La confession soulage la conscience (William Edgar)

La religion est souvent une illusion

Avant de répondre aux objections des athées, il est important de reconnaître un point sur lequel ils ont raison – savoir que la religion est souvent une illusion. Tristement, nous possédons, les êtres humains, le don de l’auto‑illusion. On arriverait à se faire croire presque n’importe quoi. Les alcooliques, par exemple, arrivent à se convaincre eux‑mêmes qu’ils n’ont pas de problème et qu’ils peuvent facilement refuser un verre. C’est par le déni que se crée leur illusion. N’est‑ce pas la même chose avec les personnes religieuses, y compris les chrétiens ? Ne nous arrive‑t‑il pas souvent d’aller à l’église, de prier et de prendre les sacrements sans foi réelle ? Si oui, nous sommes « religieux » sans être « chrétiens ». 

L’un des avertissements les plus récurrents dans les Écritures concerne ceux qui pensent plaire à Dieu par leur religion, mais qui en réalité ne lui plaisent pas. Le prophète Amos rapporte les dures paroles de Dieu dénonçant le culte d’Israël : 

« Je hais, je méprise vos fêtes, je ne puis sentir vos assemblées » (Am 5.21). 

Notre Seigneur lui‑même nous avertit qu’au dernier jour, nombreux seront ceux qui étaleront la liste de leurs actes religieux et qu’il leur répondra : 

« Je ne vous ai jamais connus, retirez‑vous de moi, vous qui commettez l’iniquité » (Mt 7.23). 

Les dangers de l’idolâtrie

Non seulement n’avons‑nous pas besoin que Feuerbach, Marx et Freud nous mettent en garde contre les dangers de l’idolâtrie, mais leurs propres idées proviennent, indirectement, de la critique biblique de l’idolâtrie. Il devient donc évident que même ceux qui se trouvent dans l’Église peuvent se leurrer eux‑mêmes par ce genre de tromperie, tout comme ceux qui se trouvent en dehors, et cela peut prendre plusieurs formes. Par le passé, on a pu témoigner de la rationalisation théologique de l’esclavage, de la domination coloniale et de l’assujettissement des femmes, entre autres. Presque toute doctrine peut être sortie de son contexte pour nourrir l’injustice. 

En utilisant les idées chrétiennes de providence, de diversité et de patience, certains ont non seulement justifié le traitement injuste de différents groupes minoritaires, mais ils se sont aussi, selon la métaphore de Marx, « drogués » jusqu’à se faire croire à eux‑mêmes qu’il s’agit de la volonté de Dieu.

À qui l’illusion ? 

Ce n’est qu’après avoir confronté honnêtement la religion déformée au moyen de la critique biblique de l’idolâtrie et des attaques des athées réfléchis que nous pourrons découvrir la fausseté qui réside dans l’athéisme lui‑même. C’est là que se situent les points faibles et il faut mettre le doigt dessus. Le point faible le plus significatif des athées est leur refus d’admettre qu’ils ont aussi un préjugé religieux. Quand on qualifie la religion d’anthropologie, d’opium, d’illusion ou de terrorisme, l’accusation peut aller dans l’autre sens. Comment peut‑on être sûrs que les athées n’entretiennent pas non plus une illusion ? N’importe qui peut prétendre être objectif et juger les autres en fonction de sa vision du monde. Mais d’où vient cette objectivité ? N’est‑elle pas basée sur une sorte de religion tout comme la vision du monde théiste ? 

Ce dilemme est exposé vers la fin du livre de Freud L’avenir d’une illusion, dans une section révélatrice. S’il a raison et que la religion est une illusion, alors qu’est‑ce qui garantit que sa propre vision ‒ la vérité de la « science » ‒ n’est pas une illusion elle‑même ? Reconnaissant cette ironie, Freud déclare : « Mais je tempérerai mon zèle et j’admettrai que peut‑être moi‑même, je poursuis une illusion. » Il ajoute avec empressement qu’en attendant la preuve de sa thèse, il décide ‒ c’est révélateur ‒ qu’il mettra sa confiance dans le « dieu logos » qui un jour libérera l’humanité du servage de la religion. Dans la littérature athée, ce passage constitue un moment extraordinaire. Non seulement Freud ne peut pas échapper à un engagement religieux, mais son langage est de manière flagrante théologique ! 

