entend, et ce que l’on entend vient de la Parole. C’est pourquoi l’éloquence peut correspondre à une bonne nuit de sommeil. Cela ne sauvera pas votre âme, mais peut cependant vous garder éveillé afin d’entendre la Parole qui peut sauver votre âme. Donc, le style d’une personne peut garder votre intérêt et, par le fait même, vous garder éveillé.

  • Gagner la sympathie

Un langage artistique, surprenant, stimulant, ou agréable du point de vue esthétique peut transformer un esprit qui, au départ, s’oppose à une plus grande sympathie envers l’orateur. Si le langage est suffisamment intéressant et rafraîchissant, les obstacles peuvent être surmontés-comme l’ennui, la colère, le ressentiment, la suspicion-et être remplacés par le respect, l’attirance, l’intérêt et la concentration. Ces choses ne sont pas comparables à la conversion, la conviction de péché ou la sanctification, mais n’éloignent pas la personne davantage, comme  l’ennui peut le faire. Cela peut même amener une personne si près de la lumière, que Jésus lui dise : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » (Marc 12.34 ).

Par exemple, retournons à George Whitefield et Benjamin Franklin pour un moment. L’éloquence de Whitefield a su bouleverser Franklin. Il n’a pas pensé que Whitefield était un imposteur. Il l’a admiré. Il est même devenu l’un des plus intimes amis de Whitefield. Le biographe de Whitefield, Harry Stout écrit : « Franklin s’est laissé entraîner sur le sujet de la religiosité personnelle avec Whitefield plus qu’avec quiconque, trouvant en Whitefield un auditeur à qui il pouvait se fier-même s’il n’était pas d’accord avec lui (21)C’est ainsi que Whitefield a pu parler à Franklin de Christ comme aucun autre ne l’a fait. Un jour, il expliqua à Franklin en souriant : « Je dois avoir quelque chose de Christ dans toutes mes lettres (22) » Qui sait à quel point Whitefield était près de gagner Franklin à la foi-et tout cela parce que l’éloquence de Whitetield a surpassé le dédain de Franklin pour le Réveil.

  • Éveiller la sensibilité

Un discours frais, surprenant, stimulant, agréable du point de vue esthétique peut provoquer un éveil dans l’esprit et le cœur, qui n’est pas la régénération, mais néanmoins important, tel un réveil à la sensibilité émotionnelle et intellectuelle pour des choses plus sérieuses et plus belles. Si la tournure poétique d’une expression permet à une personne de remarquer la splendeur du soleil, sa prochaine étape consistera peut-être à voir que les cieux proclament la gloire de Dieu (Psaume 19.1), et alors peut-être confessera-t-elle Christ comme étant le grand soleil de justice (Malachie 4.2).

N’est-ce pas ce pourquoi David, le grand poète d’Israël, dit : « Les cieux racontent la gloire de Dieu » (Psaume 19.1), et ajoute ensuite : « Où il a placé une tente pour le soleil. Et celui-ci, semblable à un époux qui sort de sa chambre, se réjouit, comme un héros, de parcourir sa route » (Psaume 19.4-5).

Pourquoi comparer le soleil levant à un époux et à un héros? Pour aider l’esprit morne à s’éveiller à la joyeuse beauté du soleil levant dans l’espoir que cette sorte d’éveil naturel puisse amener à la perspective spirituelle que la nature n’existe que pour la gloire de Dieu.

  • Exprimer des paroles mémorables

Certains genres d’éloquence-la cadence, le parallélisme, la rime, l’assonance, la consonance-peuvent non seulement intéresser et éveiller le cœur, mais aussi accroître l’impact en rendant ces paroles mémorables, en d’autres mots, plus facile à retenir et à mémoriser. Considérons le titre de cette conférence. Je suis très pointilleux lorsqu’il est question de cadence, de consonance et d’assonance. J’ai travaillé sur ce titre de la même façon dont je travaille sur un poème. The Power of Words and the Wonder of God. [Des Mots Puissants et !’Émerveillementde Dieu.] Je voulais que ce soit agréable et facile à mémoriser.

Je crois que cette pratique aide l’auditeur à se rappeler du titre; par exemple, nous ne retenons pas le 9-1-1 parce qu’il est désagréable et qu’il est relié à la douleur, mais bien plutôt parce qu’il est esthétiquement satisfaisant.

Je présume que cette intention mnémonique est la raison pour laquelle quelques parties de la Bible sont écrites en acrostiche. Par exemple, le Psaume 119 possède 22 strophes contenant 8 versets chacun, et chaque strophe débute avec une lettre

différente de l’alphabet hébreu, et tous les 8 versets de chacune des strophes commencent par cette lettre. Ces mots n’ont pas été disposés ainsi à la légère, mais plutôt de manière intentionnelle, artistique, éloquente.

  • Accroître la puissance

La tentative de créer un discours qui soit beau et percutant permet à la beauté de l’éloquence de s’unir à la beauté de la vérité, et ainsi accroître la puissance de vos mots. Lorsque nous prêtons attention à créer une belle façon de parler ou d’écrire à propos de quelque chose de beau, l’éloquence-la beauté de la form’7-reflète et honore la beauté du sujet el honore ainsi la vérité.

