La dynamique du paradoxe spirituel de Jésus (Douglas Bookman)
Après dix-huit mois de ministère en Galilée, alors que l’opposition s’était considérablement accrue et que le temps était manifestement compté, Jésus a appelé à lui les douze hommes qu’il avait mandatés comme apôtres. Il leur a donné le pouvoir de faire des miracles comme preuve de leur mandat et les a envoyés ensuite avec la mission suivante : « Allez, prêchez, et dites : Le royaume des cieux est proche » (Mt 10.7). Anticipant les difficultés que ses apôtres allaient rencontrer, le Seigneur les a armés d’une promesse aussi énigmatique que bénie. Cette promesse était paradoxale. Elle était à la fois le principe directeur le plus sommaire de l’univers moral tel que Dieu l’a défini et la plus grande pierre d’achoppement pour les mortels (car ils tiennent à définir cet univers moral selon des perspectives limitées et des valeurs humaines déformées). Quelle était cette promesse paradoxale ? « Celui qui conservera sa vie la perdra, et celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera » (Mt 10.39).
Une phrase nommée à de nombreuses reprises
À trois autres reprises, Jésus a proclamé ce principe dans les Évangiles. Quelques semaines après avoir mandaté les apôtres, le Seigneur s’est rendu avec eux dans une région éloignée appelée Césarée de Philippe. Là, il leur a dit pour la première fois que les autorités juives allaient le faire beaucoup souffrir et qu’il allait mourir (16.21). Les disciples étaient horrifiés. Suite à cette révélation attristante, Jésus les a avertis qu’eux aussi devaient être prêts à prendre une croix, à renoncer à eux-mêmes et à le suivre (Mt 16.24 ; Mc 8.34 ; Lu 9.23). Dans le cadre de ce défi, Jésus a dit :
Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera (Mc 8.35).
De nouveau, au cours de son dernier voyage à Jérusalem pour la fête de la Pâque, Jésus a affronté ses opposants, les Pharisiens, en leur donnant cet avertissement énigmatique :
Celui qui cherchera à sauver sa vie la perdra, et celui qui la perdra la retrouvera (Lu 17.33).
Enfin, au cours de la dernière semaine pascale, Jésus s’est adressé à « quelques Grecs » qui le recherchaient. Anticipant sa propre mort imminente, Jésus a dit :
Celui qui aime sa vie la perdra, et celui qui hait sa vie dans ce monde la conservera pour la vie éternelle (Jn 12.25).
Lors de quatre occasions différentes, au moins, devant trois publics différents, notre Seigneur a prononcé cette parole difficile. Pour les humains limités que nous sommes, elle est difficile à comprendre : ces mots sont paradoxaux au mieux, absurdes au pire. Mais c’est, en fait, ce qu’a dit le Sauveur lui-même et ce sont des paroles qui communiquent une vérité centrale à son enseignement sur l’art de réussir sa vie.
Perdre la vie, trouver la vie
Pour comprendre la promesse du Christ, tout vient des deux nuances du mot « vie1 ». Jésus avertit que quiconque veut sauver sa vie (sa vie temporelle, matérielle) la perdra (perdra la bénédiction éternelle). Il promet que quiconque est prêt à perdre sa vie (sur le plan temporel) pour le Sauveur trouvera, en fait, la vie (sur le plan de ce qui est important éternellement). En effet, Hort a insisté sur le fait que cette formule paradoxale « tire son sens de ce que les hommes appellent “vie” et qui n’est pas vraiment la vie : “celui qui voudra sauver sa ‘vie’” (c’est-à-dire la vie au sens strict) perdra sa vraie “vie” (c’est-à-dire la vie au sens le plus noble du terme)2 ». Morison admet cette distinction et paraphrase cet avertissement ainsi : « En s’accrochant à l’ombre, il perd infailliblement la réalité3. »
Ce paradoxe n’est donc qu’apparent parce que les gens ne comprennent pas ce qui constitue la vraie vie. Ils sont pleinement convaincus que la vie consiste dans ce que quelqu’un possède. Or, Jésus a dit que ce n’était pas le cas (Lu 12.15). Ils vivent dans l’illusion que pour être satisfait, il faut atteindre ses objectifs, jouir d’une bonne réputation, exercer un grand pouvoir et accumuler d’abondantes richesses. Jésus, lui, a simplement dit que la personne qui apprend à avoir faim et soif de justice est bénie, parce que cette personne sera comblée (c’est-à-dire satisfaite, Mt 5.6). Les individus insensés, qui se sont persuadés que le bonheur et le contentement doivent se trouver dans le monde présent, sont contraints, par la force de leur logique abominable, à fixer le regard sur ce monde.
Chercher la gloire de Dieu plutôt que nos désirs
La dynamique du paradoxe spirituel de Jésus nous contraint cependant à chercher la gloire de Dieu plutôt que la satisfaction de nos désirs. Cette éthique désintéressée a une raison d’être qui, pour celui qui a la foi est toute simple, mais pour l’homme naturel, est insondable ; qui, pour celui qui est mû par l’Esprit, est convaincante, mais pour celui qui est contrôlé par la chair, est révoltante. Cette raison d’être est tout simplement que « celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera ! ». En d’autres termes, la seule façon de trouver une vie féconde et heureuse est de se donner à Dieu (« à cause de moi ») et aux autres (« à cause de l’Évangile »).
Certains diront que cette éthique recèle un égocentrisme latent, et que le fait de donner sa vie en vue de la retrouver n’est que de l’égoïsme. Mais cet argument repose sur l’idée erronée que Dieu est mécontent si les gens sont heureux, que Dieu veut qu’ils soient malheureux et que, par conséquent, il est moralement inacceptable que quelqu’un aspire ou recherche le bonheur.
En fait, Dieu est un Dieu bon et aimant. Son ardent désir est de satisfaire l’âme de ses créatures et il leur en donne la possibilité. La Bible témoigne de manière univoque que le cœur de Dieu aspire à ce que chaque personne trouve le bonheur. En effet, Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son propre Fils afin de donner une paix qui comble l’âme. Ce n’est pas le désir de contenter l’âme qui est mauvais, mais celui de la satisfaire aux dépens des exigences de Dieu et des mandats qu’il a confiés. Dieu prend un plaisir incommensurable en ceux qui décident de lui obéir et qui, grâce à cette obéissance, connaissent la paix qui transcende la compréhension humaine.
- F. J. A. Hort, Expository and Exegetical Studies, [Études textuelles et exégétiques], trad. libre, Grand Rapids, Kregel Publications, 1987, p. 122.
- Ibid., trad. libre.
- J. Morison, A Practical Commentary on the Gospel According to St. Matthew [Commentaire pratique de l’Évangile selon Matthieu], trad. libre, Minneapolis, Klock and Klock, 1981, p. 291.
Cet article est tiré du livre : Introduction au counseling biblique de John MacArthur.