La crainte de l’avenir (Martyn Lloyd-Jones)

« Car ce n’est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de sagesse. » 2 Timothée 1:7

Les manifestations de la dépression spirituelle varient à l’infini. Le diable se montre subtil et peut même se transformer en ange de lumière. De manière égale, il se montre implacable et n’abandonne jamais la partie. Peu importent ses méthodes, si seulement il parvient à nous vaincre et à discréditer l’œuvre de Dieu. Il ne respecte aucune logique et n’hésite pas à changer son approche, à contredire même ses propos précédents. Son seul et unique objectif consiste à anéantir le nom et l’œuvre de Dieu, surtout dans le domaine du salut en Jésus-Christ.

L’œuvre destructrice de Satan

Lors de la création du monde, Dieu déclara que son œuvre était parfaite : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait et voici, cela était très bon » (Genèse 1:31). Par jalousie et méchanceté, le diable décida alors de ruiner cette œuvre et concentra surtout ses efforts sur son chef-d’œuvre, l’homme. Si seulement il réussissait à l’abattre, il aurait mutilé l’apogée de la création. Aussi, il s’attaqua à la femme, la séduisit et, à son tour, elle entraîna son mari dans sa chute.

Mais l’histoire de l’humanité ne s’arrête pas là. Dieu conçut un plan exceptionnel de rédemption, signe de sa gloire infinie. La rédemption apparaît comme une œuvre de loin supérieure à la création, surtout si nous considérons que Dieu la réalise en envoyant son Fils ici-bas pour mourir sur la croix. Il peut ainsi racheter et restaurer l’homme déchu et pécheur, et la création elle-même suivra. Satan attaque désormais les héritiers du salut pour parvenir à ses fins. Rien ne lui plaît tant que de les déprimer, les rendre malheureux et leur donner l’impression du caractère imaginaire de leur salut, comme s’ils suivaient des fables habilement conçues.

Le diable essaie de nous décourager en nous poussant à nous concentrer sur le passé. S’il n’y parvient pas, il s’arrange alors pour nous faire redouter le futur. Examinons donc le cas de ceux dont la dépression fait sa proie par crainte de l’avenir.

La crainte de l’avenir

L’adversaire produit très souvent cet état chez les mêmes personnes par l’emploi de méthodes diamétralement opposées. Quand leur vue du passé reprend son aplomb, ces personnes commencent à parler de l’avenir et se laissent ainsi envahir de nouveau et paralyser dans le présent par la dépression. Désormais convaincus du pardon de Dieu, même concernant ce péché particulier de leur passé, ils savent que Dieu leur restituera « les années dévorées par la sauterelle ». Mais ils commencent alors à évoquer leurs craintes concernant l’avenir. L’Écriture comporte un grand nombre d’enseignements à cet égard mais Timothée présente l’exemple type de cette condition. Il souffrait de cette crainte et l’apôtre Paul lui adressa ces deux épîtres précisément pour l’aider dans ce domaine.

Les causes

Un tempérament craintif

Pourquoi certains ressentent-ils ces craintes ? Quels sont les aspects particuliers de ce problème et les troubles qu’il produit ? La première cause réside dans le tempérament. Nous naissons tous différents, avec des caractéristiques propres, des points forts et d’autres faibles. Dieu a conçu l’être humain avec grande délicatesse et précision. Nous présentons tous les mêmes caractéristiques générales, mais leurs proportions varient de façon considérable d’un cas à l’autre. Ainsi, nos tempéraments diffèrent.

La conversion n’élimine pas les différences de tempérament

Aucun changement ne se révèle certes plus fondamental que celui de la régénération, mais même cette œuvre de Dieu par laquelle il implante dans l’âme le principe d’une vie spirituelle et divine ne modifie en rien le tempérament humain. En devenant chrétiens, nous ne cessons nullement de vivre avec nous-mêmes, et cela jusqu’à la mort. Paul reste le même homme après sa conversion. Pierre est toujours Pierre, Jean toujours Jean, par le tempérament et les caractéristiques essentielles.

Voici où apparaît la gloire de la vie chrétienne. La même variété existe dans la création, comme le prouve par exemple la diversité des fleurs. Pas deux espèces ne présentent les mêmes particularités. Par la variété présente au sein d’une même entité fondamentale, Dieu déploie les merveilles de ses desseins. Tous les chrétiens sont différents et cette réalité constitue l’un des fleurons de l’Église. Dieu distribue ses dons par le Saint-Esprit de diverses manières, mais notre personnalité propre demeure inchangée après la conversion.

