L’autorité de l’Église locale

Cet article est tiré du livre : Comprendre la discipline d’Église de Jonathan Leeman


L’Église locale possède, en outre, l’autorité nécessaire pour parler d’une manière distincte et formelle au nom du Roi Jésus. Par exemple, l’ambassade d’Indonésie à Washington peut parler au nom du gouvernement indonésien de manière plus formelle que ne pourrait le faire un simple touriste indonésien se promenant dans les rues de Washington. De même, une Église locale rassemblée peut faire des déclarations « officielles » au nom du ciel, ce qu’un chrétien isolé ne peut pas faire. Quant à la discipline d’Église, elle dépend du fait que l’Église rassemblée peut faire des déclarations officielles au nom de Jésus et de son règne dans les cieux.

Je constate que ce principe est dur à concevoir pour certains chrétiens aujourd’hui. Certains ont du mal à le comprendre : « En quoi une Église a-t-elle plus d’autorité que moi, chrétien isolé, pour “parler” au nom du ciel ? » Et il peut être tout aussi difficile de l’accepter : « Cela ne peut pas être juste, si ? »

J’ai longuement écrit à ce sujet ailleurs, c’est pourquoi je me contenterai ici de vous indiquer brièvement, en m’appuyant sur l’Évangile selon Matthieu, pourquoi j’affirme cela. Tout d’abord, l’Évangile selon Matthieu cherche à répondre à la question : qui représente le ciel sur terre ? Dans le jardin d’Éden, ciel et terre cohabitaient. Bien sûr, dans Genèse 3, ils ont été séparés. Or, l’Évangile selon Matthieu commence avec Jean Baptiste et Jésus annonçant la venue du royaume des cieux. Jésus décrit ensuite qui possédera le royaume des cieux et héritera de la terre. Il demande alors à ses disciples de prier pour que la volonté du Père céleste soit faite sur la terre comme au ciel. Il leur dit aussi d’amasser leurs trésors dans les cieux, et non sur la terre (Mt 3.2 ; 4.17 ; 5.3,5 ; 6.9,10,20). Matthieu ne s’arrête pas là et mentionne 73 fois le ciel ou le royaume des cieux. L’Évangile se termine par l’affirmation de Jésus que le Père lui a accordé tout pouvoir au ciel et sur la terre (Mt 28.18). Le ciel et la terre ne sont peut-être pas entièrement réunis, mais ils sont unis sous le règne de Christ. Jésus représente le ciel !

Ce n’est pas tout. Dans Matthieu 16, Jésus donne aux apôtres ce qu’il appelle « les clés du royaume », puis il donne ces clés à l’Église locale dans Matthieu 18. Il ajoute que ces clés lient sur la terre ce qui est lié dans les cieux, et délient sur la terre ce qui est délié dans les cieux (Mt 16.19 ; 18.18). Qu’est-ce que cela veut dire ?

Tout comme Jésus authentifie Pierre et sa confession dans Matthieu 16, cela signifie que l’Église rassemblée a l’autorité d’authentifier le quoi et le qui de l’Évangile : ce qu’est une véritable confession de l’Évangile et qui est un véritable dépositaire de l’Évangile. C’est un peu comparable à ce qui suit :

Oyez, oyez, ô nations de la terre. Nous déclarons par la présente, au nom du Dieu des cieux, que Jésus est le Messie crucifié et ressuscité. Tel est le message de l’Évangile. Nous déclarons également que ces personnes sont des citoyens de sa cité céleste. Et vous, nations de la terre, vous devez considérer ce message comme étant un message céleste, et considérer ces gens comme des citoyens du ciel.

Ou, au contraire : « Cela n’est pas le message du ciel, et cet individu n’est pas un citoyen du ciel. »

Autrement dit, Matthieu 16 et 18 donnent aux Églises locales l’autorité de parler au nom de Jésus, et donc de parler au nom de Dieu. C’est ce que font les Églises lorsqu’elles établissent leurs déclarations de foi et reconnaissent des personnes comme membres, ou, au contraire, leur retirent ce statut.

