Peut-on perdre notre salut ? (Kevin DeYoung)

Dans ce dernier article (article 15 du cinquième point) des Canons de Dordrecht, on nous explique pourquoi la doctrine de la persévérance des vrais croyants est à ce point nécessaire et glorieuse, même si elle est parfois ridiculisée et rejetée. Dans la Remontrance de 1610, les arminiens ont prétendu ne pas savoir si les vrais croyants pouvaient finalement abandonner la grâce :

« Mais qu’ils puissent par négligence s’éloigner du premier principe de leur vie en Christ, et embrasser à nouveau le monde présent, s’écarter de la pure doctrine après qu’elle leur ait été donnée, perdre la bonne conscience, et négliger la grâce, cela doit être en premier lieu soigneusement déterminé à partir des Saintes Écritures avant que nous ne puissions être en mesure d’enseigner cela avec une pleine persuasion de cœur.[1] »

Autrement dit, nous ne sommes pas sûrs de ce que nous pensons, mais nous ne pouvons certainement pas nous prononcer en faveur de la persévérance des saints.

Dès 1618, cette ambivalence a donné lieu à un rejet pur et simple. Les arminiens ne pouvaient accepter la persévérance basée sur un décret absolu sans la condition de l’obéissance (opinions, D.1). Même s’ils croyaient que Dieu, selon son infinie sagesse, accorde aux « vrais croyants autant de grâce et de pouvoirs surnaturels qu’il juge bon pour qu’ils puissent persévérer », qu’ils le fassent ou non dépendrait finalement tout de même d’eux. À ce titre, les remontrants affirmaient que « de véritables croyants peuvent perdre la vraie foi » (opinions, D.3) et qu’ils peuvent persister dans « des actes honteux et atroces » pour finalement « tomber » et « périr » (opinions, D.4).

Une assurance incertaine pour les arminiens

En fin de compte, les arminiens à Dordrecht ne pouvaient offrir qu’une assurance incertaine :

« Un véritable croyant peut et devrait en effet être certain pour l’avenir, par une vigilance assidue, à travers des prières, et à travers d’autres saints exercices, d’être capable de persévérer dans la vraie foi, et il devrait aussi être certain que la grâce divine pour persévérer ne lui fera jamais défaut ; mais nous ne voyons pas comment il peut avoir la certitude de ne jamais devenir par la suite négligent dans sa tâche, mais qu’il persévérera dans la foi et dans ces œuvres de piété et d’amour qui conviennent à tout croyant dans cette école du combat chrétien ; de même nous ne jugeons pas nécessaire qu’un croyant ait une quelconque certitude par rapport à la question qui nous préoccupe (opinions, D.8). »

Cela laisse le croyant dans une position très précaire. Il peut avoir la certitude que Dieu a suffisamment de grâce pour l’aider à persévérer, et il peut être assuré qu’il y arrivera s’il remplit son devoir. Mais au bout du compte, le croyant ne peut être certain qu’il le fera vraiment. Logiquement, c’est le prix à payer lorsque l’engagement envers une foi salvatrice doit dépendre de la volonté humaine du début à la fin.

Le Seigneur est plus fort

En revanche, les Canons de Dordrecht affirment qu’aucun plan ne peut prévaloir et qu’aucune force ne peut l’emporter contre Dieu (voir article 15). Et cela inclut le pouvoir de la volonté et de l’action des humains. La chaîne dorée qui va de la prédestination dans l’éternité, à l’appel et à la justification efficaces au cours de l’histoire, jusqu’à la glorification finale au ciel, ne peut être brisée (voir Ro 8.30, 37-39). Le conseil de Dieu « ne peut pas changer, ni sa promesse s’évanouir, ni la vocation selon son ferme dessein être révoquée, ni le mérite, l’intercession et la protection de Jésus-Christ être anéantis, ni le sceau du Saint-Esprit être rendu vain ou aboli » (article 8).

Nous avons déjà la vie éternelle (voir Jean 5.24). C’est là une des raisons suffisamment sûres pour laquelle ceux qui croient véritablement persévéreront jusqu’à la fin. Nous ne pourrons pas ne plus être justifiés. Il nous est impossible de ne plus être nés de nouveau. Nous ne pouvons pas être perdus à nouveau une fois que nous avons été trouvés, nous ne perdrons pas ce que Dieu a choisi pour nous dans l’éternité. Nous n’abandonnerons pas ce que Christ a parfaitement accompli et infailliblement appliqué. Au bout du compte, nous ne résisterons pas à la grâce qui au départ, étant irrésistible, est entrée dans notre vie.

Le Seigneur est plus grand

Cet enseignement, Dordrecht nous le rappelle, est « à la gloire de son nom et pour la consolation des âmes pieuses » (article 15). Ces mots pourraient constituer une bannière au-dessus de chaque article et de chacun des cinq points. Au bout de la polémique affinée de Dordrecht, on devrait trouver cette conclusion : Dieu est plus grand que nous ne le pensions, et sa grâce est meilleure que nous ne l’avions imaginée. S’il pouvait exister une foi par laquelle on s’écrie : « Il ne s’agit pas de mes prouesses ! », ce devrait être la foi réformée. Nous n’avons pas choisi d’être élus. Nous ne sommes pas morts pour nos péchés. Nous ne nous sommes pas sortis du tombeau. Nous n’avons pas fait apparaître le miracle de la foi. Nous ne finirons pas la course par notre propre volonté. Nous avons besoin d’un Dieu qui élit inconditionnellement, qui subit une mort efficace, qui opère une résurrection surnaturelle, qui accorde unilatéralement ses dons, et qui préserve immanquablement. Voilà la grâce dont nous avons besoin et voilà le Dieu que nous adorons. À ce « Dieu unique, Père, Fils et Saint-Esprit, soient honneur et gloire aux siècles des siècles. Amen » (article 15).

Donc, gloire soit rendue à Dieu pour les vieilles confessions, et louons-le pour ses compassions, planifiées depuis l’éternité et renouvelées chaque matin — jusqu’à la fin des temps.

[1]
 Voir
la Remontrance de 1610 telle qu’elle peut être trouvée dans De Jong, Crisis in
the Reformed Churches [Crise dans les Églises réformées], trad. libre, p. 243-245.

Cet article est tiré du livre : La grâce définie et défendue de Kevin DeYoung