L’objectif de sa présence avec nous (David Powlison)

La troisième strophe du cantique « Quel solide fondement ! » sonde un mystère profond…

De quelle manière Dieu vient-il à notre rencontre dans la souffrance ?

Lorsque je t’appellerai à traverser de grandes eaux,

Les fleuves de la souffrance ne te submergeront pas ;

Car je serai avec toi pour bénir tes épreuves

Et sanctifier tes détresses les plus profondes.

Ces paroles rappellent celles d’Ésaïe 43.2. Les difficultés sont comparées à des eaux profondes et des rivières gonflées. Ésaïe évoque le jour où le peuple de Dieu s’est retrouvé devant la mer Rouge, poursuivi par ses ennemis et, plus tard, devant la crue du fleuve Jourdain. Aucun être humain n’aurait pu se frayer un chemin pour surmonter ces obstacles.

Dieu réitère sa promesse centrale, mais cette fois avec un regard tourné vers l’avenir : « Je serai avec toi. » Ces paroles sont importantes, parce que les effets d’une grande souffrance persistent généralement longtemps et pour une durée indéterminée. L’aide dont nous avons besoin doit s’étendre au-delà du moment présent. Qu’entend-on exactement par le fait que Dieu sera avec nous au milieu des forces dévastatrices ? De quelle manière Dieu nous bénit-il et nous sanctifie-t-il dans les difficultés et les détresses ?

Cette promesse de Dieu ne signifie pas qu’il procurera le simple réconfort et le soutien moral de l’ami qui nous aide pendant une période difficile. Dieu nous vient en aide, certes, mais il joue un rôle beaucoup plus actif et puissant.

L’aide souveraine de Dieu envers les siens

Cette strophe explique la signification de la promesse en donnant quatre vérités fondamentales par lesquelles Dieu personnalise à petite échelle l’œuvre qu’il accomplit à grande échelle dans l’histoire d’Israël (le contexte original d’Ésaïe 43) :

  • Dieu lui-même nous appelle à traverser de grandes eaux.
  • Dieu fixe les limites de nos afflictions.
  • Dieu est avec nous et il œuvre sans relâche pour que nos épreuves contribuent à notre bien.
  • Dieu nous transforme au milieu même des circonstances tragiques.

La souveraineté suprême et déterminée de Dieu constitue une réalité fascinante. Ce Dieu élevé vient tout près de nous, il nous parle avec tendresse et travaille personnellement en chacun de nous, il nous transforme et achèvera l’œuvre qu’il a commencée.

En d’autres termes, les grandes souffrances n’arrivent pas par accident. Rien n’est le fruit du hasard, aucun malheur n’est inutile et la malchance n’existe pas. Il n’y a pas même – et comprenez-moi bien – de tragédie. Car, qui dit « tragédie », dit « ruine », « destruction », « chute » et « fin malheureuse sans espoir de rédemption ». Les événements malheureux et les chagrins marquent peut-être notre vécu, mais la fin de notre histoire en Jésus-Christ se terminera en comédie au sens premier du terme, c’est-à-dire une histoire avec une fin heureuse. Nous jouons un rôle dans la « divine comédie », selon la formulation de Dante, avec la fin la plus heureuse qui soit. Plus de mort, plus de deuil, plus de larme, plus de douleur (Ap 21.4). La vie, la joie et l’amour auront le dernier mot.

La souveraineté suprême a un but précis

On ne comprend pas cette vérité lorsqu’on associe la « souveraineté de Dieu » au fatalisme et au déterminisme. En effet, l’action providentielle de Dieu dans les affaires de la vie courante ne ressemble en rien au kismet (le destin dans la pensée islamique), aux formules comme que sera sera ou advienne que pourra, ou encore à l’attitude réaliste, philosophique et résignée devant les épreuves de la vie. Les desseins souverains de Dieu ne visent pas simplement l’acceptation des difficultés. Dieu n’a pas pour intention d’enrichir notre compréhension intellectuelle dans le seul but de nous aider à traverser une période difficile. Il est à l’œuvre afin que nous apprenions à le connaître, à lui faire confiance et à l’aimer.

Cette strophe dévoile les desseins bienveillants du Dieu Très-Haut, sans pour autant parler des épreuves à la légère. Il ne témoigne pas d’une froide objectivité. Chaque ligne souligne avec soin la douleur des souffrances profondes. Dieu ne décrit pas les choses sur un ton neutre mais emploie plutôt des termes saisissants comme « grandes eaux », « fleuves de la souffrance », « épreuves », « détresses ». Dans la version originale datant du xviiie siècle, la seconde ligne du cantique est particulièrement frappante : « Les fleuves du malheur ne te submergeront pas. » Le terme « malheur » évoque le point culminant de l’angoisse, l’extrême limite de la détresse, la tristesse poussée à son comble.

« Les fleuves du malheur ne te submergeront pas. »

Ces fleuves emportent avec eux plus d’un trésor. La détresse profonde est profondément pénible. Toutefois, le Dieu qui nous aime est Maître de nos grandes souffrances. C’est lui qui nous appelle à passer même par ces terribles épreuves. Bien que le malheur semble trop grand, bien qu’il mette fin à nos espoirs terrestres, Dieu en fixe la limite, pas forcément celle que nous aurions souhaitée cependant. Il nous convainc que cette rude épreuve contribue à notre bien, au-delà de tout ce que nous pouvons demander, imaginer, voir, entendre ou concevoir dans notre cœur (Ép 3.20 ; 1 Co 2.9). Nous traverserons la vallée de l’ombre de la mort avec ses multiples maux et ennemis, mais nous en ressortirons en proclamant que le bonheur et la grâce nous ont accompagnés tous les jours de notre vie, tout au long du parcours vers notre patrie, vers la maison de notre Berger (Ps 23).

