La condition spirituelle de l’homme (Pascal Denault)

Rien n’est plus triste que l’état spirituel de l’homme naturel après la chute. Jésus pleura devant l’endurcissement et la méchanceté du coeur humain… L’homme ne devient pas pécheur parce qu’il pèche, mais il pèche parce qu’il est pécheur. Le péché est héréditaire (Ps 51.7) et ce mal remonte à la chute d’Adam (Rm 5.12). Le péché a amené une séparation entre Dieu et l’homme. L’homme est méchant parce qu’il est séparé de Dieu et il est sous la puissance de la mort. La mort détruit les oeuvres de Dieu : le mariage, la sexualité, la famille, la vie, le bien-être, la santé, la paix, la joie, la société, l’être humain. Ultimement, le pécheur est condamné à la seconde mort (Ap 21.8).

Nous voyons la laideur du péché autant dans des subtilités que dans des énormités. La méchanceté du coeur se manifeste par les pensées haineuses, orgueilleuses ou dédaigneuses qui surgissent à tout moment et nous envahissent. Aucun homme n’est libre de la méchanceté que son coeur conçoit. Le mal dont l’homme est capable est terrifiant. L’homme est capable de tuer ses propres enfants, ou de trahir ses plus intimes par pure avarice ou en recherchant son plaisir. L’homme commet des atrocités, seul ou en groupe, et se rend complice des exactions monstrueuses des autres en fermant ses yeux ou en croisant ses bras. Nous sommes tous salis par ce mal d’une manière ou d’une autre, car il existe une solidarité dans le péché qui nous rend collectivement responsables devant Dieu.

« Nous sommes tous comme des impurs, Et toute notre justice est comme un vêtement souillé ; Nous sommes tous flétris comme une feuille, Et nos crimes nous emportent comme le vent. »
Es 64.6

Mort spirituellement

Alors que j’écris ces lignes, je viens de rencontrer en prison un homme incarcéré depuis plus de vingt-cinq ans. Après avoir tué, sa conscience est venue l’accuser et depuis il porte la honte de son péché et il n’arrive pas à comprendre comment il a pu faire une telle chose. La gorge serrée et les larmes aux yeux je lui ai lu ce passage : « Le coeur est tortueux par-dessus tout, et il est méchant : Qui peut le connaître? » (Jr 17.9). Je lui ai ensuite parlé de la justice divine et de la mort de Christ pour nos horribles péchés, mais il fut incapable de saisir l’Évangile, d’y croire et d’être soulagé du poids de son péché : cet homme est mort spirituellement et il est incapable par lui-même de comprendre l’Évangile (1 Co 2.14).

L’Écriture ne nous dit pas que l’homme est spirituellement malade et sur le point de mourir. Si l’homme était simplement malade, il n’aurait besoin que de soins pour guérir. L’Écriture nous dit que l’homme est mort et qu’il a besoin d’une résurrection que seul Dieu peut lui accorder. Être mort spirituellement ne signifie pas que tous les hommes sont aussi méchants qu’ils peuvent l’être et qu’ils sont incapables de toute forme de « spiritualité » ou de faire quelque bonne action. La Bible décrit la mort spirituelle en ces termes :

Vous étiez morts par vos offenses et par vos péchés, dans lesquels vous marchiez autrefois, selon le train de ce monde, selon le prince de la puissance de l’air, de l’esprit qui agit maintenant dans les fils de la rébellion. Nous tous aussi, nous étions de leur nombre, et nous vivions autrefois selon les convoitises de notre chair, accomplissant les volontés de la chair et de nos pensées, et nous étions par nature des enfants de colère, comme les autres.
Éphésiens 2.1-3

Raisonnement obscurci

Les non-chrétiens ont aussi une moralité et une conscience ; par contre, ils sont morts. Être mort signifie être séparé de Dieu et être dans le camp du prince de ce monde. Cela se caractérise par la manière de vivre et de penser qui est emprisonnée sous l’empire du péché. « C’est du coeur que viennent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les impudicités, les vols, les faux témoignages, les calomnies. » (Mt 15.19) Les trois parties du coeur : l’entendement, l’affection et la volonté, sont infectées par le péché :

Vous ne devez plus marcher comme les païens, qui marchent selon la vanité de leurs pensées. Ils ont l’intelligence obscurcie, ils sont étrangers à la vie de Dieu, à cause de l’ignorance qui est en eux, à cause de l’endurcissement de leur coeur. Ayant perdu tout sentiment, ils se sont livrés à la dissolution, pour commettre toute espèce d’impureté jointe à la cupidité. (Ep 4.17-19)

