La masculinité est en crise. Une opportunité pour l’Église (Timothée Davi)

Un article a retenu mon attention cette semaine. Ce dernier est intitulé : « Crise de la masculinité : ce nouveau phénomène qui traverse l’Occident » par Eugénie Bastié. C’est un excellent article sur un phénomène somme toute à la fois récent et pourtant si dévastateur.

Je me dois d’être honnête avec vous, entre le travail, la maison et autres, je n’ai pas eu le temps de vous produire un résumé de l’article en question. Cependant, je pense que sa lecture est importante et je vous propose de le reproduire ici dans son intégralité. Ne vous inquiétez pas, je conclurai tout de même avec une analyse chrétienne à la fin (sous le sous-titre «Le commentaire»). Voici ce fameux article :

« L’Occident a perdu foi dans la masculinité » : c’est le titre d’une conférence de l’universitaire canadien Jordan Peterson, inconnu il y a deux ans, devenu, selon le New York Times, « l’intellectuel le plus vénéré et plus injurié » d’Internet. Ce professeur de psychologie doit son succès à ses passes d’armes à la télévision avec des militantes féministes dont il démonte implacablement l’argumentaire, notamment sur les inégalités salariales. Le succès planétaire de Peterson (des millions de vues sur YouTube) est révélateur d’un phénomène qui passe au second plan, tant l’attention est retenue par la révolution « MeToo » : celle d’une inquiétude de plus en plus partagée autour de la masculinité des hommes occidentaux. Derrière la vague d’indignation contre une domination masculine qui serait encore visible à travers le harcèlement sexuel, se cache une autre vérité : celle d’un déclassement généralisé du mâle.

Le thème est en vogue au pays des gender studies. En 2006, le professeur américain spécialiste de Tocqueville et de Machiavel, Harvey Mansfield, avait publié un essai, Manliness, dans lequel il tentait de définir les contours et la positivité de la virilité dans une société occidentale de plus en plus neutre. Le livre consterna l’intelligentsia new-yorkaise mais fit des émules. Notamment le site The Art of Manliness, créé en 2008, qui prodigue conseils pratiques et théoriques (de « comment réparer soi-même ses essuie-glaces » à « comment savoir si une femme vous aime ») pour « être un homme » à des millions de visiteurs.

Le succès de ce site américain a inspiré Julien Rochedy, ancien président de la section jeunesse du Front national, qui vient de créer Major, une plateforme adressée au public français. Barbe impeccablement taillée, cheveux gominés, t-shirt noir seyant, sur fond de bibliothèque, le trentenaire explique face caméra, d’une voix posée, les « dix pensées que les hommes doivent connaître ». « Pendant des siècles et des siècles, les hommes ont cherché à devenir des hommes, bon, ça s’est arrêté il y a peu, mais pendant des siècles ça a été comme ça. » Pour enrayer cette « décadence », le jeune homme vient de lancer cette plateforme. On y trouve des posts de blog – « pourquoi les hommes doivent tenir l’alcool », « quand frapper en cas d’agression » -, mais aussi une offre payante, la session « alpha », composée de vidéos et de fiches philosophiques fortement imprégnées de nietzschéisme.

La tragédie de Toronto

Mansfied, Peterson et, dans une moindre mesure, Rochedy sont la version chic et structurée d’une réaction masculiniste qui prend parfois des atours plus primitifs : on la retrouve dans les bandes dessinées de l’auteur à succès Marsault, qui prône une virilité décomplexée et violente – tatouages, crânes rasés et fusils à pompe -, chez le blogueur « Papacito », créateur de « fils de la pute de la mode », ou autres disciples plus au moins rebelles du polémiste antisémite Alain Soral, premier à avoir conspué dans ses vidéos la « féminisation » du monde et la « misère du désir ». Cet imaginaire culmine dans la culture « alt-right » qui s’exprime beaucoup sur Internet où des « trolls » fustigent des « cucks », ces « hommes qui cherchent sans cesse l’approbation des femmes ». Cette culture peut prendre parfois un tour tragique et criminel. Le 23 avril 2018, à Toronto, Alek Minassian, 25 ans, a fauché au volant de sa Chevrolet blanche dix personnes, dont huit femmes. Membre des Incels, un groupe de célibataires involontaires, il avait affiché sur Facebook sa volonté de tuer un maximum de « Chad et de Stacy », noms que donnent ces jeunes hommes frustrés aux beaux gosses des deux sexes.