La méthode et le sujet deviennent un, et la totalité de cette union devient un témoin de la vérité et de la beauté du message. Si la gloire de Christ est toujours ultimement notre sujet, et s’il a créé toutes choses, et s’il soutient toutes choses, alors faire ressortir la beauté de la forme en harmonie avec la beauté de la vérité est la manière la plus complète d’honorer le Seigneur.

Une autre façon de penser à cette unité est la suivante : si une personne voit la beauté de votre langage et s’en réjouit, sans apercevoir encore la beauté du Seigneur Jésus, vous lui avez donné non seulement un témoignage de cette beauté, mais aussi une invitation. Vous avez dit: « C’est comme cela, mais mieux encore. La beauté de mes paroles est une ombre. Christ, qui a créé, qui soutient et qui accepte dans sa grâce la beauté imparfaite, est la substance. Tourne-toi vers lui. Viens à lui.

Susciter l’éloquence pour l’amour de son nom

Oui, il existe une éloquence chrétienne. Ce n’est pas le facteur décisif du salut ou de la sanctification. Seul Dieu l’est. Mais la foi vient de ce que l’on entend, et ce que l’on entend vient de la Parole. Cette parole, dans la Bible, est profondément éloquente – les mots y sont mis ensemble de façon à produire un grand impact. Et Dieu nous invite à créer nos propres expressions éloquentes pour l’amour de son nom, non le nôtre. Et dans le mystère de sa grâce souveraine, il se glorifiera lui-même dans les cœurs des autres malgré et grâce aux mots que nous aurons choisis. De cette façon, il nous gardera humble et obtiendra toute la gloire qui lui est due. Amen.

 

Notes :

(1) Citation de« Calvin et la Bible», de Selected Shorter Writings of Benjamin B. Warfield, vol. 1, p. 7-8

(2) John Donne, The Sermons of John Donne, vol. 6, p. 55

(3) Martin Luther, A commentary on St.Paul’s Epistle ta the Galatians (Westwood, New Jersey: Fleming H. Revell Company, 1953), p. 369-370

(4) Harry Stout, The Divine Dramatist, p. 104, emphase ajoutée

(5) The Works of Jonathan Edwards, vol. 1, p. cxc

(6) Citation de John Stott, Between Two Worlds: The Art of Preaching in the Twentieth Century, p.325

(7) Denis Donogue, On Eloquence, p.3

(8) Ibid., p. 148

(9) Ibid., p. 136 emphase ajoutée

(10) « Le rejet le plus énergique d’éloquence que je connaisse vient de Christ:« Arrière de moi, Satan.» Ibid., p.143

(11) John Wilson, «Stranger in a Strange Land: On Eloquence»

(12) « Le sage, le bien né et le puissant incarnent la classe dans laquelle les sophistes sont venus et à laquelle ils ont contribué à perpétuer un système éducatif élitiste qui a souligné l’art de la rhétorique. Étant donné que le grand péché du mouvement sophiste était celui de la vantardise… Paul répéta l’interdiction de Jérémie au sujet de ne pas se vanter de la sagesse, du prestige et de l’exploit, qui s’avère le premier texte dans cette critique du mouvement sophiste corinthien. » Bruce Winter, Philo and Paul among the Sophists: Alexandrian and Corinthian Responses to a Julio­ Claudian Movement.. 2° éd., p. 253-254

(13) Par exemple, 1 Corinthiens 1.25 est éloquent pour sa valeur consciemment frappante lorsqu’il réfère positivement à « la folie de Dieu » et à« la faiblesse de Dieu».

(14) « Il existe… quarante-deux références aux « sophistes » dans Philo, sans compter cinquante-deux références qui s’y apparentent, et de nombreux commentaires sur le mouvement sophiste. » Winter, Philo and Paul, p.7. « Il ne peut y avoir aucun doute… que les sophistes et leurs étudiants étaient proéminents à Corinthe et jouaient un rôle important dans la vie de la ville. » Ibid., p.140

(15) Winter, Philo and Paul, p. 7-9 donnent six sources pour notre connaissance du mouvement sophiste dans Corinthe.

(16) Ibid., p. 141

(17) Ibid., p. 144, note 16

(18) Ibid., p. 253

(19) « Le grand péché du mouvement sophiste était sa vantardise. » Ibid.

(20) Citation de John Stott; Between Two Worlds: The Art of Preaching in the Twentieth Century, p. 325

(21) Harry Stout,The Divine Dramatist, p.228

(22) Ibid.

 

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Originally published in English under the title: Édition originale en langue anglaise : ls there Christian Eloquence? Clear Words and the Wonder of the Cross by John Piper

This translation published by arrangement with Traduit et publié avec la permission de ©  Desiring  God Website: desiringGod.org

Traduction: Révision: Mise en page :

Chantal Duguay Louise Denniss

Aristide Therrien / AGS SEMBEQ

ISBN 978-2-923614-16-8

Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec, 2009 Dépôt légal • Bibliothèque nationale du Canada, 2009

© Publié en juin 2009, par : ÉditionsSEMBEQ

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