Le chemin le plus innocent vers l’enfer
Note du traducteur à l’intention des lecteurs :
Dans l’article suivant, Greg Morse fait hommage au théologien C.S. Lewis et son livre « Tactique du diable ».
Dans ce dernier, C.S. Lewis invente des lettres fictives que deux démons s’échangeraient : Screwtape et Wormwood. Dans ces dernières, Screwtape conseille Wormwood, son apprenti, à mieux tenter les chrétiens.
Le but de C.S. Lewis était bien sûr d’avertir les chrétiens sur les dangers spirituels de la vie chrétienne de façon humoristique.
Greg Morse reprend ici le flambeau et invente une nouvelle lettre que Grimgod envoie à Globdrop.
Mon cher Globdrop,
Tu te plains du peu de progrès que tu as à signaler ces dernières semaines. Ton homme n’a pas dévalé la pente aussi rapidement que tu l’avais espéré. La mouche a évité les vieilles toiles, et cela te décourage. Tu jures, cependant, que les chiffres posés sur mon bureau ne disent que des demi-vérités : un calendrier plein, et non un cœur plein, donne à la vermine l’apparence d’un progrès moral. Pendant ce temps, tu attends des moments d’inaction pour « t’y remettre ».
Retourner à quoi ? Piéger ton homme par le bas – ou autre chose ? Neveu, je peux entendre ton bâillement depuis le quartier général. Tu t’es lassé des « pentes douces, aux pieds souples » au profit de ces « puissantes dégringolades » dont tu parles. Nos méthodes traditionnelles ne te conviennent pas. L’orgueil, mon neveu, produit des démons affamés. Le doux croquant du fruit défendu a suffi à notre Maître, mais tu veux plus d’explosion, n’est-ce pas ?
Ne te méprends pas : nous aimons les adultères, les voleurs et les meurtriers. Mais ce sont des mets délicats, pas le plat principal. As-tu oublié que la plupart de ceux qui tombent dans la maison de notre Père ne s’attendaient pas à y arriver ? Ils se croyaient assez bons, si ce n’est pour mériter le paradis, sans doute pour éviter l’enfer. La plupart d’entre eux voulaient – toujours plus tôt que plus tard – réfléchir aux plus grandes questions de la vie, se concentrer davantage sur l’Ennemi, ou (re)venir à l’Église. Mais la mort les a fait sursauter. Bien qu’ils n’aient jamais eu l’occasion de s’en soucier, ils en ont néanmoins reçu une.
Le chemin le plus innocent vers l’enfer
Globdrop, le plat principal est constitué de personnes terriblement préoccupées qui, par ailleurs, sont actuellement occupées (pas accidentellement, d’ailleurs) par des questions plus urgentes. Ton homme n’a pas besoin de purger une peine de prison ni de brûler la ville. Il doit simplement, innocemment, continuer à croire que l’éternité est l’affaire de demain. La procrastination spirituelle, bien qu’elle ne soit pas aussi caressante pour l’ego, a été notre toile la plus collante au cours des deux derniers siècles. Le chemin le plus commun vers l’enfer déstabilise le moins.
Avance doucement, alors, avance doucement. Ne cherche pas à l’attirer de nouveau vers le vomi de l’année dernière. Noie-le dans de nouvelles piscines. Plus bas et plus loin, étape par étape, à mesure que les eaux montent.
Remplis la pièce de souris
Comment, tu te demandes peut-être, arriver à lui faire oublier son Dieu et sa propre âme pendant toute une vie ? Eh bien, comme l’a demandé un de leurs soldats, comment cacher un rhinocéros debout au milieu d’une pièce ? Remplis la pièce de millions de souris.
Diversion, neveu, diversions sans fin. Libère les souris : des carrières dévorantes, des vidéos YouTube, des fêtes d’anniversaire, de la vaisselle sale, des enfants qui pleurnichent, des vacances de rêve, des tâches ménagères, des clics, des frappes de clavier, des défilements – toujours quelque chose pour le distraire de l’Ennemi. Nous devons créer cette âme surstimulée, surcaféinée, qui ne supporte pas l’inactivité. Une âme qui ne trouve pas le repos avec un livre, un regard fixe par la fenêtre ou une soirée tranquille laissée seule.
De tels esprits agités ne peuvent pas se consacrer à la prière, ni s’asseoir calmement avec la parole misérable de l’Ennemi. Fais ton travail efficacement, et au fil du temps, tu pourras le manipuler pour qu’il accueille de telles distractions comme un soulagement de l’enfermement solitaire de la redoutable vie religieuse. Il peut en venir à espérer voir que les stores ont besoin d’être dépoussiérés, que la vaisselle doit être faite et que le chien a besoin d’être promené. Tout sauf l’immobilité – tout sauf le silence. Sois toujours prêt à lui tendre le balai affairé de Martha.
