Expérimenter Dieu (Vincent Lemieux)

La discipline perdue de la communion avec Dieu – Partie 1

La communion avec Dieu : bien plus qu’une bonne théologie

Je suis conscient que le titre de l’article peut en faire sourciller plusieurs et je ne cache nullement que c’est mon intention. Pour beaucoup, lorsqu’ils lisent une expression semblable à « expérimenter Dieu », c’est précurseur d’une théologie douteuse saupoudrée d’une emphase démesurée sur les expériences subjectives plutôt que sur la vérité objective de Dieu, c’est-à-dire la Bible. Pour d’autres, c’est avec un grand alléluia qu’ils liront le titre de cet article, se disant qu’enfin, il y a quelqu’un pour démontrer que la Bible n’est pas la chose la plus importante pour le chrétien ! Après tout, vivre des choses extraordinaires avec le Seigneur, c’est ça qui compte vraiment…

À vrai dire, aucune de ces deux réactions fictives ne décrit quelles sont mes intentions. Les lecteurs comprendront plus loin pourquoi j’utilise une telle expression, mais dès maintenant, je tiens tout de même à préciser que je ne veux en aucun cas prôner un sensationnalisme évangélique déjà bien trop répandu dans la francophonie. Ce n’est pas ce que j’entends par expérimenter Dieu. Mais vous verrez que mes propos invitent aussi à fuir l’intellectualisme tout aussi environnant qui rabaisse Dieu et la vie chrétienne à un sujet d’étude. 

Mais tout d’abord, pourquoi débuter une série d’articles sur la communion du croyant avec Dieu ? Parce que malheureusement, je fais le même constat qu’a déjà fait J. I. Packer : 

« Quand les chrétiens se rencontrent, ils se parlent de leur travail chrétien et de leurs intérêts chrétiens, de leurs connaissances chrétiennes, de l’état des Églises et des problèmes de théologie, mais rarement de leur expérience quotidienne de Dieu. Les livres et les magazines chrétiens modernes contiennent beaucoup de choses sur la doctrine chrétienne, les normes chrétiennes, les problèmes de conduite chrétienne, les techniques du service chrétien, mais peu sur les réalités intérieures de la communion avec Dieu. Nos sermons contiennent beaucoup de doctrine solide — mais peu de choses sur la conversation entre l’âme et le Sauveur. Nous ne passons pas beaucoup de temps, seuls ou ensemble, à nous émerveiller du fait que Dieu et les pécheurs communient tout simplement ; non, nous tenons cela pour acquis, et pensons à d’autres questions. Ainsi, il est clair que la communion avec Dieu est une petite chose pour nous. » (1)

Est-ce que ces paroles décrivent bien le christianisme qui vous entoure ? Je suis persuadé que oui. C’est ce que j’ai pu moi-même remarqué. Quand avez-vous, pour la dernière fois, entendu un frère vous témoigner comment le Seigneur avait été doux et bon pour son âme durant sa lecture de la Parole ? Pour être sincère, j’ai personnellement déjà vécu cela durant une période. 

La communion avec Dieu : une expérience d’intimité avec Dieu

Alors, est-ce que la communion avec Dieu est une petite chose pour nous ? Par communion, je ne parle pas de notre union ou de notre réconciliation avec Dieu — ceci nous est gratuitement donné sur la seule base de la vie, de la mort, de la résurrection et de l’ascension du Seigneur Jésus-Christ pour son peuple. Par et en Christ, le peuple de Dieu est uni à Dieu. Cette union avec Dieu ne vacille jamais et ne pourra jamais être détruite (Jn 10.28-29 ; Hé 7.25). Par communion, j’entends plutôt cette expérience avec Dieu qui nous est maintenant possible par cette réconciliation (j’en reparlerai dans le prochain article). Je parle de notre relation d’intimité et de notre sentiment de proximité avec Lui. 

Est-ce que la présence de Dieu est une réalité dans votre vie ? 

