Les signes visibles de la grâce invisible
Premièrement, on n’est pas sauvés par les sacrements, mais par la foi seule.
Dans l’Église médiévale, de nombreux chrétiens approchaient les sacrements avec superstition. C’est pour cette raison que les réformateurs désapprouvaient l’expression latine ex opere operato (« par le fait même que l’action est accomplie »). L’Église catholique romaine enseignait que les sacrements étaient objectivement efficaces sur la base de l’administration des sacrements eux-mêmes. Dans la mesure où ex opere operato insiste sur la validité des sacrements malgré l’indignité morale de celui qui les administre, l’expression est valide. Mais selon la compréhension catholique romaine de la locution ex opere operato, de nombreux pratiquants s’attendaient à ce que la grâce soit communiquée au moyen d’une sorte de magie, indépendamment de leur foi. Pourtant, la Bible est claire : nous ne sommes pas sauvés en vertu de notre baptême ou de notre communion ; il nous faut la foi. Les sacrements sont un moyen de grâce si et seulement si on reçoit par la foi les vérités de l’Évangile promises dans les éléments.
Deuxièmement, les réformateurs, contrairement à l’Église catholique romaine, étaient d’accord pour dire que le nombre de sacrements institués par le Christ était de deux : le baptême et la sainte cène.
L’Église catholique romaine possède cinq autres sacrements, aucun n’étant explicitement institué par le Christ ni attaché à une promesse. La confirmation – oindre pour le salut au nom du Dieu trine – n’est nulle part exigée dans les Écritures. L’ordination, ou l’imposition des mains, se trouve dans la Bible, mais le régime d’ordination dans l’Église catholique romaine est un concept élaboré après que le canon biblique a été arrêté. La confession indique notre besoin de nous rappeler le pardon des péchés, mais se souvenir de son baptême revient au même. L’extrême-onction, ou derniers sacrements, ou l’onction des malades avec de l’huile sainte, trouve ses racines dans Jacques 5, mais le signe n’est pas ordonné par le Seigneur. Le mariage vu comme un sacrement provient d’une mauvaise traduction d’Éphésiens 5.32 dans la Vulgate latine. En revanche, le baptême est nécessaire pour tous les disciples comme symbole du pardon des péchés (Mt 28.19 ; Ac 2.38) et la sainte cène a clairement été instituée par le Christ (1 Co 11.23s) et célébrée régulièrement, si ce n’est toutes les semaines (Ac 2.42).
Troisièmement, les réformateurs s’accordaient à dire que les sacrements ne pouvaient en aucune manière s’ajouter au sacrifice unique du Christ sur la croix ni le répéter.
Les sacrements « n’accomplissent » rien, parce que l’œuvre du Christ est déjà accomplie. Comme nous le verrons dans le trentième dimanche, les catholiques romains voyaient la messe comme une reconstitution de la mort de Jésus, mais cette interprétation accorde trop d’importance aux signes et aux sceaux. Le Catéchisme a raison : « tout notre salut repose sur le sacrifice unique du Christ, offert pour nous sur la croix ».
Quatrièmement, comme nous venons de le voir, les sacrements sont des signes et des sceaux.
Nous venons à la foi en entendant l’Évangile, pas par les eaux du baptême ni en prenant du pain et du vin. Les sacrements ne donnent pas naissance à la foi ; ils la confirment, nous font comprendre les promesses de l’Évangile plus clairement et nous assurent de notre salut. Comme nous le verrons dans les dimanches suivants, les sacrements sont là pour nourrir notre foi, nous affermir, nous soutenir et nous assurer de la faveur de Dieu. Ils constituent de saints signes représentant les réalités spirituelles de l’Évangile, ainsi que des sceaux nous rappelant les sûres promesses de Dieu.
Le but principal de ces signes et de ces sceaux est que nous voyions les sacrements. D’où la définition maintes fois citée d’Augustin selon laquelle les sacrements sont les moyens visibles de la grâce invisible. On oublie souvent, à l’heure où les cultes se doivent de faire appel aux sens et aux styles d’apprentissages visuels, que Dieu nous a déjà donné sa propre façon d’utiliser nos sens pendant le culte. Il nous a donné les sacrements pour que nous puissions voir, sentir, goûter et toucher les mêmes promesses de l’Évangile que nous entendons proclamées dans la prédication de la Parole.
Cet article est tiré du livre : La Bonne Nouvelle presque oubliée de Kevin DeYoung