Fais-le reporter toutes ses résolutions à demain
Voici maintenant un extrait de mon prochain livre qui, bien que traitant du péché sexuel, s’applique en principe à ta situation actuelle :
Règle n°164 : La doctrine de la sainteté du lendemain
Laisse la vermine admirer la sainteté – tant qu’il ne s’agit que de la sainteté du lendemain. Ne crains jamais les « résolutions pures » tant qu’elles visent autre chose que le présent. Permets-leur d’apprécier la pensée de la chasteté tout en étant actuellement non chaste. Laisse-les estimer hautement l’abstinence, pratiquer l’indulgence et se croire meilleurs pour avoir estimé hautement l’abstinence. (Ne leur laisse pas voir la contradiction.) Permets-leur de s’imaginer gentiment qu’ils habitent la sainteté de demain simplement parce qu’ils l’apprécient aujourd’hui.
Dans ta situation, alors : laisse-le s’imaginer gentiment que ses vagues projets d’adopter la foi demain excusent sa négligence d’aujourd’hui. Lorsque l’Ennemi lui dit : « Suis-moi », réconforte-le en répondant : « Oui, Seigneur ! » même s’il le fait suivre de « Mais laisse-moi d’abord… ». Et pendant qu’ils enterrent leurs morts, achètent des champs ou examinent leurs biens – de délicieux alibis pour des crimes dont nous les accuserons bientôt – enseigne-leur que vouloir suivre, chercher et obéir un jour est pratiquement impossible à distinguer de le faire réellement. Réconforte-le dans ses bonnes intentions de suivre le Sauveur demain, la semaine prochaine, ou « quand la vie se calmera ». Nous savons de quoi est pavée la route de l’enfer.
Fais en sorte qu’il reste « gentil »
C’est là que ton désir de tuer par balle se retourne contre toi. Les grands péchés peuvent réveiller la pensée et secouer une conscience endormie. Au lieu de cela, prêche notre béatitude préférée pendant sa saison chargée : « Heureux les gentils, car le royaume est à eux. » Quel royaume ? Précisément.
Félicite-le qu’il ne mijote pas dans l’ivresse, n’enseigne pas nos doctrines et n’abuse pas de ses proches. Il est gentil. « Gentil », Globdrop, contraste fortement avec les malédictions telles que « juste », « saint » ou « pur ». En effet, c’est notre substitut sans sucre. Ça a le goût de la sainteté, ça promet d’acquitter comme la justice et ça soulage la conscience comme la pureté – tout en engraissant pour le jour de l’abattage.
Tu vois notre génie, mon neveu ? Tu n’as pas besoin de t’embêter avec ces chutes puissantes. Rends-le tranquillement négligeant, occupé, tempérant. Assure-lui que l’Ennemi est obligé de le sauver tant qu’il ne « dégringole pas ». Nous savons comment ça se termine. Si nous les présentons à l’Ennemi tièdes, il promet de les recracher – et nous sommes loin d’être aussi exigeants.
Fais-le descendre doucement le courant
N’oublie pas que c’est l’Ennemi lui-même qui a fixé la norme excessive suivante : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. » Tout ce qui est moins que « l’amour suprême » et l’allégeance indivisible ne suffira pas. S’ils sont amis avec le monde, ils sont ennemis avec lui. Il a construit de hauts murs et n’a coupé qu’un chemin étroit. Notre chemin est beaucoup plus large.
Aujourd’hui, son misérable Créateur appelle ta vermine, l’implorant de venir. Il promet que s’il veut bien chercher – et se donner à la recherche – il trouvera sans aucun doute. Plus de tâches. Plus de caféine. Plus de télévision. Fais sortir les souris.
Tu auras peut-être plus de satisfaction à tirer de ta proie et à l’entendre couiner, mais notre Maître nous assigne à noyer tranquillement les âmes sous des ruisseaux calmes. Ne te lasse jamais de cela. Envoie-le dans les couloirs du Titanic pour nettoyer les chambres et réparer les robinets. Ne le laisse pas remarquer le déclin subtil ni se soucier des supplications frénétiques des autres personnes à bord. Il se portera bien. Plus bas, plus loin. Quel est le pire qui puisse arriver ?
Ton oncle qui attend de tes nouvelles avec impatience,
Grimgod
Cet article est une traduction de l’article anglais «The Most Innocent Way to Hell» du ministère Desiring God par Timothée Davi.