L’entendement, l’affection et la volonté sont endurcis, obscurcis, étrangers et impurs. L’homme ne raisonne pas bien ; il appelle le bien mal et le mal bien. L’homme moderne pense qu’il est bien d’avoir le choix de tuer un enfant dans le ventre de sa mère et qu’il est mal de ne pas avoir ce choix. Par hypocrisie, il méprise les peuples du passé comme de sanguinaires barbares, se pensant lui-même civilisé alors que ses mains sont tachées de sang innocent. Il en est ainsi parce que la raison déchue refuse de se soumettre à Dieu, elle revendique l’autonomie de son jugement et elle ne cesse de modifier ou de rejeter coupablement les données de la révélation (Rm 1.18).

Aveugle et esclave

L’affection de l’homme est aussi enchaînée au mal. « L’affection de la chair est inimitié contre Dieu, parce qu’elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, et qu’elle ne le peut même pas. » (Rm 8.7) L’homme aime le péché, il aime ses convoitises, il préfère son plaisir à Dieu (2 Tm 3.4). Parfois il réalise qu’il aime la perversion, mais il n’y peut rien. Le coeur de l’homme est incapable d’aimer Dieu. Il aime les dieux qu’il se fabrique avec ses mains ou avec son intelligence et il les confond avec le vrai Dieu (Rm 1.22-25).

Finalement, la volonté de l’homme, elle aussi, est incapable de quelque bien spirituel et d’obéissance : « Il n’en est aucun qui fasse le bien, Pas même un seul. » (Rm 3.12) Cela signifie qu’il n’y a aucun bien que l’homme puisse faire qui soit entièrement pur, car tout ce qui sort de lui vient d’un coeur pécheur ; même en faisant le bien il commet aussi le mal. L’homme ne veut pas connaître Dieu et il ne cherche pas Dieu. « Ils ne se sont pas souciés de connaître Dieu » (Rm 1.28) ; « Nul ne cherche Dieu » (Rm 3.11), et ceux qui disent chercher Dieu et vouloir le connaître ne cherchent pas le vrai Dieu, mais un dieu à leur image, un dieu qui leur plaît.

Parce qu’il est mort, l’homme se trouve dans une totale incapacité pour voir la vérité. Ses pensées sont aveuglées de sorte qu’il ne peut comprendre l’Évangile et y croire. « L’homme animal [naturel] ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est spirituellement qu’on en juge. » (1 Co 2.14) Certains pensent que le problème épistémologique est objectif, alors qu’en réalité il est radicalement subjectif. Autrement dit, si l’homme ne connaît pas la vérité ce n’est pas faute de lumière, mais c’est parce qu’il est aveugle. Le problème s’aggrave du fait que l’homme ne peut pas savoir qu’il est aveugle jusqu’à ce qu’il recouvre la vue et réalise son aveuglement comme l’écrit John Newton dans l’hymne Amazing Grace :« J’étais aveugle, mais maintenant je vois! »

De l’espoir

L’homme ne peut pas se convertir de lui-même, et pourtant, il est coupable de ne pas se convertir. Les croyants de tendance arminienne font le raisonnement suivant : si l’homme doit se convertir, il peut le faire ; si l’homme est incapable de se convertir, il n’est pas coupable de ne pas le faire. Pourtant, aucun homme n’a la capacité de ne pas pécher, mais n’est pas moins coupable de son péché. Charles Spurgeon, celui qu’on surnomme le prince des prédicateurs, écrit :

Que l’homme doive être capable de croire et de se repentir pour pouvoir être responsable de son incrédulité et de son impénitence est une conception philosophique qu’on ne retrouve nulle part dans l’Écriture ; en fait l’Écriture enseigne expressément le contraire, si la responsabilité devait être mesurée par la capacité, alors cela signierait que plus un homme est pécheur, moins il est coupable de son péché!

Aucun homme ne peut éviter cette condition pécheresse ; même ceux qui naissent dans une famille chrétienne sont spirituellement morts. L’Écriture ne présente pas un libre arbitre, mais un esclavage spirituel : « vous étiez esclaves du péché » (Rm 6.20). L’esclavage est l’antithèse de la liberté. Laissé à lui-même, l’homme ne reviendra jamais à Dieu. C’est pourquoi la grâce du Seigneur est absolument nécessaire pour renverser la condition de l’homme et le libérer. Qui peut donc être sauvé?

« Aux hommes cela est impossible, mais à Dieu tout est possible. »
Mt 19.26


Cet article est tiré du livre Solas : la quintessence de la foi chrétienne de Pascal Denault