La sanctification est une direction (David Powlison)
La sanctification est un processus qui dur toute la vie
Notre manière pratique d’envisager la sanctification, la formation de disciples et la relation d’aide propose souvent une réponse monochrome et adopte une vision à brève échéance. Néanmoins, apprendre par cœur un verset biblique particulier et se le remémorer sera-t-il suffisant pour nettoyer tout ce fouillis ? Une vie de prière idéale pourra-t-elle chasser toutes les ténèbres ? Un rappel du fait que vous êtes enfant de Dieu, justifié par la foi, protègera-t-il votre cœur de tout mal ? Le développement de nouvelles habitudes éliminera-t-il les luttes ? Est-ce suffisant de recevoir un bon enseignement et d’avoir un culte personnel chaque jour ? Une véritable imputabilité avec autrui est-elle la clé essentielle pour réussir à marcher dans la pureté ? Une discipline personnelle assidue et un plan constructif pour sa vie écarteront-ils toute possibilité d’échec ?
Ce sont là toutes de bonnes choses. Toutefois, aucune d’elles ne peut garantir que vous n’aurez plus à apprendre à aimer au lieu de convoiter dans trois semaines, trois ans ou trente ans. Il nous faut envisager un long processus (de toute une vie), qui se termine dans la gloire (au dernier jour), et qui progresse réellement (aujourd’hui). Combinez correctement ces trois éléments et vous obtenez une théologie pratique qui s’avère tout indiquée.
En vivant dans une relation de toute une vie avec un Père aimant, nous apprenons à faire confiance et à aimer de manière pratique, jour après jour.
Examinez l’histoire de l’Église, les dénominations, les Églises locales, les groupes, les familles, les individus autour de vous et ceux dont parle la Bible. Chacun a son vécu et contribue à l’histoire humaine, parce que les défis que la sanctification rencontre sont sans fin. Comme Martin Luther le chantait : « Fréquemment, la meilleure vie nous fait faux bond », nous devons par conséquent « vivre en comptant uniquement sur la miséricorde1 ».
John Newton aussi chantait :
De nombreux dangers, filets et pièges,
J’ai déjà traversés.
Mais…
C’est la grâce qui m’a protégé jusqu’ici,
Et la grâce me mènera à bon port2.
La grâce de Dieu ne suit pas une cédule
Examinez votre existence. Dans cette vie, on ne peut jamais affirmer : « J’y suis parvenu. Il n’y aura plus de croisée des chemins, plus d’endroit où je pourrais trébucher ou tomber, plus de choix difficile au quotidien. Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de la grâce. » La vie n’est jamais propulsée au moyen d’un régulateur de vitesse. De toute évidence, le Dieu vivant a jugé bon de poursuivre son œuvre dans son Église et dans des groupes de personnes sur de longues périodes. Ces dernières s’échelonnent parfois sur plusieurs générations ou siècles. Il paraît content d’agir dans des individus (vous, moi, la personne que vous essayez d’aider) durant des années et des décennies, même des vies entières. À chaque étape se trouve une question déterminante : Que choisiras-tu ? Qui aimeras-tu et qui serviras-tu ? Le Vigneron a toujours quelques sarments à émonder. Le Père a toujours une leçon difficile à enseigner à ses enfants bien-aimés (Jn 15 ; Hé 12). Ce n’est pas par hasard que les phrases « Dieu est amour » et « l’amour est patient » s’insèrent parfaitement l’une dans l’autre. Dieu prend son temps avec nous.
Tout au long de votre parcours de sanctification, de même qu’au cours de votre ministère envers les autres, il vous faut avancer tout en tenant compte de la vie entière, même lorsque vous soulignez l’urgence du choix qui s’impose aujourd’hui. Dans le Nouveau Testament, le mot disciple est celui qui est le plus couramment utilisé pour désigner l’identité des membres du peuple de Dieu. Un disciple est simplement quelqu’un qui, sa vie durant, acquiert la sagesse à travers sa relation avec un maître sage. La seconde expression de cette identité, fils/fille/enfant, représente la même idée. En demeurant toute notre vie en relation avec un Père qui nous aime, nous apprenons à faire confiance et à aimer dans la vie de tous les jours.
Si l’on s’en tient aux certitudes morales, il y a soit le chiffon encrassé soit le jardin des délices. Cependant, quand on réfléchit du point de vue d’un processus impliquant des changements, on parle de passer du chiffon encrassé au jardin des délices. Tous autant que nous sommes, nous suivons une trajectoire entre ce qu’on est et ce qu’on sera. Les certitudes morales nous orientent correctement sur la carte routière. Or, le processus passe par le chemin du très long pèlerinage dans la bonne direction. Pour acquérir une vision à long terme de la sanctification, la clé demeure une compréhension adéquate de l’orientation à prendre. La distance parcourue n’est pas ce qui importe le plus. Ce n’est pas non plus la vitesse de croisière ni le nombre d’années de vie chrétienne qui compte. C’est plutôt la direction que l’on a empruntée.
