Le duel des royaumes et le chaos des relations (Paul Tripp)
1 D’où viennent les conflits et d’où viennent les luttes parmi vous ? N’est-ce pas de vos passions qui combattent dans vos membres ? 2 Vous désirez et vous ne possédez pas ; vous êtes meurtriers et jaloux, et vous ne pouvez rien obtenir ; vous avez des luttes et des conflits. Vous ne possédez pas parce que vous ne demandez pas. 3 Quand vous demandez, vous ne recevez pas parce que vous demandez mal, dans le but de satisfaire vos passions.
4 Adultères que vous êtes ! Ne savez-vous pas que l’amour pour le monde est synonyme de haine contre Dieu ? Celui donc qui veut être l’ami du monde se fait l’ennemi de Dieu. 5 Croyez-vous que l’Ecriture parle sans raison ? C’est avec jalousie que Dieu aime l’Esprit qui habite en nous. 6 Cependant, la grâce qu’il accorde est plus grande encore, c’est pourquoi l’Ecriture dit : Dieu s’oppose aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles.
7 Soumettez-vous donc à Dieu, mais résistez au diable et il fuira loin de vous. 8 Approchez-vous de Dieu et il s’approchera de vous. Nettoyez vos mains, pécheurs ; purifiez votre cœur, hommes partagés. 9 Ayez conscience de votre misère, soyez dans le deuil et dans les larmes, que votre rire se change en deuil et votre joie en tristesse. 10 Humiliez-vous devant le Seigneur et il vous élèvera.
Jacques 4, 1-10.
Quel lien existe-t-il entre le principe énoncé ci-dessus et les conflits ? Il en révèle la cause. Jacques relie les conflits sur le plan horizontal à la guerre intérieure faisant rage entre le royaume de la création et le royaume de Dieu. Précisons davantage. Si mon cœur est dominé par un certain désir, il existe deux manières de réagir à votre égard. Si vous m’aidez à obtenir ce que je veux, tout va bien. Mais si vous contrecarrez mes plans, je deviens irrité, frustré et découragé quand je vous rencontre. Il m’arrivera même de vouloir que vous disparaissiez de ma vie.
Vous n’êtes pas la cause véritable de mon problème, pas plus que nos circonstances communes. Un désir légitime s’est emparé de mon cœur et y exerce maintenant un contrôle absolu. En fait, il détient un pouvoir tel qu’il n’est plus légitime. Il a pris des proportions démesurées, conduisant au péché, parce qu’il exerce une autorité souveraine sur mon cœur. Pourtant, cette autorité appartient à Dieu seul qui a envoyé son Fils pour y établir son royaume. L’argument principal que Jacques veut faire ressortir ne concerne pas les désirs malsains (vouloir de mauvaises choses), mais les démesurés (ces derniers, même légitimes, ne doivent jamais prendre le contrôle de mon cœur). Il n’est pas mauvais de vouloir se détendre à la fin d’une longue journée de travail. Par contre, il est mal de me laisser dominer par mon besoin de relaxation au point de m’irriter si on m’empêche de me reposer. Il n’y a rien de mal à souhaiter recevoir de l’affection de la part de votre mari. Cependant, vous péchez si vous laissez ce désir gouverner votre cœur. Son manque d’attention vous rend alors amère toute la journée tandis que le soir, vous vous livrez à des manœuvres manipulatrices pour l’obtenir.
Je vous propose un exemple humiliant de ce principe tiré de ma propre expérience. Un mercredi soir, je rentrais à la maison me sentant complètement épuisé. J’aime cuisiner, car cette activité me détend. J’ai donc décidé d’acheter les ingrédients nécessaires à la préparation d’un mets traditionnel cubain. J’entendais déjà la viande saisie dans la poêle et l’odeur du savoureux mélange de tomates, d’ail, de cumin et de citron me chatouillait les narines. J’ai quitté le magasin d’alimentation fatigué, mais satisfait, anticipant la joie que ce repas procurerait à ma femme qui est née et a grandi à Cuba. Je pensais à nos enfants qui aiment beaucoup les haricots noirs et le riz. Ils ne tariraient pas d’éloges à mon sujet : « Comme nous sommes bénis ! Notre papa cuisine si bien ! » La vision de notre famille heureuse et d’un papa détendu m’a fait sourire, tandis que je garais la voiture.
Cependant, je me trouvais encore derrière le volant quand ma fille, courant vers moi, m’a dit qu’elle devait se rendre d’urgence en ville (un trajet d’une heure aller-retour). Je n’en croyais pas mes oreilles! Réussissant à peine à contenir mes émotions et mes cris de protestation, j’ai conduit ma fille à destination, dans un silence irrité. Sur le chemin du retour, je me suis répété le discours classique : « Ces choses-là n’arrivent qu’à moi ! » À quelques rues de la maison, j’ai reçu un appel de Luella qui devait rencontrer quelqu’un avant de rentrer du travail et me suggérait de ne pas l’attendre pour manger. Elle me demandait également de faire un saut à l’épicerie parce qu’il ne restait plus rien pour préparer le repas du lendemain midi de notre fils Darnay, étudiant au niveau secondaire à l’époque. Alors que mon délicieux repas cubain se décomposait dans le coffre de la voiture, je me suis rendu à un autre magasin d’alimentation. Néanmoins, je n’étais plus l’homme heureux qui souriait une heure auparavant ! J’ai lancé quelques articles dans le panier et en arrivant à la caisse, j’ai ouvertement manifesté mon impatience à l’égard d’une femme âgée qui ne trouvait pas de stylo pour signer son chèque.
Je suis finalement revenu à la maison une heure et demie plus tard et j’y ai trouvé Darnay qui m’attendait à la porte. Il brandissait une feuille de papier énumérant les caractéristiques précises d’une calculatrice scientifique dont il avait besoin le lendemain pour son cours de mathématique. Il avait à peine terminé sa phrase que j’ai explosé : « Pour qui me prenez-vous ? Le commissionnaire de l’univers ? Sais-tu quelle sorte de journée j’ai passée ? Comment se fait-il que tu n’apprennes pas vraiment les mathématiques, et que tu apprennes plutôt à utiliser une calculatrice qui fait le travail à ta place ? Je paye tes frais de scolarité pour qu’on t’enseigne des choses importantes ! » Je suis retourné à la voiture et il m’a suivi – très loin derrière.
Pendant que j’attendais à l’extérieur du magasin, j’ai réfléchi à mes espoirs déçus, souhaitant qu’on s’occupe un peu de moi et irrité contre ceux qui m’avaient empêché de réaliser mes projets. J’ai suggéré que nous achetions deux pizzas et nous avons poursuivi le trajet jusqu’à la maison sans dire un mot. En arrivant, j’ai rangé les ingrédients de mon mets cubain et me suis assis au salon pour bouder.
Je vous explique le but de mon histoire. Les situations et les gens sur mon chemin n’ont pas déclenché ma colère. Elle a été causée par un désir tout à fait légitime qui a fini par me gouverner. Après avoir acheté les ingrédients nécessaires à la préparation de mon repas cubain, je souhaitais passer une soirée relaxante et il était hors de question que j’y renonce. Cependant, Dieu en avait décidé autrement. Il m’offrait l’occasion de le servir en servant les miens. J’aurais pu recevoir une grande bénédiction, celle de donner ma vie avec joie pour les membres de ma famille. Pourtant, je n’ai rien vu, aveuglé par des désirs personnels dominant mon cœur. Au-delà de ce conflit se déroulait une guerre pour s’emparer du contrôle de mon cœur.
Cet article est un extrait de Instruments entre les mains du rédempteur par Paul Tripp.