L’honnêteté est la meilleure pratique (Dan G. McCartney)

À la fin du livre de Job, Dieu félicite Job d’avoir parlé justement à son sujet (Job 42.7), car Job est resté complètement honnête. Les cris qu’il a adressés à Dieu sont l’exemple de cris d’un honnête croyant. Bien que les questions de Job aient « obscurci les desseins de Dieu » (Job 38.2), il n’a jamais cessé d’appeler Dieu à l’aide. Dans le Nouveau Testament, Jacques fait référence à Job comme étant un grand exemple de souffrance et de patience (Jacques 5.10-11).

Job ne nous apparait pas comme un grand modèle en ce qui a trait à la patience ou à la piété; il se plaint amèrement chapitre après chapitre. Dans les premiers chapitres, il se plaint dans la confusion, mais au fur et à mesure que le récit progresse, il accuse Dieu directement. Cela devrait nous montrer que la réponse adéquate à la souffrance ne consiste pas à « serrer les dents et à la supporter sans rien dire », ni à déclarer des platitudes pieuses. La persévérance de Job consiste à s’accrocher continuellement à Dieu; il a continué à frapper à la porte de Dieu jusqu’à ce qu’il obtienne une réponse. C’est ce qu’un enfant fait avec un parent en qui il a entièrement confiance. Lorsque les circonstances vous amènent vous, enfant de Dieu, à douter de votre confiance, vous voulez être rassuré. Il est tout à fait légitime de vouloir être rassuré, de désirer une preuve que Dieu vous aime encore au milieu de vos souffrances.

Il est insensé de fabriquer une fausse culpabilité

Il serait donc insensé d’essayer de fabriquer une culpabilité artificielle pour « justifier » Dieu, ou pour le pousser à nous laisser tranquilles. Malheureusement, c’est souvent notre réaction à l’égard de la souffrance. De nouveau, la présupposition est que toute souffrance est directement liée à nos propres actions. Les amis de Job ont été repris parce qu’ils ont essayé de « justifier » Dieu, et Job a été félicité parce qu’il n’a pas succombé à leurs arguments en faisant semblant d’être coupable. Au milieu de la souffrance, il est bien sûr parfaitement compréhensible de tenter n’importe quoi pour que Dieu « ne s’acharne pas sur nous », parce que nous sommes alors accablés par le besoin que la souffrance cesse. Les gens qui n’ont pas connu de grande souffrance éprouvent de la difficulté à réaliser à quel point ce besoin peut devenir écrasant. Quoi qu’il en soit, chercher à manipuler Dieu pour qu’il nous soulage de nos souffrances revient à essayer de l’abaisser à n’être qu’un petit dieu capricieux, ce qui est courant dans les religions païennes, et Dieu ne se laisse évidemment pas réduire au rang d’une divinité païenne.

La leçon de Job, qui consiste à demeurer tout à fait honnête, est donc importante si nous voulons nous approcher de Dieu. Nous ne pouvons cacher nos vrais sentiments à Dieu, et il insiste pour que nous ne cherchions pas à le faire. Malheureusement, certains chrétiens pensent qu’une telle honnêteté est déplacée.

Il y a quelques semaines, une page insérée dans le programme de mon église parlait de la prière, et demandait s’il est juste de « dire à Dieu comment nous nous sentons ». Le document répondait que « non – nous devons toujours nous approcher de Dieu avec des cœurs reconnaissants », comme s’il était possible de cacher à Dieu ce que nous ressentons.

Les personnages bibliques s’ouvrent à Dieu

La Bible ne dit pas une telle chose. Non seulement Job, mais la plupart des personnages bibliques, y compris ceux qui écrivaient sous l’inspiration, étaient très ouverts concernant leurs sentiments. Jérémie s’écrie à Dieu : « Tu m’as séduit, Éternel » (Jérémie 20.7). Noémi s’exclame : « Ne m’appelez pas Noémi; appelez-moi Mara, car le Tout-Puissant m’a rendu la vie bien amère! » (Ruth 1.20). Le psalmiste s’écrie : « Pourquoi m’as-tu abandonné? » (Psaume 22.1). Ces écrivains bibliques étaient-ils tous en train de pécher à cause de leurs luttes vis-à-vis de Dieu? La prière de Jésus était-elle inappropriée lorsqu’il s’est écrié : « Pourquoi m’as-tu abandonné? » Les auteurs du livre des Psaumes péchaient-ils lorsqu’ils se contentaient de crier à Dieu, sans même le remercier? Les amis de Job ont réellement insinué que Job avait tort d’exprimer à Dieu ses émotions négatives (ex. Job 15.25), mais ils ont été repris à cause de leur malhonnêteté. Même si les auteurs bibliques avaient péché en accusant Dieu, il aurait été bien pire qu’ils tentent de cacher leurs luttes. L’honnêteté est bien plus importante pour Dieu que la gentillesse.

