La perfection est-elle possible ? (John MacArthur)
Si nous sommes morts au péché et libérés de son pouvoir, pouvons-nous avoir la maîtrise complète sur le péché ? Autrement dit, pouvons-nous vivre une vie sans péché au cours de notre existence terrestre ? La réponse courte : non. Cependant, beaucoup de croyants prêchent que la perfection sans péché est atteignable dans cette vie. Le concept est souvent appelé « l’entière sanctification ». Voici comment l’Église du Nazaréen l’explique dans ses articles de foi :
Nous croyons que l’entière sanctification est cet acte de Dieu, après la régénération, par lequel les croyants sont libérés du péché originel, ou dépravation, et amenés à un état de dévouement total à Dieu, où la sainte obéissance qui découle de l’amour est rendue parfaite.
Il est accompli par le baptême ou plénitude du Saint-Esprit et intègre en une seule expérience, la purification du péché dans le cœur et la présence constante et intime de l’Esprit Saint, équipant ainsi le croyant pour vivre et servir. L’entière sanctification est acquise par le sang de Jésus, et opérée instantanément par la grâce au moyen de la foi, précédée par la consécration entière ; et à cette œuvre et à cet état de grâce le Saint-Esprit rend témoignage.
Cette expérience est également connue sous différents termes représentant ses différentes phases, notamment, la « perfection chrétienne », « l’amour parfait », la « pureté du cœur », « le baptême ou plénitude du Saint-Esprit », « la plénitude de la bénédiction » et « la sainteté chrétienne. »
Nous croyons qu’il y a une distinction marquée entre un cœur pur et un caractère mature. Le premier s’obtient en un instant et est le résultat de l’entière sanctification ; cette dernière est le résultat de la croissance dans la grâce3.
Voilà beaucoup de mots pour dire ceci : après le salut, le croyant peut atteindre instantanément, de son libre arbitre par la foi, la sanctification qui élimine entièrement la réalité de l’état de dépravation totale. Cette conception nie que la sanctification est un processus vers la maturité. Elle soutient plutôt que la sanctification est une expérience instantanée par la foi qui se produit indépendamment de la maturité spirituelle.
Dans son excellent ouvrage Perfectionism (Le perfectionnisme), le grand théologien de Princeton, B. B. Warfield attribue à John Wesley l’origine de l’influence de la doctrine de l’entière sanctification. Le perfectionnisme, comme l’entière sanctification est aussi connue, est une composante essentielle de la théologie wesleyenne. Warfield poursuit et démontre que cette doctrine a donné naissance au mouvement de sainteté, qui accentue le besoin et l’objectif de l’entière sanctification dans la vie du croyant. Le mouvement de sainteté, à son tour, a généré plusieurs vagues de campagnes de réveil et de réunions de camp qui se sont échouées sur le rivage de l’Église sous plusieurs formes.
Bien qu’il existe plusieurs courants divergents, le principe invariable et fondamental est que la théologie perfectionniste dissocie la sanctification de la justification. De façon plus précise, la justification et la sanctification sont considérées comme deux dons de Dieu distincts. L’idée veut que la sanctification soit obtenue de la même manière que la justification, c’est-à-dire par un acte de foi en un seul instant plutôt que durant toute une vie. Il ne s’agit pas du même acte que la justification. Elle se produit plus tard, lors d’une expérience subséquente qui est considérée comme facultative, mais extrêmement souhaitable. La sanctification, en ce sens, est une deuxième œuvre de grâce.
Dans l’esprit de l’arminianisme qui sous-tend leur théologie, les systèmes perfectionnistes voient la justification ainsi que la sanctification comme précaires. Elles peuvent se perdre, ce qui fait de la sanctification un genre de prophétie autoréalisée : vous êtes libéré du péché uniquement si vous êtes libéré du péché. Votre piété perfectionnée doit être maintenue. Néanmoins, même si vous la perdez, vous pouvez la retrouver par un nouvel acte de foi. Par conséquent, l’atteinte de l’entière sanctification pourrait en fait être une troisième ou une quatrième œuvre de grâce, ou même une cinquantième. Mais lorsqu’elle se produit, elle est immédiate et complète. Jusqu’à ce qu’elle ne le soit plus.
La seule façon de survivre à un bouleversement aussi constant est d’ajuster la distance des bornes. En d’autres termes, les défenseurs de cette perspective redéfinissent le péché. Pour ceux qui croient au perfectionnisme, une chose pour être un péché doit être préméditée, intentionnelle et consciente. Rien d’autre ne correspond à leur définition du péché. Les péchés inconscients et non intentionnels sont considérés comme des « erreurs ». D’autres corrompent le langage de la Bible davantage en utilisant le mot « tentations » pour les décrire. Aussi longtemps qu’il ne s’agit pas de péchés, l’illusion de perfection demeure intacte.
Vous avez peut-être déjà entendu le nom Oneida. Aujourd’hui, c’est une compagnie de coutellerie populaire. Toutefois, il s’agit aussi d’une ville de l’État de New York dont l’histoire est beaucoup plus complexe et scabreuse. Elle était l’une des cinquante communes utopiques fondées au début du ministère du revivaliste Charles G. Finney au xixe siècle. Pendant trente ans, de 1849 à 1879, Oneida a pris de l’expansion jusqu’à compter plus de trois cents adeptes du perfectionnisme. Ils suivaient l’arminianisme de Finney et croyaient que la perfection était possible dans cette vie. Ils ont lancé plusieurs entreprises pour soutenir la commune, dont une compagnie de coutellerie qui opère encore aujourd’hui.
Or, en 1879, un secret scandaleux a fait surface : cette communauté qui déclarait avoir atteint l’amour parfait et la sanctification parfaite pratiquait le mariage communautaire. Chacun était disponible pour tous. Aussitôt que les enfants atteignaient la puberté, ils étaient intégrés dans cette orgie effroyable. Pendant des décennies, cette pratique abusive et d’autres encore se sont déroulées derrière les portes closes dans cette communauté perfectionniste qui se proclamait chrétienne. Toutes leurs actions étaient excusées par une vision terriblement diluée du péché.
Il en va de même pour toutes les variations du perfectionnisme : pour que leur théologie soit viable, les défenseurs du perfectionnisme doivent prendre des libertés avec la terminologie biblique. Ils sont obligés de redéfinir le péché et la sainteté pour accommoder la réalité.
Cet article est tiré du livre : La Bonne Nouvelle de John MacArthur