Ce qu’il est utile de reconnaître, je pense, c’est que, lorsque l’Évangile selon Matthieu évoque le royaume des cieux, il ne s’agit pas tant d’un lieu que d’un système juridique ou d’un gouvernement (« que ton règne vienne, que ta volonté soit faite… »). Dans l’Évangile selon Matthieu, le royaume des cieux désigne le système juridique ou le gouvernement du Père céleste. Lier ou délier dans les cieux, c’est donc parler avec une autorité d’ambassadeur au nom du gouvernement céleste. Ce n’est pas le statut d’une personne au ciel qui change lorsque les Églises lient ou délient des personnes. C’est plutôt leur statut sur terre qui change. Soit un individu devient membre d’une Église locale visible sur terre, peut-être la vôtre, soit il est radié de cette Église. Voilà ce que dit l’organisme chargé de parler au nom du gouvernement céleste.

J’ai déjà utilisé la métaphore d’une ambassade pour illustrer la nature de l’autorité de l’Église. Une ambassade peut s’exprimer au nom d’un gouvernement d’une manière qui reste inaccessible aux simples citoyens isolés (par exemple, en vous délivrant votre passeport). J’aimerais à présent vous proposer une autre métaphore utile pour illustrer mon propos : celle du juge. Quand un juge déclare quelqu’un « coupable » ou « non coupable », il parle au nom d’un système juridique ou d’un gouvernement. Il n’est pas à l’origine de la loi. Il ne rend pas la personne coupable ou innocente. Pour autant, le fait qu’il s’exprime au nom d’un système juridique signifie que sa déclaration a des conséquences dans le monde réel : l’accusé est acquitté ou condamné. De même, lorsque l’Église rassemblée prend la parole, elle affirme qu’une certaine doctrine ou pratique est conforme ou non à l’Évangile. Elle affirme qu’une certaine personne est citoyenne de l’Évangile ou qu’elle ne l’est pas, et sa déclaration a des conséquences dans le monde réel : une Église locale est organisée en conséquence.

Bien sûr, les Églises peuvent se tromper dans leur évaluation, à l’instar des parents, des princes et des juges, susceptibles de se méprendre dans leurs jugements. Néanmoins, le travail de l’Église consiste à présenter à la planète Terre la Parole de Dieu concernant le qui et le quoi de l’Évangile. Elle déclare qui sont les membres du corps de Christ. Le discours de l’Église est à la fois juridique (elle représente le royaume de Christ) et conventionnel (elle représente la nouvelle alliance).

Comment une Église fait-elle ces déclarations ? Par l’intermédiaire du baptême et de la sainte cène. Le baptême est le signe de notre appartenance à la nouvelle alliance et au peuple du royaume de Christ, tout comme la circoncision était le signe de l’alliance d’Abraham. La sainte cène est notre repas périodique de commémoration, tout comme la Pâque était le repas de commémoration pour Israël. Les ordonnances présentent au monde les contours de l’Église en définissant clairement qui sont ses membres. Elles nous apposent une étiquette indiquant que nous appartenons à Jésus-Christ.

Si vous avez du mal à suivre, voici les grandes lignes : l’Église locale parle spécialement au nom de Dieu. Elle baptise les gens au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Elle se réunit en son nom pour le représenter, lui, son nom et son autorité (Mt 18.20 ; 28.19,20). Les chrétiens, lorsqu’ils sont rassemblés en tant qu’Églises locales, possèdent une autorité qui leur fait défaut quand ils sont isolés : celle de se définir comme une portion du peuple du royaume de Christ ; celle d’affirmer mutuellement le message évangélique qui fait d’eux des chrétiens ; et celle de s’affirmer ou de se reconnaître réciproquement en tant que croyants. On peut dire les choses encore plus simplement : une Église possède l’autorité de rédiger sa propre déclaration de foi et d’authentifier les rôles de ses membres. Un chrétien isolé, par définition, ne peut pas faire ces choses. Pour constituer une Église, il faut que deux ou trois personnes soient d’accord sur l’Évangile et sur les professions de foi des uns et des autres. Ce n’est pas parce que vous êtes d’accord avec vous-même que vous formez une Église !