La responsabilité de l’Église concernant la discipline de l’Église : réconcilier, restaurer, encourager la repentance
Cet article est tiré du livre : Comprendre la discipline d’Église de Jonathan Leeman
La discipline d’Église au sens large est définie comme la correction du péché, et au sens étroit comme la radiation d’un membre de l’Église. On commence par la correction. Progressivement, quand cela s’avère nécessaire, on passe à la radiation, qui elle-même, on l’espère, mènera à la restauration. Voilà les grandes lignes de la tâche qui nous incombe.
En d’autres termes, on travaille à la réconciliation, à la restauration ou à la repentance. Ces objectifs se recoupent. Lorsqu’on vise l’un, cela contribue forcément à atteindre les deux autres. Il vaut cependant la peine d’examiner les passages bibliques où ils sont abordés individuellement.
La réconciliation. Pour commencer, votre tâche consiste à travailler à la réconciliation. Le péché divise, alors que l’Église devrait être unie. Jésus enseigne ceci :
Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. Mais, s’il ne t’écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l’affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église ; et s’il refuse aussi d’écouter l’Église, qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain (Mt 18.15-17).
Remarquez qu’il y a une dispute entre deux membres d’une Église. L’un a péché contre l’autre. Jésus demande à l’offensé d’essayer de se réconcilier avec l’offenseur.
Ce type de confrontation peut être un fiasco ou une réussite. Voici un exemple de fiasco : Christine se sent offensée lorsque certains membres de son petit groupe lui posent des questions difficiles. Elle quitte alors l’étude en silence, blessée et irritée. Des semaines s’écoulent avant qu’elle ne dise quoi que ce soit. Même alors, elle ne s’adresse pas directement aux femmes qui l’ont offensée, mais joue la carte de la souffrance pour manipuler une autre femme du groupe, afin qu’elle se range de son côté. Son ton résonne comme une condamnation. Christine n’envisage absolument pas la possibilité qu’elle se soit trompée. Le problème ne pourra jamais être tout à fait résolu.
Voici à l’inverse un exemple de réussite : Cathy est particulièrement stressée au travail. Quand son collègue et confrère de l’Église Joey lui demande d’accomplir une tâche dont elle est responsable et dont il dépend, elle se fâche et refuse. Prudemment, Joey tente de l’approcher, mais elle le repousse aussitôt. Joey s’adresse alors à un autre membre de l’Église, Christophe, pour lui demander d’intervenir. Après avoir attendu un peu que les choses se calment, Christophe s’exécute. Cathy, touchée par le Saint-Esprit et les paroles sensibles de Christophe, confesse alors son erreur et s’en repent. S’ensuivent des mots d’excuse et une prière d’action de grâce entre les trois.
Notre responsabilité, en tant que chrétiens, est d’œuvrer à la réconciliation. Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
La restauration. Notre tâche consiste également à travailler à la restauration. Lisons comment Paul exprime cela :
Frères, si un homme vient à être surpris en faute, vous qui êtes spirituels, redressez-le avec un esprit de douceur. Prends garde à toi-même, de peur que tu ne sois aussi tenté. Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi de Christ (Ga 6.1,2).
Jude envisage une situation similaire en exhortant à « [en sauver] d’autres en les arrachant du feu » (Jud 23). Les deux auteurs imaginent quelqu’un qui est « pris ». Il ou elle est coincé(e). Ses jambes sont enfoncées dans des sables mouvants. Ses mains sont enchaînées. Le feu l’entoure de toute part : cette personne a donc besoin d’un secouriste ou d’un sauveteur. C’est là que nous entrons en jeu, dans la mesure où nous marchons par l’Esprit. Allons-y doucement, toutefois. Veillons aussi à ne pas tomber nous-mêmes dans des sables mouvants.
Là encore, notre intervention peut être un fiasco ou une réussite. Voici un exemple de fiasco : d’un ton désinvolte et maladroit, James reproche à son ami Bart ses échecs en tant que mari, poussant Bart à se replier dans l’orgueil et à être complètement fermé aux bons conseils que James aurait pu lui prodiguer.
Voici au contraire un exemple de réussite : Liz n’approuve pas Jeanne dans sa menace de quitter son mari. Elle s’efforce donc de l’écouter pendant une heure en vue de comprendre et compatir à sa contrariété conjugale. Forte de cette empathie, elle est en mesure de persuader Jeanne de ne pas le quitter. Elle lui parle, et Jeanne s’en trouve restaurée.
La repentance. Le but de la discipline est de réconcilier, de restaurer et d’encourager la repentance. Tendons l’oreille à ce que nous dit Paul :
On entend dire généralement qu’il y a parmi vous de la débauche […] c’est au point que l’un de vous a la femme de son père […] Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit étant assemblés avec la puissance de notre Seigneur Jésus, qu’un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus (1 Co 5.1,4,5).
Paul avait déjà pris une décision au sujet de cet homme qui refusait clairement de se repentir. Il a donc ordonné son exclusion immédiate. Il n’est pas nécessaire de poursuivre la conversation avec un tel individu. Son renvoi sert toutefois un objectif bien précis : la repentance. Les Corinthiens réunis en assemblée, en tant qu’ambassade du royaume de Christ, devaient déclarer que cet homme n’était pas l’un des leurs, mais un citoyen du royaume de Satan, le but étant que son esprit soit sauvé. L’homme était aveugle quant à son état, et devait se repentir.