Alors, est-ce que cette intimité avec le Christ est de première importance pour nous ? Laissez-moi poser la question d’une manière différente : est-ce que la présence de Dieu est une réalité dans notre vie ? Je sais qu’en lisant cela, certains de mes amis réformés répondent, avec justesse : « Dieu est toujours et partout présent ! » C’est vrai, pardonnez-moi. Mais lorsque je parle ainsi, je ne veux pas savoir si je connais dans mon cerveau et si je peux écrire sur un bout de papier que Dieu est omniprésent et qu’ainsi, la présence de Dieu est une réalité incontestable dans ma vie. Lorsque je parle de la réalité de la présence de Dieu, je parle d’une véritable et profonde expérience d’intimité avec Dieu. 

Je parle de ces moments où vous recherchez sa face et que sa paix et sa joie surabondent dans vos cœurs. Je parle des moments où vous lisez et méditez la Parole et où Dieu ouvre les yeux de votre cœur sur la gloire et la majesté de son inexplicable éternité, au point que vous avez littéralement le souffle coupé sans pouvoir exprimer quoi que ce soit en pensée ou en parole pendant de nombreuses minutes. Je parle de ces moments où le Seigneur devient plus réel pour vous que tout ce que vos yeux physiques voient. Je parle de ces moments où, alors que vous suppliez le Seigneur de vous aider car vous vous sentez incapable de prêcher les Écritures en raison de votre faiblesse physique et spirituelle, il répond à vos nombreux cris et soupirs en vous remplissant d’une force nouvelle pour servir.

Je parle de ces moments où vous ressentez tellement la joie de Dieu que vous êtes capable de dire avec sincérité : « Ô Seigneur, fais de moi ce que tu veux ! » ; de ces moments où vous percevez quelque chose de l’infinie beauté de la gloire de Dieu, au point que toutes les choses de ce monde pâlissent à Sa lumière ; de ces moments où la sainteté de Dieu devient si réelle à votre esprit, que vous n’osez même pas dire un mot et que l’idée d’enlever vos souliers vous paraît maintenant faire tout son sens !

Une discussion ouverte avec le Père

Cependant, je reconnais que le quotidien de la vie chrétienne n’est pas fait de ces moments qu’on pourrait qualifier de plus extraordinaires (dans le sens de non ordinaires). C’est pourquoi je ne limite pas l’expression « expérimenter Dieu » à ces choses. Je parle aussi de toutes ces journées où, sans vivre d’expériences semblables, votre vie est tout simplement une discussion ouverte avec le Père. Autant dans les joies de ses diverses grâces que dans les contritions de votre péché, vous vous adressez au Seigneur, puis vous l’écoutez. Je parle aussi de ces nuits où vous vous réveillez inquiet pour votre projet, mais que votre premier réflexe est de faire connaître vos besoins à Dieu en lui rendant grâce, en vous confiant dans sa souveraineté, et en recevant sa paix surabondante en Jésus-Christ (Phil 4.6-7).

Je parle de ces moments où vous sortez de chez vous, levant les yeux au ciel, rappelant à votre cœur que le Créateur est au contrôle de tout, puis marchant assuré que votre Berger vous conduit. Je pense à ces moments où vous savez que vous êtes exactement là où Dieu désire que vous soyez. Oui, je parle de tous ces sentiments qui habitent, humilient, réjouissent, rassurent, brisent et édifient celui qui a un sens réel de la présence de Dieu dans sa vie quotidienne. Je répète donc ma question : est-ce que la présence de Dieu est une réalité dans votre vie ? 

L’homme a été créé pour expérimenter la bonté de Dieu

Et là, je peux presque entendre certaines objections et inquiétudes : « Vincent, ne trouves-tu pas que tu parles trop d’expérience ? Nous nous sommes toujours fait dire que la vie chrétienne n’est pas basée sur des expériences. » C’est entièrement vrai que la vie chrétienne n’est pas « basée » sur des expériences. Amen ! Comme j’ai écrit plus haut, notre vie est basée sur la personne de Dieu, sur la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ , et sur les paroles incorruptibles de l’Écriture ! Mais je vous supplie, frères et sœurs, ne croyez pas que la vie chrétienne n’est pas une expérience pour autant ! Pensons-nous vraiment que Dieu a créé l’homme pour qu’il sache seulement de façon cognitive que le Créateur est bon, sans toutefois faire l’expérience de cette bonté ? Que Dieu nous garde d’une telle chose ! L’homme, au contraire, a été créé pour qu’il expérimente continuellement cette bonté objective. 

