La conversion nationale des juifs (John MacArthur)

Ésaïe 53 est la confession que le peuple d’Israël fera lorsqu’il reconnaîtra et recevra enfin le Serviteur comme Messie. Jusque-là dans Ésaïe 53, la mort du Serviteur et ses bienfaits avaient été considérés du point de vue d’un Israël repentant. Ce point de vue se poursuit dans la première moitié de la strophe finale (verset 10 et première partie du verset 11).

Toutefois, dans la dernière partie de la cinquième strophe (la seconde moitié du verset 11 et le verset 12), il y a un changement de voix et de perspective. À partir du milieu du verset 11, il ne s’agit plus de la confession d’Israël qui se repent. Dieu prend maintenant la parole pour donner son verdict sur la souffrance et la mort du Serviteur. Le changement de pronom possessif dans l’expression « mon Serviteur » signale le changement de voix. C’est maintenant Dieu qui parle, et il affirme l’authenticité de la confession d’Israël.

Ainsi, c’est la voix de Dieu que nous entendons dans Ésaïe 52.1315 et 53.11,12, alors qu’il loue la fidélité de son Serviteur. Le passage situé entre ces deux déclarations est la partie qui prophétise la repentance future d’Israël.

Ce jour viendra assurément, car Dieu est fidèle. Toute la promesse de la nouvelle alliance (Jé 31.3136) est ponctuée de cette promesse : « Ainsi parle l’Éternel : Si les cieux en haut peuvent être mesurés, si les fondements de la terre en bas peuvent être sondés, alors je rejetterai toute la race d’Israël, à cause de tout ce qu’ils ont fait, dit l’Éternel » (Jé 31.37). En d’autres mots, il est tout aussi impossible que Dieu abandonne sa nation choisie qu’il l’est de mesurer l’infinité. L’apôtre Paul soulève explicitement cette question et y répond : « Je dis donc : Dieu a-t-il rejeté son peuple ? Loin de là ! Car moi aussi je suis israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin » (Ro 11.1). Le passage d’Ézéchiel 36.2238 est une longue promesse à Israël qui indique que Dieu n’en a pas encore fini avec eux en tant que nation. « Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères ; vous serez mon peuple, et je serai votre Dieu » (v. 28).

Paul a traité cette question en détail aux chapitres 9 à 11 de l’épître aux Romains. Vers la fin, il affirme que toutes les promesses de l’ancienne alliance faites à Israël seront accomplies. Tout comme les menaces et les malédictions résultant de leur apostasie ont été littéralement accomplies, les promesses de leur restauration en Terre promise le seront aussi :

Une partie d’Israël est tombée dans l’endurcissement, jusqu’à ce que la totalité des païens soit entrée. Et ainsi tout Israël sera sauvé, selon qu’il est écrit : Le libérateur viendra de Sion, et il détournera de Jacob les impiétés ; et ce sera mon alliance avec eux, lorsque j’ôterai leurs péchés (Ro 11.25-27).

Ce point n’est pas une invention récente de la doctrine chrétienne concernant les temps de la fin. Jésus lui-même a dit : « Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations, jusqu’à ce que les temps des nations soient accomplis » (Lu 21.24). Tout au long de l’histoire de l’Église, les théologiens, dont un grand nombre de la tradition réformée, ont enseigné que la nation d’Israël, « l’olivier franc, à plus forte raison eux seront […] greffés selon leur nature sur leur propre olivier » (Ro 11.24). Cela revient à dire qu’en fin de compte, ils abandonneront leur incrédulité, qu’ils reconnaîtront Jésus comme Messie et qu’ils hériteront de toutes les bénédictions des alliances d’Abraham et de David.

