Pourquoi Ésaïe 53 était-il si mal compris ? (John MacArthur)

En considérant uniquement Ésaïe 53, la façon dont le Messie devait souffrir
n’était pas toujours évidente. En fait, cette référence et d’autres de l’Ancien Testament à la souffrance et au rejet du Messie ont semblé mystérieuses
(et contraires aux attentes messianiques habituelles) jusqu’à ce que
Christ ouvre l’esprit de ses disciples afin qu’ils comprennent les Écritures
(Lu 24.45). Personne ne savait vraiment comment interpréter ces passages.
Au fil des siècles qui ont précédé la venue de Christ, il semble qu’Ésaïe 53
se soit plus ou moins estompé de la conscience juive collective, éclipsé par
les promesses triomphantes du royaume.

Un autre facteur spirituel majeur a contribué au manque de compréhension répandu par rapport à Ésaïe 53. La plupart des juifs n’éprouvaient simplement pas le besoin d’avoir un sauveur portant le péché. Du temps d’Ésaïe, même le peuple de Juda, qui ne suivait plus Dieu, n’était pas convaincu d’avoir besoin d’un tel Rédempteur. ll s’attendait plutôt à une puissante figure politique. Il voulait un messie victorieux qui vengerait le peuple juif, libérerait la nation de ses oppresseurs humains et élèverait Israël pour lui donner une suprématie politique et militaire sur le plan mondial. Ces attentes, qui ont persisté pendant des siècles, étaient toujours celles qui prédominaient du temps de Jésus. Ainsi, l’idée d’un sauveur souffrant et rejeté ne correspondait pas à ce scénario.

Les confessions répétées de culpabilité nationale et personnelle n’y correspondaient pas non plus : « nos péchés . . . nos iniquités . . . l’iniquité de nous tous » (És 53.5,6). À l’évidence, ces paroles condamnent la nation collectivement et chaque individu en particulier. Leur vérité s’applique, bien sûr, autant aux juifs qu’aux païens (Ro 3.9‑12). Dans son état naturel et charnel, chaque humain est déchu, esclave du péché, éloigné de Dieu et perdu. « Nous étions tous errants comme des brebis » (És 53.6). Abandonnés à nous-mêmes, sans Sauveur, nous serions tous damnés. Cependant, cette vérité est particulièrement difficile à admettre pour ceux dont le but ultime est de se justifier eux-mêmes en obéissant aux menus détails de la loi divine (Ro 10.3).

Après la captivité et le retour d’exil de multitudes, le peuple juif n’est jamais retombé dans le type d’idolâtrie dépravée et généralisée qui caractérisait les règnes d’Achaz et de Manassé. En effet, les juifs sont revenus de captivité avec une nouvelle dévotion envers la loi. On pourrait dire que le principal point distinctif du judaïsme après l’Exil a été l’accent sans précédent mis sur la stricte obéissance à la loi, en prêtant une attention particulière aux caractéristiques externes et cérémoniales de cette loi, par exemple, les lois alimentaires, la tenue, les purifications rituelles et les symboles de piété visibles comme les phylactères et les franges portées sur les vêtements (Mt 23.5).

Toutefois, la manifestation d’un zèle religieux n’est pas le remède contre le péché dont souffre la race humaine. Même en s’astreignant à suivre rigoureusement la loi divine, les pécheurs ne peuvent pas se rendre saints. Les règles : « Ne prends pas ! Ne goûte pas ! Ne touche pas ! […] [sont] sans valeur réelle et ne [servent] qu’à satisfaire la chair » (Col 2.21‑23). Une forme de plus en plus ascétique du judaïsme, perpétuée par un appel à la tradition plutôt qu’à une foi authentique, a pourtant émergé. À l’ère de Christ, la religion prédominante en Israël était le pur légalisme.