En fait, les lecteurs sérieux de la Parole de Dieu savent que l’idée même de connaître Dieu sans avoir une réelle relation avec Lui est condamnée. Par exemple, nous lisons en Deutéronome 28.47 :

« Parce que tu n’as pas servi l’Éternel, ton Dieu, avec joie et de bon cœur… tu serviras tes ennemies que l’Éternel enverra contre toi » (emphase ajoutée).

Jean Calvin, en commentant ce passage, écrit :

« Dieu nous menace de choses terribles si nous ne sommes pas heureux. »

Si donc l’Éternel élève si sérieusement la joie — un sentiment qui découle d’une véritable expérience de vie avec Dieu (la joie faisant partie du fruit de l’Esprit, Ga 5.22) — au niveau du commandement, cela n’indique-t-il pas qu’une connaissance purement intellectuelle du Seigneur n’est pas ce qu’il désire ? L’apôtre Paul, plusieurs siècles après Moïse, enseigne aux chrétiens de l’Église de Philippe de façon similaire :

« Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le répète, réjouissez-vous » (4.4).

Vivre de véritables expériences avec Dieu

Ne croyons pas que le Père a envoyé son Fils dans le monde afin d’être offert en sacrifice propitiatoire pour la rédemption de son peuple, dans le but que nous vivions notre vie dans ce siècle et le prochain en traitant Dieu comme un thème à étudier. Frères et sœurs, Dieu est vivant ! Il n’est pas une idée, un concept ou une philosophie : il est une personne. Certes, l’Éternel est une personne divine, spirituelle et éternelle, mais il demeure une personne. Ce qui veut dire que Dieu a une volonté, des pensées, des émotions (divines et non pas humaines), et que d’avoir une véritable relation avec Lui implique aussi de vivre de véritables expériences avec Lui. 

Voilà ce que je crois que nous avons perdu ! Voilà ce que je crains pour la prochaine génération de jeunes qui sont passionnés par la théologie : qu’ils sachent tous placer leurs points sur les « i » et leurs barres sur les « t », qu’ils soient capables d’expliquer parfaitement la doctrine de Dieu de façon systématique, qu’ils connaissent les réformateurs et les puritains de manière quasi exhaustive, mais que tout cela soit seulement une bonne théologie, sans aucune profonde et authentique communion avec le Dieu de leurs études.

Jeunes hommes, lisez les vieux théologiens du temps de la Réforme, lisez réellement les puritains. Lisez l’apôtre Paul, Jean, Luc. Lisez les prophètes, lisez les Psaumes et David, et dites-moi encore que la vie chrétienne n’est pas faite d’expériences ! N’imitez pas seulement la doctrine des puritains, ou de Spurgeon, ou de Paul Washer, ou de John Piper : imitez aussi leur piété ! Ce n’est pas parce que vous pouvez écrire sur un bout de papier tous les attributs de Dieu que vous connaissez Dieu.

Dieu ne veut pas être étudié comme un sujet scientifique

Dieu veut qu’on se réjouisse en Lui. Qu’on s’attende à Lui. Qu’on espère en Lui. Qu’on le cherche et qu’on le trouve. Il veut que nous soyons remplis de sa force, de sa sagesse, de sa sainteté, de son amour, de son calme, de sa joie, de sa bonté. Il veut que nous soyons éblouis par la beauté de sa gloire. Et ce n’est pas l’école biblique qui apporte nécessairement cela.

Ne laissez pas votre héritage être volé par certains groupes de personnes qui prétendent être chrétiens, comme ceux qui se disent saouls de l’Esprit et qui aiment crier sans aucun ordre, tomber par terre ou se livrer à des extravagances charnelles, mais qui, après cette expérience, retournent chez eux sans une plus grande crainte de Dieu, sans de plus grandes dispositions à la sainteté, sans un amour plus sincère qui se sacrifie pour les autres, en disant : « Dieu a vraiment été présent ce soir ! » Laissez-moi vous dire que ce n’est pas parce que certaines personnes utilisent le nom de Dieu à tort et à travers, et qu’ils appellent leur manque de maîtrise et leurs débordements « présence de Dieu », qu’il n’y a pas d’expériences authentiques de la présence de Dieu. Ne laissez pas votre héritage vous être volé !