Comme chrétiens, nous devons certes tous accomplir certaines tâches fondamentales, mais nous le faisons de façon différente. Par exemple, des prédicateurs présentent le même Évangile de façon différente et Dieu s’en sert pour atteindre différentes sortes d’auditeurs. Certaines personnes possèdent un tempérament prompt à s’effrayer. Paul lui-même était de tempérament inquiet et manquait de confiance en soi sur le plan naturel. Il se rendit à Corinthe « dans un état de faiblesse, de crainte, et de grand tremblement » (1 Corinthiens 2:3). Il paraissait doté d’une nature timorée, en proie aux « luttes au dehors » et aux « craintes au dedans » (2 Corinthiens 7:5) et la même caractéristique se retrouve chez Timothée.

Un grand nombre de personnes naissent avec ce type de tempérament. D’autres, par contre, n’ont peur de rien et se lancent dans mille et un projets. Certains n’arrivent pas à parler en public, d’autres au contraire n’y éprouvent aucune difficulté. On trouve dans l’Église ces deux types de gens avec un tempérament fondamentalement très différent. Celui-ci influe donc énormément dans cette forme de dépression.

Une optique idéaliste

D’autres aspects émergent parmi ces gens en proie à la crainte de l’avenir. Ils se révèlent par exemple extrêmement idéalistes à l’égard de la vie chrétienne et mesurent combien il est difficile de la vivre. Ils comprennent qu’il ne s’agit pas simplement de se convertir puis de se croiser les bras. Ils voient cette vie comme une vocation élevée, un combat pour la foi. Très souvent intelligents, ils comprennent par la lecture du Nouveau Testament quelle est la grandeur de leur tâche et de leur vocation. Malheureusement, cette compréhension se mue très vite en dépression : conscients de leur faiblesse, ils craignent d’échouer et de manquer à leur devoir en rapport avec Jésus-Christ et l’Église.

Une imagination puissante

D’autres personnes se laissent paralyser par une crainte générale de l’avenir et de la souffrance dans des circonstances peu vraisemblables. Après la lecture de récits concernant la fidélité de chrétiens sous la persécution, la mère d’un enfant de trois ans s’estimait indigne de se considérer chrétienne : elle ne pouvait pas dire si, le cas échéant, elle abandonnerait son enfant pour ne pas renier le Seigneur.

Or, elle ne s’était jamais trouvée devant un tel choix et elle ne le serait peut-être jamais mais l’idée même suscitait en elle la dépression. Des craintes d’un avenir purement imaginaire peuvent produire cet état.

Ces personnes deviennent souvent incapables de toute action dans le présent. De toute évidence, Timothée souffrait de ce problème. Paul était en prison et Timothée commença à s’interroger sur ce qui pouvait lui arriver. Si on exécutait Paul, comment lui, Timothée, ferait-il face seul aux difficultés qui surgiraient dans l’Église et à la persécution naissante ? Aussi, Paul dut se montrer très ferme avec lui :

« N’aie donc point honte du témoignage à rendre à notre Seigneur, ni de moi son prisonnier. Mais souffre avec moi pour l’Évangile, par la puissance de Dieu » (2 Timothée 1:8).

Oui à la réflexion ; non à l’inquiétude

Il faut d’abord distinguer où est la frontière entre prévoyance légitime et appréhension paralysante. Vivre au jour le jour sans penser à plus loin serait insensé. L’Écriture nous exhorte à ne pas nous inquiéter du lendemain (Matthieu 6:34), mais cette parole n’encourage pas l’insouciance, sinon le cultivateur ne labourerait ni ne sèmerait jamais. Il lui faut penser à l’avenir, mais il ne passe pas tout son temps à se soucier des résultats de son travail. Le secret consiste à réfléchir à l’avenir sans s’en inquiéter afin de ne pas sombrer dans une anxiété paralysante.

« Chaque chose en son temps », dit même la sagesse populaire, reprenant la parole biblique : « Le lendemain aura soin de lui-même. À chaque jour suffit sa peine. » Le Nouveau Testament l’applique de façon spirituelle mais ce principe relève du simple bon sens. Comme se morfondre du passé, s’inquiéter de l’avenir revient à perdre son temps. Il faut vivre au maximum dans le présent et ne permettre ni à l’avenir ni au passé de l’hypothéquer.


Cet article est tiré du livre : La dépression spirituelle de Martyn Lloyd-Jones