Ces réactions masculinistes marginales font système avec un discours féministe militant sur une masculinité « toxique » qu’il conviendrait d’épurer, parfois doublé d’une tonalité carrément revancharde (« Il est temps que les hommes fassent l’expérience de la minorité » a, par exemple, affirmé récemment Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice). Mais il ne faudrait pas réduire le débat à cette dialectique outrancière. Le sentiment le plus général est celui d’un malaise diffus : la difficulté de plus en plus grande qu’ont les hommes occidentaux à trouver leur place dans une société de plus en plus égalitaire. Ce malaise inspire de nombreuses publications et controverses, aussi bien aux États-Unis qu’en France. Ainsi le 21 mai dernier, au Théâtre de l’Œuvre, à Paris, l’essayiste Natacha Polony organisait une table ronde au titre évocateur : « Le mâle, une espèce menacée ? », en présence de la chercheuse Olivia Gazalé, auteur du Mythe de la virilité, de l’essayiste Peggy Sastre et du psychiatre Jean-François Bezot. « Ce sujet m’a été inspiré par tout ce que j’ai vu ces derniers temps, c’est-à-dire tous ces hommes transparents lors des débats autour de l’affaire Weinstein. J’avais une forme de pitié pour ces hommes obligés de faire amende honorable, de s’excuser d’être des hommes, de se proclamer féministes », explique Natacha Polony.

La désindustrialisation profite aux femmes

« On ne peut être indifférent au changement anthropologique en train de se jouer sous nos yeux : la nouvelle place des hommes, dans un monde où la séparation en deux sexes a perdu son caractère d’évidence », analyse Marcel Gauchet, qui a consacré le dossier du 200e numéro de la revue Débat à cette question brûlante du « masculin en révolution ». « L’attention publique se concentre très normalement sur la montée en puissance des femmes à tous les niveaux, ou sur les inégalités persistantes dont elles sont victimes. Mais comment cette “révolution du féminin” pourrait-elle ne pas affecter l’autre sexe ? La mutation n’est pas moindre de ce côté-là. La masculinité est passée d’un système d’évidences à une mise en doute systématique. »

« Le phénomène le plus massif et généralisé est celui de l’éducation avec un effondrement scolaire des jeunes garçons et leur désinvestissement complet des études », souligne le sociologue. Un point de vue que partage l’essayiste Laetitia Strauch-Bonart qui, dans un livre percutant – Les hommes sont-ils obsolètes ? – diagnostique le déclassement masculin à l’aide de nombreuses études chiffrées. Elle raconte l’histoire d’« un sexe qui, en perdant ses privilèges, a peut-être perdu sa raison d’être ». En effet, les hommes ont perdu le contrôle de la procréation, sont en retard dans les salles de classe, et la force physique qui était leur apanage n’a plus d’utilité sociale. En France, le retard des garçons de 15 ans est de trois quarts d’année scolaire en moyenne en « compréhension de l’écrit ». Dans l’OCDE, cet écart atteint trois ans entre un garçon issu des classes populaires et une fille issue des catégories supérieures. Ce retard à l’école se poursuit dans le monde du travail : si, pour le moment, des écarts subsistent en défaveur des femmes, la tendance lourde est celle d’un déclassement des hommes. La désindustrialisation et l’avènement de l’économie du savoir profitent aux femmes. En France, le taux d’emploi des hommes a baissé de 82,3 % à 76,3 % entre 1997 et 2016, alors que celui des femmes est passé de 66,6 % à 69,2 %. Elles sont 49 % à être diplômées de l’enseignement supérieur contre 39 % chez les garçons.