La connaissance de Dieu

Un jour, un missionnaire a comparé deux sortes de connaissance de Dieu, et j’aimerais utiliser l’illustration qu’il a donnée :

Vous savez, le médecin de mon épouse Caroline connaît bien Caroline. Il connaît son nom, son âge, son poids, son alimentation, le nom de ses enfants. En fait, il connaît même mieux que moi comment fonctionne son corps. Imaginez, il en sait plus que moi sur le fonctionnement physique de mon épouse ! Mais qui pensez-vous d’entre nous deux connaît réellement Caroline ? Je vous garantis que c’est moi. Pourquoi ? Parce que même si le médecin connaît certains faits et certaines vérités sur Caroline, et qu’il comprend même mieux que moi le fonctionnement de son corps et de son cerveau, moi je ne connais pas seulement des choses sur Caroline, je connais Caroline. J’ai une relation avec elle. Je vis avec Caroline. On vit ensemble et on vit les choses ensemble. Contrairement à son médecin, je pourrai dire que moi je fais l’expérience de Caroline. La différence entre les deux façons de connaître est aussi éloignée l’une de l’autre que le soleil est éloigné de la terre. 

De quelle manière connaissons-nous le Seigneur Jésus-Christ ? Dieu ne veut pas seulement que nous possédions une saine et vraie intelligence concernant qui Il est. Lisez attentivement le début du Psaume 63 :

« Ô Dieu ! Tu es mon Dieu ; je te cherche au point du jour ; mon âme a soif de toi, ma chair languit après toi, dans une terre aride et altérée, sans eau, pour voir ta force et ta gloire, comme je t’ai contemplé dans le lieu saint. Car ta bonté est meilleure que la vie ; mes lèvres te loueront. Ainsi je te bénirai durant ma vie, j’élèverai mes mains en ton nom. Mon âme est rassasiée comme de moelle et de graisse, et ma bouche te louera avec des lèvres qui chantent de joie » (63.1-5).

Avez-vous l’impression que ce que l’auteur du Psaume désire est que Dieu lui donne uniquement de l’information ? Bien sûr que non. L’auteur désire la présence du seul qui peut réellement satisfaire son âme ! La réalité de la présence de Dieu, la désirez-vous dans votre vie ? Voulez-vous connaître intimement Dieu ? Désirez-vous avoir une communion et une expérience plus constante de qui Il est pour vous dans le Christ Jésus ? 

J’écris ces articles parce que c’est premièrement le fardeau que j’ai pour ma propre vie. Je ne veux pas désirer et rechercher de fausses expériences extatiques qui n’ont rien à voir avec les exemples bibliques et les exemples des hommes et des femmes que Dieu a utilisés durant l’histoire de l’Église. Mais je ne veux pas non plus savoir sans savourer, connaître sans expérimenter, expliquer sans me réjouir.

En d’autres mots, je ne veux pas que ma relation avec Dieu soit du sensationnalisme ou de l’intellectualisme, mais qu’elle soit biblique. Et mon fardeau est le même pour l’ensemble de l’Église, afin que nous ne connaissions pas seulement la bonne doctrine, mais que nous expérimentions aussi la bonne doctrine, de sorte que nous ayons une adoration toujours plus grande envers Dieu, un désir toujours plus grand de voir sa gloire, une plus grande sainteté dans nos vies, un plus grand respect de sa Parole, une plus grande joie dans toute circonstance, une plus grande puissance contre le péché, une plus grande passion pour la mission et l’évangélisation et un plus grand amour pour l’humanité.

C’est pourquoi, dans les prochains articles, je tenterai de déterminer de quelles manières nous pouvons réellement et concrètement expérimenter Dieu

Que Dieu se glorifie dans un peuple passionné pour sa gloire en Jésus ! Amen !


  1. J. I. Packer, A Quest for Godliness: The Puritan Vision of the Christian Life, réimpr., Wheaton, Ill., Crossway, 2010, p. 215, trad. libre.