La puissance de Dieu dans l’Évangile (Paul Washer)
Les Écritures regorgent de démonstrations de la puissance de Dieu. Il crée le monde par une parole[1]. Il fait marcher dans l’ordre l’armée du ciel. Il appelle toute chose par son nom ; par son grand pouvoir et par sa force puissante, il n’en est pas une qui fasse défaut[2]. Il sépare la mer d’un souffle de ses narines[3]. Les montagnes fondent sous lui comme de la cire devant le feu ou comme l’eau qui coule sur une pente[4]. Il joue avec le crocodile comme avec un oiseau[5]. Il agit comme il lui semble bon avec l’armée des cieux et parmi les habitants de la terre. Personne ne peut résister à sa main ou lui dire : « Que fais-tu[6] ? » Telle est la puissance de notre Dieu, et pourtant aucune de ces manifestations de force divine n’est comparable à la puissance révélée par l’Évangile de Jésus-Christ.
Dans notre texte, Paul désigne l’Évangile comme étant la « puissance »de Dieu, qui est la traduction du terme grec dúnamis. Bien que le mot en lui-même n’ait rien d’exceptionnel, sa signification devient extraordinaire dans le contexte des Écritures. Ici, Paul s’appuie sans aucun doute sur les innombrables références à la puissance de Dieu manifestée pour le salut de son peuple dans l’Ancien Testament. Dieu a fait sortir Israël d’Égypte par une grande puissance et par une main forte[7]. Il a laissé subsister Pharaon afin de lui montrer sa puissance et pour que son nom soit proclamé sur toute la terre[8]. Il a sauvé son peuple à cause de son nom, afin de manifester sa puissance[9]. Enfin, il a rappelé de nombreuses fois à Israël que son salut ne lui venait pas de sa propre force, mais provenait de l’Éternel[10].
Dans Romains 1, le mot dúnamis apparaît à deux autres reprises en dehors du verset 16. Au début du chapitre, il fait référence à la puissance qui a ressuscité Jésus d’entre les morts et qui a confirmé sa filiation[11]. Dans les verset suivants, il fait également référence à la puissance en tant qu’attribut de Dieu se manifestant dans la création et le maintien de l’univers[12]. Il s’agit là des deux plus grandes démonstrations dans les Écritures de la toute-puissance de Dieu. Cependant l’Évangile est sur un pied d’égalité avec celles-ci, car il témoigne quant à lui de la puissance de Dieu pour le salut des hommes. Il s’agit alors d’un salut qui les délivre de la condamnation du péché, les ressuscite spirituellement en tant que nouvelles créatures et les sanctifie ou les préserve jusqu’au bout.
Il est utile de se poser deux questions au sujet de la puissance de l’Évangile. La première est : « Mesure-t-on la puissance requise pour sauver des hommes pécheurs ? » Le salut n’est pas une mince affaire ; il est inaccessible à tout autre que Dieu[13], à cause de la déchéance et de la corruption morale de l’homme. Les Écritures enseignent que l’image de Dieu en l’homme a été gravement défigurée et que tout son être a été pollué par la corruption morale[14]. Aussi, l’homme a déclaré la guerre à Dieu et fait tout ce qui est en son pouvoir pour restreindre ou étouffer sa vérité[15]. Les Écritures révèlent que l’homme ne peut pas venir à Dieu parce qu’il ne le veut pas, et il ne viendra pas à lui à cause de son cœur mauvais. Jésus a enseigné cette vérité dans Jean 3.19,20 : « Et ce jugement c’est que, la lumière étant venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Car quiconque fait le mal hait la lumière, et ne vient point à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dévoilées […] »
Le cœur d’un homme est une forteresse faite de murs de péchés plus robustes et plus résistants que ceux qui entouraient Jéricho. Si les hommes étaient incapables de faire tomber les murs de cette grande ville par leur propre force, ils ne sauraient vaincre la perversité de leur propre cœur. Seule la puissance de Dieu en est capable. C’est pourquoi il n’est pas rare d’entendre que la puissance de Dieu manifestée dans le salut d’un seul homme dépasse de loin celle impliquée dans la création même de l’univers. Dieu a créé le monde ex nihilo, à partir de rien. Mais il accomplit une chose beaucoup plus difficile lorsqu’il sauve un homme, parce qu’il est plus aisé de créer du bien à partir de rien que de recréer du bien à partir d’une humanité déchue et corrompue.
Il faut souligner, au risque d’être redondant, que pour mesurer véritablement la puissance de l’Évangile pour le salut de l’homme, il faut d’abord comprendre l’état de déchéance et de corruption morale qui est la sienne. Notre compréhension et notre estime de la puissance de l’Évangile s’accroissent à mesure que les profondeurs de la dépravation humaine se révèlent à nos yeux. L’inutilité des méthodologies et stratégies de marketing ainsi que des astuces utilisées par une grande partie de l’évangélisme contemporain est alors criante. Si les hommes doivent être sauvés, ils le seront par la puissance surnaturelle de Dieu, manifestée dans la prédication de l’Évangile.
