La prochaine innovation technologique satisfera-t-elle les aspirations de votre cœur ?

Cet article est tiré du livre : Dieu, la technologie et la vie chrétienne de Tony Reinke

L’attrait des nouvelles innovations

La technologie donne une impression de puissance, mais en réalité, elle est faible, trop faible pour satisfaire les désirs dans le cœur de l’humanité. Alors que Carl Sagan finissait de cartographier une possibilité multiplanétaire pour la survie de l’humanité, il l’a accompagnée d’une mise en garde : nous serons peut-être à l’abri de l’extinction de cette planète, mais pas à l’abri de nous-mêmes. Nous portons en nous une tendance à l’autodestruction, que ce soit sur terre, sur Mars, ou sur toute autre planète où nous choisirions d’habiter à l’avenir. « Si nous devenons ne serait-ce qu’un peu plus violents, un peu moins clairvoyants, un peu plus ignorants, et un peu plus égoïstes que nous ne le sommes déjà », prévient-il, « il est quasiment certain que nous n’aurons aucun avenir[1] ». Nous sommes centrés sur nous-mêmes. Nous ne sommes pas aisément satisfaits, en tout cas jamais par nos technologies.

Les choses éphémères scintillent à nos yeux davantage que les choses éternelles. Les innovations sont toujours plus attirantes que les perspectives anciennes. Les microprocesseurs et les téléphones intelligents élargissent la définition que nous donnons de l’être humain. Les outils nous en apprennent davantage sur nous-mêmes et nous permettent de nous exprimer plus complètement. Les outils technologiques ne sont pas comme des clés à molette ou des marteaux dont l’utilisation est limitée ; ce sont des outils pour nous découvrir et nous exprimer. Nos outils les plus puissants amplifient notre existence, nos aspirations et même nos amours. Pourtant, alors que nous adoptons ces nouvelles possibilités, un nouveau dilemme se présente à nous – et il est de taille.

Si le dilemme spirituel de l’ère de la technologie est profond, c’est parce que notre économie moderne est construite sur la fausse promesse selon laquelle les innovations sont la clé pour satisfaire les désirs de notre cœur. Kevin Kelly admet que « si nous sommes honnêtes, nous devons reconnaître que l’un des aspects des mises à jour sans fin et du renouvellement éternel du technium consiste à percer des trous dans notre cœur ». L’insatisfaction est programmée.

Un jour, il n’y a pas si longtemps que cela, nous (tous) avons décidé que la vie serait impossible sans téléphone intelligent ; une dizaine d’années auparavant, ce besoin nous aurait sidérés [remarque-t-il]. Aujourd’hui, nous nous mettons en colère si le réseau est lent ; avant, lorsque nous étions encore innocents, nous ne pensions jamais au réseau. Nous continuons de sortir des inventions qui créent de nouveaux désirs, de nouveaux trous qu’il faut bien remplir.

Selon lui, le mécontentement technologique n’est pas déshumanisant ; au contraire, il élargit notre humanité. Nos nouveaux outils nous façonnent un peu plus à l’image de ce que nous sommes. Ils nous étirent, nous développent. Mais ce faisant, ils ouvrent de nouveaux trous que nous devons combler. « L’élan technologique nous pousse à courir après la dernière nouveauté, qui s’évapore toujours à l’avènement de la prochaine dernière nouveauté. Ainsi, la satisfaction continue de nous glisser entre les doigts. » Comment sortir de ce cycle infernal ? Finalement, Kelly choisit de se tourner vers le technium pour « célébrer l’insatisfaction continuelle que la technologie engendre », parce que cette insatisfaction est « l’élément déclencheur de notre ingénuité et de notre croissance[2] ».