La stratégie de divulgation 

Par la tactique de la divulgation, nous découvrons que les arguments avancés pour défendre l’idée selon laquelle la foi serait une projection peuvent retomber sur la tête de celui qui les avance. Il ne s’agit pas ici d’une simple contradiction qui se réfute elle‑même ; la stratégie de divulgation est une fois de plus basée sur l’assurance du point de contact. Comme nous l’avons dit, tout le monde est religieux, qu’il le souhaite ou non. Les athées recourent à un dieu qui les aide à repousser la révélation du vrai Dieu auquel ils sont confrontés tous les jours. Leur dieu peut servir à les préserver du désespoir ou leur permettre d’atteindre l’épanouissement dans un monde difficile à comprendre. Mais c’est tout de même un dieu, construit, comme toutes nos idoles, dans la même « fabrique d’idoles » qu’est le cœur humain.

Le fardeau de la preuve repose sur l’athée qui doit démontrer pourquoi la science est objective et constitue la vérité faisant autorité et pourquoi la religion est une illusion. En réalité, comme Freud a commencé à l’entrevoir, la science peut être la plus grande béquille qui soit.

De la même manière, pour répondre aux constats radicaux de Foucault, Derrida et de ceux qui croient que la vérité opprime, nous pouvons humblement commencer par leur demander si leur philosophie n’est pas elle‑même illusoire. Tout comme Freud, nombre de déconstructivistes les plus radicaux se doivent d’en appeler à quelque chose de positif, quelque chose de quasi religieux, pour remplacer ce qu’ils ont foulé au pied. Le critique Richard Rorty défend de manière convaincante les études de textes en les qualifiant de thérapies, comme un moyen pratique de sortir des affres de la critique. Derrida se fait le porte‑étendard de l’éthique qu’il voit comme un nouveau moyen d’éviter le désespoir littéraire.

Le retour au pays

La prochaine étape ‒ le retour au pays ‒ c’est de montrer que même si on peut interpréter la religion comme étant opprimante ou illusoire, toute croyance n’est pas invalide par le fait même. Le mauvais usage d’une chose ne rend pas tous les usages illégitimes. Par exemple, le fait que plusieurs groupes ou sectes citent des passages bibliques hors de leur contexte ne rend pas la Bible invalide.

De la même façon, la présence de besoins et de désirs illusoires ne signifie pas que tous les besoins et tous les désirs sont mauvais. L’appétit pour Dieu est tellement répandu parmi les êtres humains à travers le monde entier qu’il constitue plutôt une indication que Dieu existe plutôt que le contraire. Ne soyons pas embarrassés par nos attentes et aspirations religieuses comme s’ils représentaient autant de signes de faiblesses. Ils sont plutôt la marque de notre dignité, nous qui sommes faits à l’image de Dieu.

L’attente profonde qui caractérise les êtres humains ne s’oppose pas à la foi chrétienne

C. S. Lewis souligne le fait que l’attente profonde qui caractérise les êtres humains ‒ la soif d’un autre monde, de sens et de valeur ‒ ne s’oppose pas à la foi chrétienne, mais serait compatible avec sa vérité. La soif d’un monde au‑delà est sans doute un indice de son existence. Notre espérance en une vie après la mort est une empreinte de sa réalité.

Bien sûr, de tels appétits peuvent représenter plusieurs facettes. Soyons honnêtes quant à nos motivations. Les doutes concernant l’existence de Dieu sont enfouis sous toutes sortes de couches qui peuvent assombrir notre compréhension. Certaines personnes peuvent douter de la bonté de Dieu parce qu’elles ont eu un père cruel, parce qu’elles n’ont pas confiance en leurs perceptions ou parce qu’elles tentent d’échapper à leurs engagements.

Tout pointe vers Dieu

Aussi complexe que puisse être notre incertitude, il y a, si la foi chrétienne est vraie, quelque chose de profondément fâcheux à douter de la présence de Dieu. Malgré d’apparentes contradictions, les preuves militent en faveur de sa réalité et de sa bonté. Tout pointe vers Dieu, du monde au moi, des cultures du monde à la Bible. Nous avons besoin des « raisons du cœur », la foi qui cherche à comprendre, afin de le trouver complètement et d’interpréter correctement la connaissance que nous possédons déjà.


Cet article est tiré du livre : Le cœur a ses raisons de William Edgar