Des injonctions paradoxales

Cette montée en puissance des femmes pose un problème à certains hommes. C’est le thème du roman de Patrice Jean, L’Homme surnuméraire (Rue Fromentin). Son héros, Serge Le Chenadec, est un quadra ordinaire qui prend la mesure de son inutilité auprès de sa femme et de ses enfants. Le monde n’a plus besoin de lui : de sa calvitie, de son boulot d’agent immobilier, de ses billets pour une soirée en famille au cirque. Ces laissés-pour-compte de l’extension du domaine de la lutte peuplent les romans de Michel Houellebecq, décrivant la misère sexuelle du mâle blanc abandonné. « Tout comme le libéralisme économique sans frein, et pour des raisons analogues, le libéralisme sexuel produit des phénomènes de paupérisation absolue », dit l’un de ses personnages. « Le malaise masculin, c’est mon quotidien ! », confirme la sexologue Thérèse Hargot, qui reçoit dans son cabinet de nombreux hommes déboussolés. « Les rapports de pouvoir ne peuvent plus s’exercer dans la sphère publique, alors ils se rejouent dans la sphère intime et sexuelle. Pour beaucoup d’hommes, elle devient un lieu de revanche, explique-t-elle. La consommation de pornographie en est le signe le plus frappant. Je le constate aussi dans l’infidélité des femmes. Beaucoup ne désirent plus leurs hommes car ils sont dévirilisés. »

Les hommes se retrouvent face à des injonctions paradoxales : une virilité caricaturale, réduite à sa seule dimension sexuelle, est exacerbée, notamment dans la pornographie et le monde ultracompétitif de l’entreprise, tandis que le discours féministe domine partout ailleurs. C’est ce que la romancière Nancy Huston appelle la « virilité vrillée ». « Je trouve qu’on demande l’impossible aux hommes, confiait-elle au Figaro. On leur demande d’être forts et faibles, durs et attentionnés, puissants et sans pitié dans le monde du travail, et doux comme des agneaux à la maison. » Face à cette montée des exigences et l’absence de rites de passage vers le monde adulte (que constituaient une école verticale, l’église ou le service militaire), beaucoup d’hommes retardent leur entrée dans la paternité, voire la refusent. Cela débouche sur ce que l’enseignant Martin Dekeyser appelle, dans un article de Débat, « la nouvelle culture masculine de l’immaturité ». « L’entrée dans la vie adulte est devenue sensiblement plus difficile pour les jeunes hommes que pour les jeunes femmes », analyse-t-il. Ceux-ci se réfugient dans une culture jeune composée de dérision systématique, qui s’exprime principalement sur Internet ou dans les jeux vidéo. Ils tendent de s’évader, laissant la responsabilité du monde aux femmes, et en particulier aux mères.

Faut-il s’en inquiéter ? La crise de la masculinité occidentale n’est-elle qu’une réplique sismique de la révolution sexuelle, vouée à s’éteindre d’elle-même, ou bien fait-elle craindre un retour de bâton qui s’exprimerait dans l’exaltation d’une masculinité primitive ? Déjà, aux États-Unis, l’élection de Donald Trump, le « white angry man », peut être lue comme une forme de Nemesis du politiquement correct des campus américains. Elle n’a rien résolu de cet affrontement mais plutôt renforcé dans une triste guerre la surenchère féministe et le virilisme caricatural.

La masculinité selon Dieu

Que dire à ce sujet à partir d’une vision du monde chrétienne ?

Quel sujet et combien j’aimerai pouvoir l’analyser avec plus de profondeur pour/avec vous ! Je retiendrai et me limiterai à cette phrase :

« Les hommes se retrouvent face à des injonctions paradoxales : une virilité caricaturale, réduite à sa seule dimension sexuelle, est exacerbée, notamment dans la pornographie et le monde ultracompétitif de l’entreprise, tandis que le discours féministe domine partout ailleurs. »

Autrement dit, les dieux du monde occidental sécularisé, postmoderniste, néo-païen, etc. s’exclament : « Regarde ! Je mets aujourd’hui devant toi la virilité exacerbée, ou la castration systématique. » (version humoristique de Deutéronome 30.15)

« Tertium non datur ! » comme dirait les philosophes aristotéliciens. Il n’y a pas de troisième solution, semblerait-il. Soit vous battez votre femme, soit vous la laissez s’asseoir sur votre visage, semble-t-il nous dire.

