Pasteur, n’abandonne pas : apprends plutôt à te plaindre !
Quand le ministère vous épuise
Il y a des années, je me souviens avoir entendu un pasteur chevronné dire : « Le ministère serait un jeu d’enfant s’il n’y avait pas les gens ». Cette déclaration ironique révélait ce que les gens savent : le ministère pastoral est difficile. Après peu de temps, la vocation passionnée se heurte de plein fouet à des attentes irréalistes, des événements traumatisants, des conflits émotionnels, des défis en matière de leadership et des insécurités personnelles. Les nuages noirs de la déception peuvent arriver rapidement.
Je me souviens encore de la première fois où j’ai entendu : « Pasteur, tu m’as déçu ».
Les enquêtes abondent sur le nombre de pasteurs découragés ou déprimés. La durée du mandat de nombreux pasteurs est courte, trop courte. J’ai lu avec tristesse que trois pasteurs avaient mis fin à leur vie au cours des dernières années.
Afin d’endiguer la vague de lassitude et d’épuisement, les pasteurs devraient apprendre à se plaindre. Cette vieille forme de prière n’est pas une solution miracle à la dépression pastorale. Mais j’ai trouvé qu’elle était utile lorsque mon cœur est blessé et que je suis tenté d’abandonner.
Qu’est-ce que la lamentation ?
La lamentation est une prière qui exprime la douleur et qui conduit à la confiance. Plus d’un tiers des psaumes sont des chants écrits sous cette forme. Certaines lamentations sont personnelles. D’autres sont collectives. Certaines sont écrites en raison de problèmes liés au péché. D’autres expriment un désir de justice. Les psaumes de plainte varient en fonction des circonstances douloureuses et sombres de la vie.
La plupart des lamentations comportent quatre éléments ou étapes : 1) Se tourner – choisir volontairement de s’adresser à Dieu dans la douleur ; 2) Se plaindre – lui exprimer humblement et directement ce qui ne va pas ; 3) Demander – implorer l’aide de Dieu à la lumière de ses promesses ; 4) Faire confiance – choisir de faire confiance à la grâce de Dieu.
La lamentation est une forme de prière qui parle à Dieu de notre douleur.
Comment se lamenter ?
Bien que j’aie été diplômé du séminaire et que j’aie étudié la Bible pendant des années, je n’avais pas réalisé à quel point les lamentations pouvaient être utiles et vivifiantes. Les jours où mon cœur de pasteur était brisé, au lieu d’utiliser mon modèle standard de prière – adoration, confession, actions de grâce, supplication – j’ai commencé à utiliser « Se tourner », « Se plaindre », « Demander », « Faire confiance ».
Parfois, j’étudiais un psaume de lamentation, l’examinant à travers ces quatre volets afin de modeler ma prière sur ce que je lisais. D’autres fois, je trouvais simplement une phrase inspirée dans l’un de plus de quarante psaumes qui correspondait à la blessure de mon âme. Par exemple, j’en suis venu à aimer : « Jusqu’à quand, Eternel! m’oublieras-tu sans cesse? Jusqu’à quand me cacheras-tu ta face? » (Psaumes 13.2), « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Psaumes 22.2), « Sa bonté est-elle à jamais épuisée? » (Psaume 77.9), et « Ô Dieu! des orgueilleux se sont levés contre moi » (Psaumes 86.14). Ces mots sont devenus une porte ouverte pour me tourner vers Dieu dans le désespoir au lieu de le bouder et de tomber dans la frustration ou même l’amertume.
Dans d’autres moments de prière, j’écrivais tout ce qui me troublait. Cette liste manuscrite de plaintes est devenue une plate-forme de prière plutôt qu’un puits de découragement.
Plus important encore, je me suis servi de ces lamentations honnêtes pour me ramener à ce que je savais être vrai. Après avoir parlé à Dieu de ma douleur, j’ai rappelé à mon cœur les promesses de Dieu. Ce faisant, la douleur qui aurait pu m’éloigner de Dieu est devenue un moyen de réaffirmer ma confiance en lui.
Pourquoi les lamentations sont-elles utiles ?
Les circonstances douloureuses et la pression du ministère peuvent conduire au déni (« Tout va bien ! ») ou au désespoir (« Tout va mal ! »). Ajoutez la solitude à l’équation et vous comprendrez combien ce mélange est dangereux.
La complainte offre une manière d’être honnête et de traiter les luttes émotionnelles du ministère pastoral. Elle permet de parler à Dieu des luttes, des déceptions et des blessures. La complainte nous offre un langage biblique cru et franc. Elle dit à Dieu ce qu’il sait déjà, mais il est étonnamment utile de le lui verbaliser.
Notre propre psaume de lamentation valide les émotions fortes et conflictuelles qui traversent notre âme. La persévérance dans le ministère vient en apprenant que la douleur fait partie de l’appel au ministère. Si nous voulons durer dans le ministère pastoral, nous devons apprendre à vivre, et même à prospérer, dans cette tension entre notre vocation et nos difficultés. Les lamentations deviennent le langage parlé de ce territoire où cohabitent les difficultés de la vie et la confiance dans la souveraineté de Dieu.
Lorsque j’ai exposé mes plaintes et que j’en ai parlé au Seigneur, j’ai été surpris de constater qu’elles perdaient leur emprise sur moi. Parfois, je me suis surpris à rire des choses stupides pour lesquelles j’avais prié. Les plaintes m’ont aidé à me voir et à voir ma situation plus clairement. J’ai découvert que de me plaindre régulièrement, mais de la bonne manière, m’aidait à maintenir l’équilibre de mon âme et de ma perspective.
Enfin, la complainte me rappelle que Jésus était un homme de douleur. Il a fait des prières de lamentation. Le fait de s’engager dans cette forme de prière historique et franche renforce ma compréhension du lien et de l’attention personnelle de Jésus à mon égard. Lorsque je prie ses paroles douloureuses, je m’identifie de nouveau à lui. Ce faisant, les lamentations réaffirment ma vocation.
Les lamentations ne règlent pas tous les problèmes du ministère. Il faut continuer à écrire des sermons. Les conflits doivent être gérés. Les gens seront déçus. Chaque coup de téléphone reçu a le potentiel de révéler un drame. Mais soigner un cœur blessé sans exprimer quoi que ce soit dans la prière peut conduire les pasteurs à l’isolement et à la dépression, voire pire.
Au lieu d’abandonner, les lamentations peuvent devenir un canal pour la grâce de Dieu. Cette façon biblique de prier pourrait nous amener à dire à Dieu « Ça me fait mal et je suis vraiment déçu. S’il-te-plaît, aide-moi. »
Le ministère pastoral sera un défi, cela fait partie de l’appel, mais les lamentations offrent une soupape. Nous pouvons nous tourner vers Dieu dans notre douleur et le voir nous conduire à la confiance.
Article publié à l’origine sur Crossway.org.