Les innovations technologiques sont déclenchées par l’insatisfaction qui nous ronge de l’intérieur. Nous ne sommes jamais satisfaits. Nous sommes toujours en quête de quelque chose de plus ou de meilleur, toujours prêts à adopter de nouvelles technologies dans l’espoir d’atteindre enfin l’épanouissement personnel. Mais nous n’y arrivons jamais. C’est une expérience déchirante que de voir un honnête homme lutter avec les déceptions de la technologie. Chaque nouveau cadeau de l’innovation promet de maximiser notre potentiel, mais cette promesse perce de nouveaux trous – crée de nouveaux besoins – qui doivent constamment être remplis de mastic technologique. Plus nous adoptons de technologies, plus nous avons de besoins, plus nous avons de trous, et moins nous sommes satisfaits… et plus nous voulons adopter de nouvelles technologies. Les actions de la technologie se nourrissent de cette insatisfaction ; pour l’âme humaine cependant, cela n’est rien de plus qu’une projection cauchemardesque tout droit sortie des pages de l’Ecclésiaste. Les innovations ne tiennent pas leurs promesses parce qu’elles ignorent Dieu de manière intentionnelle. Et tout effort scientifique ou technologique qui cherche à mettre Dieu de côté « devient son propre contraire, et désillusionne quiconque fonde ses attentes sur celui-ci[3] ». Les déceptions du monde de la technologie l’ont effectivement prouvé à maintes reprises. L’histoire nous donne deux exemples frappants de cette désillusion technologique : à la fin du XIXe siècle et dans la Silicon Valley du XXIe siècle. Cette désillusion existera toujours. Deux maux subvertissent le bonheur de l’homme : le premier consiste à ne pas considérer Dieu comme notre « source d’eau vive », et le deuxième à le remplacer par des promesses dernier cri tout juste élaborées par de simples êtres humains, des « citernes crevassées » dont les trous sont impossibles à réparer, et qui ne retiennent pas l’eau (Jé 2.13).

La technologie ne suffit jamais

En cherchant notre bonheur dans la dernière prouesse technologique de l’homme, nous partons du postulat (conscient ou non) que Dieu ne suffit pas. Le dernier outil à la mode promet de nous donner ce qui manque à notre identité. Dieu, lui, sait que cette promesse ne sera pas tenue. Nous sommes des âmes éternelles qui ne peuvent être satisfaites par les ambitions de l’homme. Dieu le sait ; il a subverti les fausses promesses de l’évangile de la technologie dès le commencement. Vous pouvez remplir votre cœur à ras bord de technologies humaines pour remplacer Dieu – elles ne suffiront jamais. Vous pouvez partir en quête du prochain outil, de la prochaine puissance innovatrice, de la nouvelle amélioration, de la prochaine frontière de l’exploration spatiale ; si votre but est de trouver la satisfaction de votre cœur, votre quête reviendra à combler des trous avec de la pâte à modeler.

Oui, les technologies sont fabuleuses. La puce informatique change tout. La puissance des appareils photo numériques est fascinante. Le téléphone intelligent est formidable. L’Internet qui rassemble des chrétiens à travers le monde est remarquable. L’exploration spatiale qui élargit notre connaissance de l’univers est époustouflante. Les avancées médicales telles que le vaccin contre la polio ou les traitements contre le cancer, la démence et les anomalies génétiques, s’ils venaient à voir le jour, seraient sensationnels, et c’est à Dieu que reviendrait toute la gloire pour avoir créé des esprits capables de solutionner ces problèmes. Pour le chrétien, toutefois, il s’agit toujours d’une question de confiance. Le même goudron peut servir à solidifier notre confiance en Dieu ou à construire des tours d’incrédulité.

Qui fera preuve de sagesse, à l’ère de la technologie ? Ce ne sera ni le chrétien qui ignore les possibilités matérielles ni le technologiste qui rejette les merveilles spirituelles. La sagesse commence par la crainte et s’exprime par la gratitude. Est-ce que je peux, en toute bonne conscience, remercier Dieu pour telle ou telle innovation ? Sur ce sujet, l’éthique de ce qui est permissible ou, au contraire, interdit s’ancre dans la gratitude. « Car tout ce que Dieu a créé est bon, et rien ne doit être rejeté, pourvu qu’on le prenne avec actions de grâces, parce que tout est sanctifié par la parole de Dieu et par la prière » (1 Ti 4.4,5). C’est vrai des grillades, du mariage, des téléphones intelligents et des progrès médicaux. Si nous pouvons sincèrement remercier Dieu pour ces choses, alors nous pouvons les adopter. Une gratitude centrée sur Dieu nous donne la foi nécessaire pour comprendre que seul Christ peut remplir les trous de notre âme. À l’ère de l’intelligence artificielle, des robots autonomes et des avancées anti-âge, Christ est la clé de notre épanouissement. La joie en Christ nous apprend à être reconnaissants pour les innovations dont nous avons besoin, et satisfaits sans celles dont nous n’avons pas besoin.


[1] Carl Sagan, Pale Blue Dot, p. 329.

[2] Kevin Kelly, The Inevitable: Understanding the 12 Technological Forces That Will Shape Our Future [L’inévitable : comprendre les 12 forces technologiques qui façonneront notre avenir], trad. libre, New York, N. Y., Penguin, 2017, p. 11-12.

[3] Herman Bavinck, Wonderful Works of God, p. 4.