Dieu est Dieu. Son règne est élevé et empreint de détermination, et cependant il s’attarde aux moindres détails. Néanmoins, nous déformons le sens de la souveraineté de Dieu lorsque vient le temps d’aider concrètement une personne qui souffre, que ce soit nous ou un autre. On entend, par exemple, cette mauvaise interprétation : « Dieu maîtrise la situation, ce qui arrive est donc sa volonté. Tu dois simplement faire confiance au Seigneur et accepter. Ne tiens pas compte de tes sentiments. Souviens-toi de la vérité. Arme-toi de courage. Adapte-toi aux circonstances. » Ces conclusions stoïques proviennent d’une vérité non stoïque à propos d’un Dieu qui n’a rien de stoïque. Dans la Bible, Dieu se consacre passionnément au bien de ses enfants. Un des aspects de ce bien est d’apprendre à être honnête, à la manière des Psaumes.

Une âme assurée de l’aide souveraine

Un texte en particulier, employé dans un souci pastoral, sert trop souvent à appuyer une vision stoïque de la souffrance : « Ainsi, que ceux qui souffrent selon la volonté de Dieu remettent leur âme au fidèle Créateur, en faisant ce qui est bien » (1 Pi 4.19). N’a-t-on pas l’impression, en lisant ces paroles, que la Bible met un sérieux bémol aux souffrances du cœur ? Pierre enseigne-t-il une version sanctifiée de l’indifférence sereine et de l’autodiscipline rigoureuse ? Pourrait-on le paraphraser ainsi : « ne vous attardez pas trop à votre souffrance. Dieu exerce un parfait contrôle sur la situation. Continuez simplement à lire la Bible, à prier et à vous acquitter de vos responsabilités » ? Dieu fait-il monter les grandes eaux uniquement jusqu’à la taille ? Endigue-t-il les fleuves du malheur de sorte qu’ils coulent doucement entre deux murs de roche ? Sanctifie-t-il les détresses en éliminant le stress ? Nous appelle-t-il à faire fi des circonstances et à reprendre notre vie chrétienne comme avant ? En examinant soigneusement la manière dont nous devons remettre notre âme au fidèle Créateur, nous découvrons une tout autre vision de ce passage. Que signifie réellement le terme « remettre » ?

Considérons d’abord ma paraphrase du Psaume 28, écrit par David… Il offre un exemple concis mais fervent de ce qu’on entend par « remettre notre âme au Dieu souverain » :

Éternel ! C’est à toi que je crie.

Mon rocher, ne reste pas sourd à ma voix.

Si tu ne me réponds pas, je vais mourir.

Écoute la voix de mes supplications

Et mon appel à l’aide (28.1,2).

Ces paroles n’ont rien du calme serein du recueillement. David n’essaie pas de se convaincre que Dieu est maître de la situation dans le but de poursuivre ses activités avec un sang-froid imperturbable. Au contraire, il supplie Dieu avec foi et sincérité par des paroles radicales : « J’ai de gros ennuis. Tu dois m’aider. J’ai besoin de toi. Tu es mon seul espoir. » Prier équivaut à demander quelque chose dont on a besoin et que l’on désire. « Supplier » est synonyme de « demander sérieusement ». Une supplication sincère ne met jamais les choses en perspective de manière à pouvoir continuer à vivre comme si de rien n’était. La supplication n’est pas un exercice d’apaisement, comme le fait de prendre une grande respiration. Elle implore l’aide de Celui qui peut nous aider.

Lorsque nous laissons les difficultés de la vie nous atteindre, elles nous conduisent vers le seul qui puisse nous aider

Le Dieu souverain ne s’attend pas à ce que nous maintenions le statu quo lorsque nous souffrons. La souffrance bouleverse le quotidien. Elle est censée bouleverser le quotidien et nous amener à ressentir notre besoin d’aide. Le Psaume 28 ne correspond pas à un « moment de recueillement » paisible. Les clameurs du besoin font entendre leur voix haut et fort. Au fil de son psaume, David énumère ses difficultés, ses craintes et ses désirs avec précision. Son assurance de l’aide souveraine qu’il recevra de Dieu alimente la joie de sa foi, et enfin, sa foi se traduit par l’amour. Il se met alors à intercéder pour ceux qui ont, comme lui, besoin de force, de salut, de protection, de bénédiction, de direction et de soutien.

Jésus-Christ s’oppose avec vigueur à toute indifférence neutre et froide

La providence de Dieu, suprême et souveraine en toute chose, élimine la panique de nos vies. Les causes du désespoir s’évanouissent. Cependant, une juste compréhension de sa providence nous gardera de la neutralité et de la froide indifférence. Dieu veut notre sanctification, et cette sanctification particulière a pour but que nous vivions pleinement nos conditions de vie présentes et réelles, les bonnes et les mauvaises. Les deux énoncés suivants découlent de la sanctification, bien qu’ils soient très différents l’un de l’autre. Le premier : « Que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom ! » (Ps 103.1.) Le second : « Éternel, écoute ma prière, et que mon cri parvienne jusqu’à toi ! » (Ps 102.2.) Dieu nous enseignera à vivre notre vie à la manière des Psaumes.


Cet article est tiré du livre : La grâce de Dieu dans la souffrance de David Powlison