Ce point de vue a été enseigné par de nombreux pères de l’Église, dont Justin Martyr, Origène, Jean Chrysostome, Jérôme et Cyrille d’Alexandrie. Tertullien a écrit : « À son second avènement, [Christ] accordera son acceptation et sa bénédiction à la circoncision aussi, même la race d’Abraham, qui bientôt le reconnaîtra. (4) »

Le plus grand des théologiens des premiers siècles de l’Église, Augustin, a également affirmé sa conviction qu’Israël serait sauvé, un point de vue qui, a-t-il dit, était courant à son époque : « Il s’agit d’un sujet de conversation courant et que les fidèles ont à cœur, qu’aux derniers jours avant le jugement, les juifs croiront dans le vrai Christ, c’est-à-dire notre Christ, par l’intermédiaire du grand et admirable prophète Élie, qui leur expliquera la loi.(5) »

Thomas d’Aquin, le plus influent (et probablement le meilleur) des théologiens catholiques romains du Moyen Âge, croyait également qu’Israël en tant que nation serait sauvé. Il estimait qu’à la fin des temps, « le reste d’Israël sera converti(6) ». Il a écrit : « De même que par la chute des juifs, les païens qui avaient été ennemis ont été réconciliés, de même, après la conversion des juifs à l’approche de la fin du monde, une résurrection générale aura lieu au cours de laquelle les hommes se relèveront d’entre les morts pour passer à la vie éternelle(7) », et aussi : « l’aveuglement des juifs durera jusqu’à ce que tous les païens choisis pour le salut aient accepté la foi. Cela est conforme aux paroles de Paul… sur le salut des juifs, à savoir qu’après la conversion des païens, tout Israël sera sauvé(8) ».

Le théologien le plus doué parmi les formidables réformateurs, Jean Calvin, a écrit ce qui suit dans ses commentaires sur Ésaïe 59.20 :

Paul cite ce passage (Ro 11.26) pour montrer qu’il reste toujours un espoir parmi les juifs, bien que l’on puisse déduire, en raison de leur obstination insurmontable, qu’ils avaient été rejetés et condamnés à la mort éternelle. Cependant, puisque Dieu n’oublie jamais son alliance et que « les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » (Ro 11.29), Paul conclut avec justesse qu’il est impossible qu’il n’y ait finalement aucun reste qui vienne à Christ et qui obtienne le salut qu’il a acquis. Ainsi, les juifs doivent enfin être rassemblés avec les païens, de telle sorte qu’il « y aura un seul troupeau » regroupant les deux sous la direction de Christ (Jn 10.16)(9).

La Bible de Genève en anglais était la Bible des premiers réformateurs anglais. Cette version était la plus influente avant la King James et comprenait des notes rédigées par plusieurs des principaux théologiens protestants de l’époque. Les notes sur Romains 11.24-25 étaient, en partie, les suivantes :

Il [Paul] parle de toute la nation, et non d’une partie seulement… L’aveuglement des juifs n’est ni universel au point où le Seigneur n’aurait aucun élu dans cette nation, ni continu, puisque le temps viendra où eux aussi (comme l’ont prédit les prophètes) accepteront réellement ce qu’ils, pour la plupart, rejettent et refusent actuellement si obstinément.

Un grand nombre des puritains anglais et américains, dont John Owen, Thomas Manton, John Flavel, William Perkins, Thomas Boston, Increase Mather et Cotton Mather, estimaient également qu’une conversion d’Israël en tant que nation surviendrait.

Jonathan Edwards, considéré par beaucoup comme le plus grand théologien américain, a dit avec franchise : « Rien n’est prophétisé plus certainement que cette conversion nationale des juifs au onzième chapitre de Romains. Nous trouvons également dans l’Ancien Testament de nombreux passages qui ne peuvent être interprétés que dans ce sens.(10) » John Gill, théologien baptiste anglais du dix-huitième siècle, croyait en « la conversion des juifs et en leur établissement dans leur propre terre(11)». Il a écrit :

La conversion des juifs… suivra la destruction de l’Antéchrist… Un grand nombre de prophéties parlent de leur conversion : comment ils seront nés en même temps, non pas dans un sens civil où ils seraient établis comme nation, mais plutôt dans un sens spirituel, ils seront nés de nouveau d’eau et d’esprit. Elles disent aussi comment ils seront amenés à une profonde conviction de péché et à une parfaite compréhension de celui-ci, et ils se lamenteront à ce sujet, en particulier du péché de leur rejet obstiné du vrai Messie et de leur incrédulité continue envers lui ; comment ils seront conduits et avanceront avec des lamentations et des supplications, et chercheront l’Éternel leur Dieu, et David leur roi, le Messie, et le recevront et se soumettront à lui, en se joignant aux églises chrétiennes et en se soumettant aux ordonnances de Christ. Tout cela sera universel ; tout Israël sera sauvé, toute la nation naîtra soudainement. Pour ce moment, ils ont été gardés pendant de nombreux siècles comme un peuple distinct, sans être reconnus ni amalgamés parmi les nations, malgré leur dispersion parmi celles-ci, ce qui est dans la providence de Dieu une chose merveilleuse, et qui montre pleinement que Dieu a de grandes choses à faire pour eux et par eux(12).

