Lui faire confiance envers et contre tout (R.C. Sproul)
Ce que Jésus a déclaré à ses disciples au sujet de l’aveugle-né apparaît clairement dans le livre de Job. S’ils avaient maîtrisé ce livre de l’Ancien Testament, ils ne seraient peut-être pas tombés dans le piège du raisonnement fallacieux. Ils ont commis la même erreur que les amis de Job.
Job a réfuté les propos de ses amis de manière émouvante : « J’ai souvent entendu pareilles choses ; vous êtes tous des consolateurs fâcheux. Quand finiront ces discours en l’air ? Pourquoi cette irritation dans tes réponses ? Moi aussi, je pourrais parler comme vous, si vous étiez à ma place : je vous accablerais de paroles, je secouerais sur vous la tête, je vous fortifierais de la bouche, je remuerais les lèvres pour vous soulager » (Job 16.2‑5).
Considérez le conseil que la femme de Job lui a donné :
Et Job prit un tesson pour se gratter et s’assit sur la cendre. Sa femme lui dit : Tu demeures ferme dans ton intégrité ! Maudis Dieu, et meurs ! Mais Job lui répondit : Tu parles comme une femme insensée. Quoi ! nous recevons de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal ! En tout cela, Job ne pécha point par ses lèvres (Job 2.8‑10).
De mauvais conseils biens intentionnés
L’une des plus grandes difficultés qu’une personne puisse avoir à surmonter au cœur de la souffrance consiste à recevoir le conseil bien intentionné d’abandonner la partie. Ce conseil nous vient en général des personnes les plus proches de nous et qui nous aiment le plus. Les meilleurs amis de Jésus ont cherché à le dissuader d’aller à Jérusalem, comme nous l’avons vu lorsque nous avons considéré sa réprimande à l’endroit de Pierre dans le chapitre précédent.
De même, la femme de Job lui a dit : « Maudis Dieu, et meurs ! » Elle l’a encouragé à compromettre son intégrité afin d’être soulagé de sa souffrance. Elle voulait bien faire. De toute évidence, elle avait de la compassion pour son mari. Elle l’a encouragé à choisir la voie de la facilité. Toutefois, ses paroles n’ont servi qu’à contrarier Job encore plus. Job ne comprenait pas pourquoi Dieu l’appelait à souffrir, mais il comprenait que Dieu l’y avait effectivement appelé. C’était déjà bien assez difficile de rester fidèle à sa vocation sans que ses êtres chers essaient de l’en dissuader.
Je me suis rendu un jour dans une grande église du sud de la Californie, et l’on m’a fait visiter les lieux. On m’a alors conduit à une statue sculptée dans la pierre par un Scandinave. Devant cette majestueuse œuvre d’art, j’ai ressenti une vive émotion. On y voyait la silhouette de Job, son corps tordu de douleur. Ses détails musculaires rappelaient une œuvre de Michel‑Ange.
Le regard fixé sur sa silhouette, j’ai repensé à une technique artistique fondée sur le principe du « moment fructueux », que le philosophe Johann Gottfried von Herder a mise au point. Les peintres et les sculpteurs n’exercent pas leur métier en ayant recours à des films ou à des vidéos. Leurs sujets sont immobiles, figés dans un seul moment. L’objectif de l’artiste consiste à saisir l’essence de son sujet en se concentrant sur un moment fructueux ou chargé de sens qui raconte une histoire dans son ensemble.
C’est d’ailleurs ce qui explique que Rembrandt dessinait de très nombreuses scènes de la vie de personnages bibliques avant d’en choisir une seule à peindre. C’est aussi pourquoi Michel‑Ange a représenté David la main tendue vers une pierre. C’est également la raison pour laquelle le Penseur de Rodin est plongé dans une profonde réflexion. Cela explique de même que la Pietà représente le corps de Christ reposant au creux des bras de sa mère.
Le sculpteur qui a façonné la forme que j’ai vue dans le jardin de l’église a capté Job dans un moment fructueux – quand il a touché le fond. Au pied de la sculpture, gravées dans la pierre, on pouvait lire : « Voici, quand même il me tuerait, je ne cesserais d’espérer en lui » (Job 13.15). À cette lecture, j’ai pleuré en silence. Jamais paroles plus héroïques que ce témoignage n’ont été prononcées par un autre mortel.
Cet article est adapté du livre : « Surpris par la souffrance » de R.C. Sproul