Là encore, notre intervention peut être un fiasco ou une réussite. Voici un exemple de fiasco : les pasteurs de Lisa ignorent le fait que ses parents sont abusifs envers elle sur les plans émotionnel et physique. Ils insistent pour que la jeune fille de 19 ans se soumette à ses parents. Victime d’oppression de la part de ses parents depuis des années, elle décide de quitter le foyer familial. Hélas, lorsqu’elle décrit aux anciens les circonstances terribles dans lesquelles elle vit, ils l’accusent de ne pas honorer ses parents, d’essayer de fuir la souffrance, et ils s’empressent de l’excommunier. Les responsables d’Église n’ont absolument pas pris en compte qu’elle était victime d’abus. (Des années plus tard, l’Église présentera ses excuses.)
Voici au contraire un exemple de réussite : mon Église a excommunié Quinn pour avoir été infidèle à sa femme. Cette dernière étape a été franchie après des heures de travail de counseling. En fait, le counseling a continué après l’excommunication, avec l’aide d’une autre Église que Quinn a essayé de rejoindre, mais qui a refusé son admission jusqu’à ce qu’il ait réglé ses affaires avec nous. Les choses se sont arrangées pendant un certain temps. Puis Quinn est revenu vers nous, s’est soumis à plusieurs conversations difficiles avec divers anciens, et a accepté de lire une lettre de confession et de repentance devant toute l’Église. L’Église entière a accepté à l’unanimité de tendre à nouveau la main de la fraternité à Quinn. Il y a eu des applaudissements. Il s’était repenti.
Après les faits
Quelle est notre responsabilité à la suite de l’exclusion d’un membre de l’Église ? Comme nous l’avons vu, Jésus demande : « Qu’il soit pour vous comme un infidèle… » Paul dit « de ne pas même manger avec un tel homme » (1 Co 5.11) ; et ailleurs, de « s’éloigner » d’une personne qui sème la discorde (Tit 3.10). Dans un sens, vous devez donc traiter les personnes excommuniées comme des non-chrétiens. Ils appartiennent néanmoins à une catégorie spéciale de non-chrétiens : ils se disent croyants. Remarquez le contexte de la directive de Paul :
Maintenant, ce que je vous ai écrit, c’est de ne pas avoir des relations avec quelqu’un qui, se nommant frère, est débauché, ou cupide, ou idolâtre, ou outrageux, ou ivrogne, ou ravisseur, de ne pas même manger avec un tel homme. Qu’ai-je, en effet, à juger ceux du dehors ? N’est-ce pas ceux du dedans que vous avez à juger ? Pour ceux du dehors, Dieu les juge. Ôtez le méchant du milieu de vous (1 Co 5.11-13).
Paul s’attend à ce que l’on passe du temps avec des non-chrétiens immoraux, cupides, idolâtres, violents, ivrognes, etc. Il est possible de travailler avec eux, de regarder un match de football en leur compagnie. Le problème survient lorsqu’un individu prétend être croyant (« se nommant frère ») et fait partie de l’Église (« au dedans »), mais refuse de se repentir de son péché. Lorsque de telles personnes sont « excommuniées » de l’Église, toute interaction et communion occasionnelle avec elles doivent être évitées.
C’est au contraire le malaise et la gêne qui doivent caractériser nos échanges. Finies les conversations au sujet des résultats des matchs du week-end. Nous les encourageons à se repentir.
Il y a deux nuances importantes à faire ici. Premièrement, les anciens de mon Église et moi-même pensons qu’une personne ayant été excommuniée peut toujours assister aux réunions publiques de l’Église. Après tout, la réunion publique inclut la présence de non-chrétiens (voir 1 Co 14). Et dans tous les cas, une Église ne défend pas un territoire à coups d’épée. Nous ne pouvons pas déplacer de force le corps des gens dans un espace physique. En revanche, une Église détient des clés pour prendre des décisions, ce qu’elle fait en excluant quelqu’un du statut de membre et de la sainte cène. Aussi nos anciens disent-ils souvent aux membres de notre assemblée que le seul endroit où nous voudrions voir la personne excommuniée le dimanche suivant, c’est assise à l’église pour écouter la prédication de la Parole de Dieu.
Deuxièmement, les membres de la famille d’une personne excommuniée doivent continuer à remplir leurs obligations familiales envers le membre de la famille exclu. Les épouses doivent continuer à se soumettre à leur mari. Les maris doivent continuer à aimer leur femme. Les enfants ont le devoir d’honorer leurs parents. Les parents doivent continuer à aimer leurs enfants. Et ainsi de suite. Ces relations sont fondées sur la création, et non sur la nouvelle alliance. La fin de la relation avec l’Église ne signifie donc pas la fin de la relation avec la création. Bien entendu, de telles relations requièrent beaucoup de sagesse. L’épouse d’un homme excommunié, par exemple, est confrontée à une situation délicate. Elle peut partager une dinde de Thanksgiving avec son mari, mais elle ne doit pas lui demander de diriger la prière.
Si la charge de tisser des liens est agréable, l’œuvre de correction du péché et de réconciliation, de restauration et de repentance peut être ardue. S’éloigner d’un membre excommunié est sans doute l’étape la plus difficile du processus. Cependant, vous aurez aussi parfois le privilège de voir des pécheurs se détourner de leur péché, et c’est tout simplement merveilleux !