Charles Hodge, l’un des principaux théologiens presbytériens du dix-neuvième siècle, a écrit : « Le deuxième grand événement qui, selon la foi commune de l’Église, doit précéder le second avènement de Christ, est la conversion nationale des juifs.(13) »

Dans un sermon intitulé « La moisson et la vendange », Charles Spurgeon parle en ces termes de la future conversion de la nation d’Israël :

Il est certain que les juifs, en tant que peuple, auront Jésus de Nazareth, le fils de David, comme roi, et qu’ils retourneront à leur propre terre, où ils rebâtiront les anciennes ruines, ils redresseront les anciennes désolations, répareront les anciennes villes, les désolations de beaucoup de générations(14).

J. C. Ryle, contemporain de Spurgeon, a également exprimé sa conviction qu’Israël serait un jour restauré :

Il me semble toujours que, tout comme nous prenons littéralement les textes prophétisant que les murs de Babylone seront détruits, nous devrions aussi prendre littéralement ceux qui prophétisent que les murs de Sion seront reconstruits et que, comme les juifs ont été littéralement dispersés selon la prophétie, les Juifs seront aussi littéralement rassemblés selon la prophétie(15).

Des théologiens contemporains tels que Geerhardus Vos, George Eldon Ladd, John Murray, William Hendriksen, R. C. Sproul, Millard Erickson et Wayne Grudem ont eux aussi enseigné qu’aurait lieu une future conversion de la nation d’Israël.

Lorsque ce jour viendra, le peuple juif verra celui qu’il aura percé et changera l’opinion qu’il se faisait de lui. Ils avaient estimé qu’il était frappé de Dieu et affligé parce qu’il était un pécheur blasphématoire. Cependant, par la suite, ils comprendront qu’en réalité, ce qui lui est arrivé servait à payer pour leurs transgressions, qu’il a portées sur lui (2 Co 5.21), pour restaurer et guérir spirituellement les pécheurs.


Cet article est tiré du livre : L’Évangile selon Dieu de John MacArthur


(4) Tertullien, The Five Books Against Marcion, 5.9, trad. libre, dans The Ante-Nicene Fathers, A. Roberts et J. Donaldson, éd., 10 vol., Grand Rapids, Mich., Eerdmans, 1951, vol. 3, p. 448.

(5) Augustin, La Cité de Dieu, 20.29, trad. libre, dans The Nicene and Post-Nicene Fathers, Philip Schaff, éd., 14 vol., New York, Scribners, 1887, vol. 2, p. 448.

(6)  Thomas d’Aquin, Summa Theologica, trad. libre, New York, Cosimo, 2007, vol. 2, p. 1072.

(7) Thomas d’Aquin, Épître aux Romains, trad. libre.

(8) John Y. B. Hood, Aquinas and the Jews, trad. libre, Philadelphie, University of Philadelphia Press, 1995, p. 77. L’extrait est traduit du commentaire latin sur Romains de Thomas d’Aquin.

(9) Jean Calvin, Commentary on the Book of the Prophet Isaiah, trad. libre, 4 vol., Édimbourg, Calvin Translation Society, 1853, vol. 4, p. 269.

(10) Jonathan Edwards, A History of the Work of Redemption, trad. libre, Worcester, Mass., Thomas & Whipple, 1808, p. 487.

(11) John Gill, A Complete Body of Doctrinal and Practical Divinity, trad. libre, 3 vol., Londres, Ridgway, 1796, vol. 2, p. 155.

(12) Ibid.

(13) Charles Hodge, Systematic Theology, trad. libre, New York, Scribner’s, 1884, vol. 3, p. 805.

(14)  Charles Spurgeon, The Metropolitan Tabernacle Pulpit, trad. libre, 63 vol., Londres, Passmore & Alabaster, 1904, vol. 50, p. 553.

(15)  J. C. Ryle, « Watch! », dans Coming Events and Present Duties, trad. libre, Londres, William Hunt, 1879, p. 19.