La deuxième question que nous devons nous poser est la suivante : « Reconnaissons-nous l’Évangile comme l’unique source de la puissance salvatrice ? » L’Évangile de Jésus-Christ est la puissance de Dieu pour le salut dans son intégralité ; il n’en constitue pas uniquement le noyau ou une partie de ce qui lui est nécessaire. Pour que l’Évangile agisse dans la vie des hommes, il suffit de le proclamer. Il n’est pas nécessaire qu’on le révise pour le rendre plus pertinent, qu’on l’adapte pour qu’il soit plus compréhensible, ni qu’on le défende pour le légitimer. Si nous nous levons et le proclamons, il accomplira l’œuvre lui-même. Si un simple prédicateur, dépouillé de toutes ses armes charnelles, combat avec la seule proclamation de l’Évangile, alors l’intercession agissante du Fils et l’efficacité de son amour sacrificiel fera bien plus pour le monde que tous les projets des stratèges et innovateurs réunis.
Bien que l’Écriture et l’histoire de l’Église confirment cette vérité, une étude sur l’évangélisme contemporain montre que les évangéliques ne croient plus en cette pensée audacieuse. Cela sonne bien dans les hymnes d’autrefois, mais le croire et l’appliquer semble pour le moins naïf. Aussi, la plupart des « Églises modèles » d’aujourd’hui ressemblent davantage à un parc d’attractions sur le thème de Jésus qu’à un navire en direction de Sion[16]. Non seulement elles proposent un évangile réduit ou modifié, mais elles promeuvent aussi tant d’autres attractions qu’il devient difficile, voire impossible, d’y discerner l’Évangile biblique. La puissance n’est plus dans un message simple, mais dans un leadership audacieux, des stratégies avant-gardistes, une sensibilité culturelle ainsi que dans la capacité de transformer l’Église en fonction des exigences sociales.
L’évangélisme erre sans but à la recherche d’un remède pour un monde de plus en plus irréligieux et antichrétien. Nous étudions attentivement les tendances et modes de la société, puis apportons les changements nécessaires à l’Évangile afin qu’il reste pertinent. Lorsque notre culture ne désire plus ce que nous avons, nous lui donnons ce qu’elle veut. Lorsqu’un certain type de ministère attire une foule d’hommes charnels, nous écrivons un guide pratique présentant une stratégie à suivre. Cependant nous ne voyons pas, qu’au lieu de rendre l’Évangile plus pertinent, nous ne faisons de cette manière que servir une culture impie dans le but de la garder entre nos murs. En définitive, l’Évangile est perdu, Dieu n’est pas honoré et les hommes vont en enfer.
L’Église a besoin d’hommes qui se tiennent devant une foule d’adversaires sans autre secours ou défense que l’Évangile et Dieu, qui a promis d’œuvrer au travers de celui-ci. L’armure de Saul n’était-elle pas si encombrante que David avait l’air ridicule en la portant ? Le poids de cette dernière sapait son agilité et sa force. Aussi a-t-il pris la décision cruciale de ne pas la porter et d’affronter le géant avec le seul nom du Seigneur. De même, nous devons refuser l’armure et les armes de Saul et nous livrer au combat munis des seules pierres polies de l’Évangile. Prenons cette décision majeure qui consiste à rejeter les stratégies et techniques habiles de l’évangélisme moderne. Acceptons de faire face à l’incrédulité et au scepticisme, avec des bibles ouvertes et le message clair et sans compromis du Christ crucifié et ressuscité d’entre les morts. Alors nous verrons la puissance de Dieu se manifester dans la véritable conversion même des plus grands pécheurs. « Y a-t-il rien qui soit étonnant de la part de l’Éternel[17] ? »
Ayant reconnu notre dépravation et notre incapacité à nous sauver nous-même par un quelconque moyen charnel, nous pouvons commencer à apprécier à sa juste valeur l’exultation de Paul dans la puissance de l’Évangile. C’est ce qui lui a permis d’entrer dans l’Aréopage et de déclarer que le Juif crucifié est le Dieu de l’univers et le Sauveur du monde[18]. Il n’avait besoin, ni d’argument convaincant, ni de discours éloquent. Il savait que, s’il persévérait dans la prédication claire et audacieuse de ce message singulier, les hommes se convertiraient[19]. C’est cette même assurance qui a soutenu William Carey et d’innombrables autres missionnaires durant les longues années de sécheresse précédant la récolte. L’Évangile est la puissance de Dieu pour le salut ; il suffit de le prêcher pour que les hommes se convertissent.
Cet article est tiré du livre : La puissance et le message de l’Évangile de Paul Washer
[1] Genèse 1.3 ; Hébreux 11.3
[2] Ésaïe 40.26
[3] Exode 15.8
[4] Michée 1.4
[5] Job 40.24
[6] Daniel 4.35
[7] Exode 32.11 ; Deutéronome 9.29 ; 2 Rois 17.36 ; Néhémie 1.10 ; Psaumes 77.14,15
[8] Exode 9.16
[9] Psaumes 106.8
[10] Deutéronome 8.16,17
[11] Romains 1.4
[12] Romains 1.20
[13] Matthieu 19.26
[14] La corruption morale imprègne le corps (Ro 6.6,12 ; 7.24 ; 8.10,13), la raison (Ro 1.21 ; 2 Co 3.14,15 ; 4.4 ; Ép 4.17‑19), les émotions (Ro 1.26,27 ; Ga 5.24 ; 2 Ti 3.2-4) et la volonté (Ro 6.17 ; 7.14,15).
[15] Romains 1.18,30 ; 5.10
[16] N. D. T. : L’auteur fait ici référence à un hymne du xviiie siècle, The Old Ship of Zion, écrit par M. J. Cartwright.
[17] Genèse 18.14
[18] Actes 17.22
[19] Actes 17.34