Frères – et sœurs ! cela vous concerne autant que nous – il y a une troisième solution : être un homme en et selon Jésus-Christ.

D’une part, la Parole n’appelle pas les hommes à la passivité que les féministes voudraient. La Parole dresse l’image d’un homme leader, responsable, défenseur, « maître » de sa maison, etc. Les versets et exemples bibliques sont multiples et variés à ce sujet. Rappelons à ce niveau que Jésus n’est pas le faible androgyne que notre culture décrit parfois. Non. Notre Jésus, notre sauveur était ceint d’autorité et n’hésitait pas à durement discipliner ses disciples, reprendre avec rigueur intellectuelle ses opposants, soulignant les erreurs de logique ou de principe qu’ils faisaient, renverser les tables du temple, etc. En outre, sur un ton plus taquin, Jésus avait probablement les mollets d’un footballeur étant donné les kilomètres qu’il a parcourus durant son ministère. La passivité, l’androgynie et la féminisation des hommes sont des péchés. C’est une insulte contre le Créateur qui n’a pas fait les hommes de cette façon.

D’autre part, la Parole n’appelle pas les hommes à l’agressivité pécheresse qui caractérise certaines réactions à la féminisation de l’homme. La Parole appelle l’homme à manifester amour, humilité, sacrifice de soi, à penser à l’autre avant de penser à soi, gentillesse, etc. Encore une fois, les versets et exemples bibliques sont nombreux. Encore une fois Jésus, tout en étant si « viril », manifestait aussi un tel amour et une telle humilité. Son amour et son humilité étaient d’autant plus beau qu’il s’exprimait par le biais d’un homme « fort », « viril ». Ce n’est pas « faible » que de manifester ces caractéristiques, c’est biblique. L’agressivité et la virilité exacerbée de certains hommes sont des péchés aussi. C’est également une insulte contre le Créateur qui n’a pas fait les hommes de cette façon.

Le Créateur a fait l’homme à la fois fort, leader et fondation de sa maison, homme responsable dans les bras duquel la femme peut se réfugier, mais aussi amour, humble et empreint de sacrifice de soi. Seul cet équilibre, impossible à maintenir pour le monde, permet de ne pas dénaturer l’homme. Et, soyons francs mes sœurs, personne ne veut d’hommes dénaturés : les hommes comme les femmes.

Cette analyse est courte et j’aurai aimé avoir le temps de l’approfondir davantage tant le sujet est important, cependant si vous voulez lire davantage sur le sujet de la masculinité (et de la féminité) selon la Bible, je vous recommande de consulter le document appelé « La déclaration de Danvers » qui résume le plus possible la vision biblique de l’homme et de la femme dans toute sa complexité. C’est une vision dont notre monde a désespérément besoin.

Chers lecteurs, au fond « il n’y a plus ni homme ni femme, car vous êtes tous un en Jésus-Christ » comme le dit Galates 3.28. Cependant, tant que nous serons sur cette terre, nous serons et resterons hommes et femmes avec des rôles, des points forts et des points faibles différents : sachons honorer ce que notre Dieu a voulu. Il a voulu que l’homme soit tel que la Parole le décrit et nos contemporains ne peuvent que souffrir quand cette image est dénaturée et traînée dans la boue : que l’Église puisse être un refuge pour une masculinité libérée en Jésus-Christ !

Source :

« Crise de la masculinité : ce nouveau phénomène qui traverse l’Occident » par Eugénie Bastié, Le Figaro, publié le 27/06/2018 à 18:38, mis à jour le 03/07/2018 à 19:34.