Le légalisme est l’idée selon laquelle les pécheurs peuvent gagner du mérite auprès de Dieu par leurs bonnes oeuvres. Les légalistes ont tendance à traiter leurs traditions comme la règle de piété suprême, ajoutant ainsi à la loi de Dieu et l’invalidant par la même occasion. Le système pharisaïque était une illustration parfaite de ces deux tendances. En raison de leur stricte observation de la loi, les pharisiens étaient des personnes « [se persuadant] qu’elles étaient justes, et ne faisant aucun cas des autres » (Lu 18.9). De plus, Jésus leur a dit : « Vous rejetez fort bien le commandement de Dieu, pour garder votre tradition » (Mc 7.9). Leur religion était un substitut légaliste et hypocrite de la vraie foi. Toutes ces caractéristiques (légalisme, propre justice, hypocrisie et mépris des autres) s’expliquaient par le fait qu’ils n’avaient pas vraiment conscience de leur propre culpabilité.

Quiconque pense que ses propres oeuvres peuvent gagner du mérite auprès de Dieu ne voit simplement pas son besoin d’un Sauveur. Néanmoins, comme l’a écrit Paul aux Églises de Galatie : « Si la justice s’obtient par la loi, Christ est donc mort en vain » (Ga 2.21). Toute religion fondée sur les oeuvres oublie le désespoir de la dépravation humaine. Cependant, les Écritures sont claires : les pécheurs ne peuvent pas se sauver eux-mêmes. « Nous sommes tous comme des impurs, et toute notre justice est comme un vêtement souillé » (És 64.6). Comme l’écrit Ésaïe, voici ce que Dieu dit à propos de toute dévotion religieuse fondée sur le principe du salut par les oeuvres : « Je vais publier ta droiture, et tes oeuvres ne te profiteront pas » (57.12).

Pourtant, parce que Dieu avait choisi la nation juive comme peuple dont serait issu le Sauveur, nombreux étaient ceux qui croyaient qu’ils avaient déjà obtenu la faveur et la bénédiction de Dieu simplement parce qu’ils étaient descendants d’Abraham. Après tout, « l’adoption, la gloire, les alliances, la loi, le culte, les promesses » étaient les leurs comme un droit acquis à la naissance (Ro 9.4). Tout comme le font des multitudes de personnes dans la chrétienté de nos jours, ils tenaient la bonté et la miséricorde de Dieu pour acquises. Avoir besoin d’un Sauveur pour être racheté du péché ou être délivré de la condamnation divine était une idée aussi offensante pour le juif moyen du temps de Jésus qu’elle l’est aujourd’hui pour les laïcs cultivés, les relativistes moralistes et toute personne qui pense être devenue chrétienne par sa naissance ou par le baptême. Ceux qui suivaient les doctrines des pharisiens s’empressaient de reconnaître que les païens et autres dépravés étaient des pécheurs, mais croyaient qu’ils étaient eux-mêmes des « justes qui [n’avaient] pas besoin de repentance » (Lu 15.7). Ils étaient « une race qui se croit pure, et qui n’est pas lavée de sa souillure » (Pr 30.12).

C’est là le danger mortel de toute religion fondée sur les oeuvres. C’est également l’attitude que Jésus condamnait lorsqu’il a dit : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades […] je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs » (Mt 9.12,13).

Ne nous y trompons pas : toute fausse religion cultive une confiance en soi condamnable. Cela inclut tout type de « foi » respectable et de pseudo-christianisme à la mode de nos jours. Les personnes satisfaites de leur propre justice qui ne se voient pas comme des pécheurs sans espoir qui ont besoin d’un Sauveur ne pourront jamais vraiment apprécier le message d’Ésaïe 53.

Cela, je pense, demeure la principale raison (même aujourd’hui) pour laquelle un si grand nombre de personnes, qu’elles soient juives ou païennes, ne sont pas touchées par la description du Serviteur souffrant dans Ésaïe 53.

Ainsi, cher lecteur, je vous implore de vous arrêter, avant de poursuivre votre lecture, pour réfléchir en profondeur au verset 6 du récit d’Ésaïe et pour l’accepter. Ce verset est en effet une confession solennelle : « Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait sa propre voie. » Nous avons besoin d’un Berger divin pour nous sauver.

Seuls ceux qui font cette confession pourront véritablement dire : « Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. »


Cet article est tiré du livre : L’Évangile selon Dieu de John MacArthur