Vous souvenez-vous de ce que vous avez appris en mathématique à l’école ? « Un homme part faire le trajet de 483 kilomètres en voiture de Boston à Philadelphie. Il roule à 97 km par heure pendant deux heures, à 64 km par heure pendant trois heures, puis il est coincé dans un embouteillage pendant une heure sans pouvoir avancer. Si la congestion s’estompe et qu’il parvient à conduire à 30 km par heure jusqu’à destination, combien d’heures ce trajet aura-t-il pris au total ? » Si vous connaissez la formule « distance = vitesse x temps », vous pouvez trouver la réponse (8 heures). La sanctification est-elle ainsi : le calcul d’une distance, d’une vitesse et du temps écoulé ? Pas vraiment. La question clé à se poser dans ce cas consiste à déterminer si on se dirige vers Philadelphie. Si on va vers l’ouest, en direction de Seattle, on peut rouler à 120 km par heure, aussi longtemps qu’on le souhaite, mais on n’atteindra jamais Philadelphie. Et si on se trouve simplement aux abords de Boston, ne sachant pas du tout vers où il faut aller, on n’arrivera jamais nulle part. Or, si on est orienté dans le bon sens, on peut conduire à 10 ou à 60 km par heure. On peut rester coincé dans un embouteillage et ne franchir aucune distance pendant un moment. On peut descendre de voiture et faire une certaine distance à pied ou marcher à quatre pattes. On peut même faire demi-tour et aller temporairement dans la mauvaise direction. On corrigera éventuellement sa trajectoire et, à un moment donné, on arrivera à destination.
C’est votre direction qui compte
La vitesse à laquelle la sanctification progresse est totalement variable. On ne peut prévoir comment cela se passera. Pendant une saison de leur vie, certaines personnes bondissent comme des gazelles. Supposons que, jusqu’ici, vous ayez vécu en pratiquant des péchés sexuels flagrants. Vous vous en détournez alors pour venir à Christ et les fautes évidentes disparaissent. Vous ne commettez plus aucune fornication, vous cessez de coucher avec votre petite amie (ou votre petit ami). L’exhibitionnisme n’a plus sa place, alors vous ne portez plus votre blouse au décolleté révélateur. Vous mettez de côté la pornographie, ce qui signifie que vous ne naviguez plus sur Internet à la recherche de ce genre de matériel et que vous ne lisez plus de romans grivois. Il n’y a plus d’adultère ni de rendez-vous homosexuels ; vous mettez fin à ces relations une fois pour toutes. Tout cela est du passé. C’est parfois ainsi que cela se produit. Ce n’est pas toujours le cas, bien sûr, mais une saison en bonds de gazelle s’avère une source de joie pour tous.
Pour d’autres (ou pour ces mêmes personnes durant d’autres saisons de leur vie), la sanctification est une marche constante et modérée. On apprend des vérités, on affronte ses peurs et on fait des pas vers Dieu et vers les gens. On apprend à servir les autres de manière constructive ; on acquiert de nouvelles disciplines et les principes fondamentaux de la sagesse. On s’instruit sur la personne de Dieu, sur soi-même et sur la réalité de la vie. On s’initie à l’adoration, à la prière, au don de son temps et de son argent, à l’intérêt pour autrui. Ainsi, on grandit de façon constante, et cela est merveilleux !
Chez d’autres encore (ou chez ces mêmes personnes durant d’autres saisons de leur vie), la démarche s’avère pénible. C’est ardu ; on boite. Il semble que l’on avance peu et plutôt lentement. Les vieux sillons du désir ou de la peur sont bien profonds. Toutefois, si on traîne les pieds en marchant dans la bonne direction, exalté soit le Seigneur de gloire ! Un jour, nous le verrons face à face et nous serons semblables à lui.
Certaines personnes marchent à quatre pattes pendant une saison plus ou moins longue. Les progrès sont difficiles ; on avance à peine. Néanmoins, louons Dieu pour la gloire de sa grâce, car, un centimètre à la fois, on chemine dans la bonne direction.
Il se peut aussi qu’à certains moments on fasse du sur-place, que l’on soit coincé dans un bouchon, voire en panne. Toutefois, on est toujours orienté du bon côté. C’est la situation que décrit le Psaume 88, le « sous-sol » des Psaumes. L’auteur se trouve dans un profond désespoir, mais celui-ci est tourné vers le Seigneur. Autrement dit, il s’agit encore de la foi, même quand elle est perturbée par un découragement tel que l’on ne peut dire autre chose que : « Tu es mon seul espoir. Au secours ! Où es-tu ? » Ce genre de prière est valable ; elle a sa place dans la Bible.
À certaines époques, peut-être que l’on s’endort pendant la tempête, que l’on est couché, dans un coma et dans l’oubli, mais la grâce réveille l’individu, rafraîchit sa mémoire et le fait avancer de nouveau. Parfois, on dévie lentement de la route, charmé par une fausse promesse ou déçu d’une véritable promesse que l’on a mal comprise. Or, celui qui a commencé en vous une bonne œuvre vous réveille tôt ou tard de votre somnambulisme et vous ramène sur le sentier. Puis, il y a des moments où l’on se révolte et où l’on tombe tête première dans la boue, un plongeon dans l’abîme. Cependant, la grâce vous relève, vous lave de nouveau et vous replace sur la route. Peu à peu, vous comprenez la leçon. Peut-être avancez-vous alors à grandes enjambées ou d’un pas constant, en traînant les pieds ou à quatre pattes, ou encore restez-vous simplement orienté dans la bonne direction, animé d’un espoir affermi.
Nous aimons beaucoup les gazelles. Ces bonds gracieux fournissent de beaux récits démontrant la puissance miraculeuse de Dieu. Nous préférons ce qui est stable et prévisible puisque cela semble appuyer nos efforts pour faire en sorte que la vie chrétienne fonctionne de façon méthodique. Mais en réalité il n’existe, ni formule, ni secret, ni technique, ni programme, ni échéancier, ni révélation qui en garantisse la vitesse, la distance ou la durée. Au moment de votre mort, vous serez encore quelque part au milieu. En revanche, vous serez plus près qu’au début.
À vrai dire, tout ce que je viens d’affirmer ne s’applique pas seulement au renouveau sur le plan de la sexualité, mais aussi dans tous les domaines de la vie.
Cet article est adapté du livre : « Il fait toutes choses nouvelles » de David Powlison