Le chrétien doit-il traiter durement son corps ? (John Piper)
Il est erroné d’affirmer sans aucune réserve (comme le fait Keith Main) que « Paul détourne délibérément l’attention des disciples du jeûne et de toute autre forme d’ascétisme, en faveur de la prière, du service, et du travail pour le royaume ». Je suis d’accord avec la dimension positive de la seconde partie de la phrase, mais pas avec celle, négative, de la première partie.
Des armes dans le combat de la foi
Je dirais que Paul dirige justement notre attention vers le jeûne et bon nombre d’autres pratiques d’abnégation, non pas pour obtenir des mérites via ces rituels religieux, non comme des buts en soi, mais comme des armes dans le combat de la foi. Lorsque Paul fait la liste de ses épreuves, il mentionne le jeûne à deux reprises :
« J’ai connu le travail et la peine, j’ai été exposé à de nombreuses privations de sommeil, à la faim et à la soif, à de nombreux jeûnes, au froid et au dénuement » (2 Corinthiens 11 : 27 ; cf. 2 Corinthiens 6 : 5).
Paul est cohérent avec sa façon de maîtriser les appétits de son corps.
« Moi donc, je cours, mais pas comme à l’aventure ; je boxe, mais non pour battre l’air. Au contraire, je traite durement mon corps et je le discipline, de peur d’être moi-même disqualifié après avoir prêché aux autres » (1 Corinthiens 9 : 26-27).
La clé pour éviter d’être « disqualifié »
Ce qui signifie, je suppose, que Paul considérait certaines disciplines ascétiques comme des armes utiles dans le combat de la foi. Rester fermement attaché à Christ par la foi est la clé pour éviter d’être « disqualifié ». C’est ce qui ressort clairement, par exemple, de Colossiens 1 : 22-23 : Christ va un jour nous faire paraître devant Dieu saints, sans défaut et sans reproche, « mais il faut que vous restiez fondés et inébranlables dans la foi, sans vous détourner de l’espérance de l’Évangile ». La foi persévérante est la clé qui nous permettra d’être acceptables devant Dieu au dernier jour.
« Traiter durement son corps » selon Paul
Selon Paul, « traiter durement son corps » est une des armes dans le combat de la foi. Il n’était pas sans savoir que les désirs du corps sont aussi délicieux que trompeurs :
« le vieil homme […] se détruit sous l’effet de ses désirs trompeurs » (Éphésiens 4 : 22).
La nature de cette tromperie est de nous entraîner subtilement à vivre pour la « jouissance éphémère » du corps et de l’esprit. Dans quel but ? Pour nous détourner des délices spirituels que sont connaître et servir Dieu. Ces jouissances sont innocentes au départ : quel plaisir de manger, de lire un bon livre, de se détendre ou de jouer ! Mais quand nous recherchons ces jouissances comme une fin en soi, elles étouffent notre faim spirituelle de Dieu. Paul traite durement son corps afin de se mettre à l’épreuve : ai-je faim de Dieu ? Ma foi est-elle réelle ? Ou serais-je plutôt en train de devenir esclave du confort et des plaisirs du corps ? La passion de son cœur est perceptible :
« je ne me laisserai pas dominer par quoi que ce soit » (1 Corinthiens 6 : 12).
Cela ne ressemble pas à l’orgueil d’une stoïque exaltation du moi. C’est la résolution passionnée de résister à tout ce qui peut séduire le cœur et l’éloigner d’une satisfaction en Dieu qui domine tous les domaines de la vie.
Se préparer au ciel
Il y a quelques années, je venais de terminer de prêcher sur le jeûne et la prière, quand un jeune homme est venu me voir. Il m’a raconté une histoire qui illustre bien comment un traitement dur infligé au corps, associé à la prière, peut préparer une personne au ciel. J’avais mentionné l’Église de Corée du Sud comme modèle dans ce domaine. C’est ce qui a conduit le jeune homme à venir me parler à la fin du culte :
J’ai grandi sur le champ missionnaire coréen. C’est là qu’une expérience est restée gravée à tout jamais dans mon esprit. Elle témoigne du dévouement et des sacrifices qui caractérisent la vie de prière et de jeûne en Corée. Mon père travaillait dans une colonie de lépreux. Ses collègues et lui se réunissaient pour prier à 4 heures du matin. Je n’étais qu’un petit garçon, mais mon père m’emmenait avec lui. Il me réveillait à 3 h 30 pour arriver à l’heure. Il m’asseyait au fond de la pièce, d’où je pouvais apercevoir l’entrée. Je n’oublierai jamais un homme en particulier: il n’avait ni jambes ni béquilles et utilisait ses mains pour ramper sur le sol. Il se traînait ainsi tous les matins afin d’être présent pour la prière. À 4 heures du matin. Je ne l’oublierai jamais.
Se lever tôt est une forme de jeûne. Et venir prier quand c’est compliqué de venir en est une autre. Quand nous faisons de tels choix, nous entrons en guerre contre la duplicité de nos désirs. Nous proclamons que la prière est plus précieuse que tout. Nous proclamons que Dieu vaut mieux que tout le reste.
Cet article est tiré du livre : Jeûner de John Piper