En effet, être choisi par Dieu signifie faire partie de ceux qui luttent avec lui, comme le nom « Israël » l’indique (voir Genèse 32.28). Jacob a été nommé Israël parce qu’il a lutté avec Dieu. La nation d’Israël était également la nation qui luttait avec Dieu. Pour obtenir la bénédiction de Dieu, il ne faut pas laisser tomber, ni refuser d’engager le débat avec lui. Un refus passif de mener cette lutte suggère simplement qu’on n’accorde pas de valeur à la relation – on veut seulement éviter les conflits. Il est vrai que notre vie avec Dieu est une lutte parce que nous sommes encore pécheurs, mais le fait de chercher à éviter cette lutte honnête avec Dieu ne fait qu’aggraver le péché. Nous n’avons pas besoin de justifier Dieu, par contre, nous devons absolument le rencontrer.

L’exemple de Luther

Martin Luther était un grand exemple d’honnêteté avec Dieu. Quelqu’un lui demanda un jour à un mauvais moment s’il aimait Dieu. La réponse de Luther fut : « Aimer Dieu? Parfois je le déteste. » Luther n’était sûrement pas en train de renier Dieu, et peu de gens ont été aussi passionnément dévoués envers le Seigneur que Luther. Mais il était, comme Job, extrêmement honnête dans sa relation – et regardez comment Dieu l’a utilisé!

L’instruction du Psaume 88

Je crois que le Psaume 88 est particulièrement instructif à ce propos. Dans le Psaume 88, le psalmiste ne reçoit jamais de réponse, n’exprime jamais d’actions de grâce, et ne mentionne jamais la confiance ni l’espoir. Ce psaume se termine avec ces paroles sombres : « Tu as éloigné de moi amis et compagnons; ceux que je connais, (ne sont que) ténèbres. » Mais le psalmiste ne cesse de crier à l’aide à Dieu. Le Psaume 88 est une déclaration de foi divinement inspirée. Dans le silence et les ténèbres, une supplication si passionnée, et un tel tambourinement aux portes du ciel sont précisément ce que la foi doit produire. Si vous êtes angoissé, si vous vous demandez encore où Dieu se trouve, si vous avez l’impression d’avoir les ténèbres pour seules compagnes, si vous ne pouvez dire à ce moment précis : « Dieu, je te fais confiance », le Psaume 88 est un rappel que la foi, même cachée, peut être présente même dans le gouffre de la souffrance et du désespoir.

Psaume 116.10, un verset étrange

Le Psaume 116.10 est un verset bien étrange. Voilà ce qu’il dit : « J’ai cru quand j’ai parlé : j’étais très malheureux! » Il est si étonnant que certaines traductions et certains commentaires ont essayé de lui faire dire quelque chose de plus « raisonnable ». Mais ce verset saisit exactement ce que nous sommes en train d’affirmer. Crier à Dieu est une réponse de conviction. C’est parce que nous croyons que nous nous lamentons à Dieu au sujet de notre condition. Bien entendu, se plaindre à Dieu n’est pas la même chose que de se plaindre de Dieu à d’autres. La Bible ne nous encourage pas à maugréer contre Dieu devant les autres. Mais elle nous encourage à être absolument et totalement honnêtes dans notre lutte avec lui.

Ceux qui travaillent avec des patients en phase terminale me disent que la plupart des gens, y compris les croyants, meurent mal. Ils ne décèdent pas de manière gracieuse, se reposant calmement sur la foi, et rayonnant de l’espoir de la résurrection. Au contraire, ils s’écroulent émotionnellement et spirituellement, et se débattent furieusement en face de la mort. Dans bien des cas, l’esprit est altéré avant le corps, ce qui laisse peu de capacité au patient pour garder une attitude de foi dans ce qui est invisible. Mais le Psaume 88 nous rappelle que même si une personne est incapable d’exprimer sa foi calmement et rationnellement, cela ne veut pas dire qu’elle n’ait pas la foi. Même au milieu de l’agonie et de plaintes incessantes à l’encontre de Dieu, Job est resté fidèle, selon ce que Dieu a déclaré à la fin, parce qu’il n’a jamais cessé de lutter avec Dieu.

Job n’a pas eu un mauvais mode de pensée

Job ne s’est pas laissé attirer dans un mode de pensée qui cherche à « justifier » Dieu en atténuant la vérité. Il a persisté à dire que ses souffrances n’étaient pas causées par un péché qu’il aurait commis, même si la tension entre ce qu’il savait et ce qu’il ressentait n’était pas résolue. Job ne prétendait pas être quelqu’un de parfaitement moral – il a admis dans Job 14.16-17 que Dieu « observait son péché », mais il a reconnu qu’il n’y a avait rien dans sa vie qui soit la cause directe de la souffrance que Dieu lui avait envoyée.


Cet article est tiré du livre : Pourquoi faut-il souffrir? de Dan G. McCartney.