L’Écriture, la volonté de Dieu, et la vraie justice (Jason Zuidema)

La grande satisfaction de Farel liée à l’enseignement de l’Écriture était évidente à l’époque de ses études à Paris ; toutefois, elle s’affirma au contact d’autres réformateurs. La mission de sa vie fut distincte assez tôt dans sa carrière : donner à son prochain l’occasion de lire l’Écriture de la même manière qu’il en avait l’occasion. Le facteur déterminant dans cette lecture était la clarté fondamentale de l’Écriture sur la question du salut. 

La théologie du Sommaire

Par exemple, considérons la théologie du Sommaire, son petit manuel doctrinal. Le chapitre quatorze, portant sur la doctrine et les traditions humaines, est capital, car il ouvre la voie à l’essentiel du Sommaire. Farel porte un jugement critique sur les traditions humaines :

Toute doctrine humaine qui se mêle des choses de Dieu se rapportant au salut de l’âme, à l’adoration et au service de Dieu n’est autre chose qu’une abomination devant Dieu, que vanité et mensonge ; c’est une doctrine diabolique, une erreur et une vaine tromperie par laquelle Dieu est servi en vain. Elle provoque l’ire de Dieu sur ceux qui l’observent, à un point tel qu’il les abandonne à leur sens réprouvé. Ils servent ainsi la créature et non le Créateur.

Cette perception de la tradition humaine comme n’étant pas neutre ou indifférente est un thème inhérent aux écrits de la Réforme française en général  : tous les aspects du culte doivent être strictement limités à ce qui peut être prouvé par l’Écriture. En effet, Farel soutient que « plus la doctrine humaine présente l’aspect et la forme de la sainteté, plus elle est dangereuse ». Le seul test convaincant de la bonne utilisation des aspects externes du culte est l’examen de l’Écriture : on ne peut connaître la plante qu’en considérant ses racines. 

Le péché affecte tous les aspects de la vie humaine

Dans la pensée de Farel, la volonté et le cœur humains sont fondamentalement pécheurs ; le péché affecte tous les aspects de la vie humaine. Dans le chapitre deux du Sommaire, Farel écrit : 

« L’homme est méchant, ne pouvant rien, fou et téméraire, ambitieux, plein de fausseté et d’hypocrisie, inconstant, variable, ne pensant qu’au mal et au péché, dans lequel il est né et a été conçu. » 

Farel établit manifestement le lien entre l’entêtement originel d’Adam dans la désobéissance et la corruption perpétuelle de sa descendance, la race humaine. Farel fait valoir que les humains sont incapables de mériter la grâce de Dieu : ils aggravent leur cas continuellement aux yeux de Dieu. Pour cette raison, Jésus-Christ, lui qui fut capable de soumettre sa volonté à celle de son Père, s’est chargé du péché de l’humanité afin de réconcilier le monde avec son Père. Il est intéressant de noter que Farel mentionne, à plusieurs reprises, que Dieu n’a pas sauvé le monde par amour pour nous, mais par « amour pour lui-même ». Naturellement, Farel rejette donc toute idée selon laquelle les bonnes œuvres de l’homme peuvent lui faire mériter la grâce de Dieu. 

L’homme ne peut vivre devant Dieu que par la foi

Farel écrit que l’homme ne peut vivre devant Dieu que par la foi. Quand il parle de justice, les thèmes suivants sont mis en évidence : 

« La justice est la véritable image de Dieu qui affiche la régénération produite par la Parole de Dieu, reçue par la foi, et inscrite dans les cœurs des fils de Dieu. Par elle, l’homme, mort à lui-même et ayant renoncé à toutes choses, aime Dieu par-dessus tout. Son cœur est établi sur la sainte loi, arraché à toutes les choses terrestres, et désirant ardemment les choses célestes. »

C’est un point intéressant à noter, cette simple théologie en « noir et blanc » de Farel. Dans ses écrits, on est frappé par la simplicité apparente des problèmes de la vie religieuse. On note un contraste fondamental entre l’enseignement catholique romain condamnable et la position explicite de l’Écriture. Le problème est qu’au fil du xvie  siècle, d’autres lectures de passages clés de l’Écriture seront présentées, à la fois par les réformés et les catholiques. Farel ne fait certainement pas partie de la génération suivante d’érudits réformés qui réclame une perspective systématiquement nuancée et raffinée sur l’ensemble des sujets bibliques et théologiques à débattre. 


Cet article est tiré du livre : Guillaume Farel de Jason Zuidema