Le procès de Jésus — le volet religieux (Sinclair Ferguson)
Note de l’éditeur : Ceci est le deuxième article d’une série pascale. Pour lire le premier article, c’est par ici.
Les principaux sacrificateurs ainsi que les docteurs de la loi posent la première question lorsqu’ils se retrouvent réunis dans le Conseil juif (le sanhédrin) : « Tu es donc le Fils de Dieu ? » (Luc 22:70)
Fils de l’homme et Fils de Dieu ?
La vérité ne les intéresse pas vraiment. Ils s’adonnent en fait à une forme de torture à la fois mentale et physique. Soit ils détruiront Jésus, soit lui-même se détruira par une parole blasphématoire.
La question : « Prétends-tu être le Fils de Dieu ? » jaillit de ce que Jésus vient de déclarer :
« Désormais le Fils de l’homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu » (v.69).
Jésus est pratiquement le seul à se donner le titre « Fils de l’homme ». En dehors des évangiles, le seul à l’utiliser est Étienne lors de son martyre :
« Voici, je vois les cieux ouverts, et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu » (Actes 7:56).
Les disciples les plus proches de Jésus — qui l’entendirent souvent se servir de ce titre — ne l’ont apparemment jamais désigné comme « le Fils de l’homme ». Lui-même se l’est appliqué dans une quarantaine d’occasions différentes.
Quelle leçon sommes-nous censés en tirer ? Le Seigneur s’attribua ce titre de trois façons ou dans trois contextes :
Ces trois contextes donnent à penser que le titre « Fils de l’homme » ne désigne pas la nature humaine de Jésus, comme l’expression « Fils de Dieu » décrit sa nature divine. Il ne fait aucun doute que le titre « Fils de l’homme » est utilisé dans le contexte de l’abaissement de Jésus pour exprimer son humilité et son humanité, mais il implique bien davantage.
La vision de Daniel
L’usage de ce titre découle en partie de Daniel 7:13,14 :
« Je regardai pendant mes visions nocturnes, et voici, sur les nuées des cieux arriva quelqu’un de semblable à un fils de l’homme ; il s’avança vers l’Ancien des jours, et on le fit approcher de lui. On lui donna la domination, la gloire et le règne ; et tous les peuples, les nations, et les hommes de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit. »
Daniel aperçoit Dieu le Père, l’Ancien des jours, assis sur son trône étincelant de gloire et de majesté, entouré de sa cour céleste. Dans sa vision, quelqu’un vient sur les nuées du ciel vers l’Être glorieux. Il semble se servir des nuées comme d’un char triomphal pour s’approcher du trône de la majesté céleste. Il se présente pour être élevé et il reçoit du Très-Haut toute autorité dans les cieux et sur la terre.
Ceci est évidemment un portrait de l’identité cachée du Seigneur Jésus. C’est lui le Fils de l’homme, le seul qui soit qualifié pour prendre place à la droite de la majesté divine. Ainsi, par son emploi de l’expression « Fils de l’homme », Jésus unit le fait de sa venue pour partager notre nature humaine et le fait qu’il a accompli pour nous ce que nous étions incapables de faire par nous-mêmes. Il vint pour nous secourir et souffrir à notre place. Puis il remonta pour reprendre sa place légitime à la droite de la majesté divine, en tant que Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Le Fils de l’homme passa de son humiliation au trône suprêmement élevé où il est allé s’asseoir ; il partagera son triomphe et sa gloire avec tous les saints (Daniel 7:18).
L’identité de Jésus
Les chefs religieux du temps de Jésus connaissent assez Daniel 7 pour comprendre que ce que dit Jésus. Quand ils lui demandent s’il est le Fils de Dieu et qu’il leur répond qu’ils verront le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu, ils comprennent bien le sens de sa déclaration. Or, ils le maltraitent. Il est leur prisonnier, humilié, faible, prêt à connaître un rejet plus cruel et l’humiliation. Ils s’efforcent de le pousser à une confession pour pouvoir le condamner sans avoir à passer par un procès. Mais Jésus leur répond avec une dignité royale : « Le Fils de l’homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu. » Ils se précipitent immédiatement sur lui pour l’hallali, les couteaux affûtés pour le dépecer : « Tu es donc le Fils de Dieu ? » Il rétorque : « Vous le dites, je le suis » (Luc 22:70). Ils s’écrient :
« Nous l’avons entendu nous-mêmes [à savoir “le blasphème”] de sa bouche » (v.71).
Oui, Jésus vient de confesser sa véritable identité. Non, il n’est pas coupable de blasphème, absolument pas.
Ces chefs ne cherchent pas à creuser plus loin la véracité ou la légitimité de la déclaration de Jésus. Ils n’ont aucun intérêt à le faire. La déclaration elle-même suffit pour qu’ils s’écrient : « Blasphème ! Nous n’avons pas besoin d’autre témoignage. Nous n’avons plus besoin de soudoyer des faux témoins. Nous pouvons nous dispenser d’un procès en bonne et due forme. Nous l’avons entendu de ses propres lèvres. Nous sommes témoins que cet homme a déclaré être le Fils de l’homme et le Fils de Dieu. » Ils accusent donc Jésus de blasphème et le condamnent pour cela.
Il fallait transformer l’accusation
La sanction normale encourue pour ce crime était la mort. Mais — en serpents rusés qu’ils sont — les chefs savent que cette accusation ne tiendra pas devant les autorités séculières. Elle n’a pas assez de poids pour amener les Romains à faire exécuter Jésus. En effet, la théologie de l’Empire romain laisse de la place pour tout un panthéon de personnages divins. Quel mal y a-t-il à en inclure un de plus tant qu’il confesse « César est Seigneur » ?
La suite du récit montre que toute l’assemblée se lève et conduit Jésus chez Pilate.
Mais là, l’accusation portée contre lui change de nature. Devant le gouverneur romain, les chefs juifs ne l’accusent plus de blasphème, ce qui n’aurait aucun poids, mais de subvertir la nation, de s’opposer au paiement de l’impôt dû à César et de se prétendre « Christ, roi » (Luc 23:2).
Ponce Pilate, le gouverneur romain, est un homme cupide, cruel et inflexible, qui dédaigne les Juifs et les traite avec mépris. Mais à ce moment de sa vie, sa carrière semble avoir été en danger. Cela peut expliquer sa faiblesse lors du procès de Jésus. La simple mention du mot roi suffit à le rendre nerveux.
Cela nous conduit à la deuxième question qui domine ce passage, nous la verrons demain.
Cet article est tiré du livre : Sola Gratia de Sinclair Ferguson