Quatorzième siècle : La captivité de Babylone : John Wycliffe

Malheureusement, la hiérarchie ecclésiastique a poursuivi sa quête de pouvoir temporel au cours du XIVe siècle. Les papes persistaient à rechercher la domination politique. Quoique l’Église doive être dans le monde, œuvrant à apporter des changements et attirant hommes et femmes à Christ, elle ne doit pas être du monde. Elle ne doit, ni avoir soif de pouvoir, ni tenter d’affirmer son autorité par la politique. Au XIVe siècle, l’ambition des papes et des rois a entraîné l’Église dans une guerre civile ecclésiastique.

Le pape Boniface VIII s’est impliqué dans de nombreuses tractations politiques afin d’accroître l’autonomie et l’autorité de la papauté. De son côté, Philippe IV, roi de France de 1285 à 1314, cherchait à asseoir son influence sur le clergé français en tirant profit de ses liens familiaux avec des nobles d’Italie. Les mesures de Boniface pour protéger l’Église des ingérences politiques ont attisé l’opposition de Philippe et de ses alliés.

Boniface est décédé en 1303. Son successeur, Benoît XI, occupait le trône papal depuis peu lorsqu’il est mort à son tour. La rumeur courrait qu’il avait été empoisonné. Clément V, le successeur de Benoît, était un clerc français élu avec l’aide de fonds français, et un pape qui serait certainement plus favorable à l’autorité de Philippe IV sur l’Église française. Peu de temps après, Clément a décidé de relocaliser la papauté de Rome à Avignon, en France. Pendant les soixante-dix années qui ont suivi, les monarques français possédaient pratiquement la papauté et contrôlaient l’Église, qui avait complètement oublié sa mission spirituelle pour servir les intérêts de ce monde.

Cette subversion de la papauté a été surnommée par le poète italien Pétrarque la « captivité de Babylone » de l’Église, en référence à l’exil des Juifs à Babylone au VIe siècle av. J.-C. Il a décrit Avignon comme l’immoral « égout du monde ». Dante Alighieri, dans son livre La divine comédie, a placé le pape Boniface VIII au huitième cercle de l’enfer, en compagnie des simoniaques (ceux qui pratiquaient la simonie, c’est-à-dire qui vendaient des charges ecclésiastiques au plus offrant).

En 1376, Catherine de Sienne, une mystique notable et religieuse catholique, a fait appel au pape Grégoire XI relativement aux « péchés » d’Avignon. En réponse, Grégoire est retourné à Rome pour y rétablir la papauté, mais il est mort l’année suivante. Un conflit a alors éclaté à propos de l’élection du prochain pape, ce qui a mené au Grand Schisme d’Occident à l’aube du XVe siècle. Urbain VI a été élu pape à Rome, mais certains clercs, mécontents de ce choix, se sont retirés à Avignon, où ils ont élu Clément VII. Ainsi, deux papes rivaux ont régné de 1378 à 1429.

John Wycliffe est un phare de cette époque. Thomas Bradwardine, un de ses professeurs, s’est fait le champion de l’orthodoxie contre le pélagianisme, et comme tout autre précurseur de la Réforme, il est passé tout près d’adopter la doctrine de la justification par la foi seule. Érudit d’envergure, il a été master au Balliol College, à Oxford. Son inquiétude quant à l’état spirituel déplorable de l’Église visible l’a ramené à ce principe fondamental : les Saintes Écritures doivent être le fondement de l’Église en matière de foi et de pratique.

En 1382, Wycliffe a traduit la Bible du latin à l’anglais pour que ses contemporains puissent la lire dans leur langue maternelle. Sa traduction a influencé toutes les versions anglaises subséquentes. Ses disciples, les lollards, affirmaient la primauté de la prédication, rejetaient la transsubstantiation et remettaient en question la papauté ; ils ont influencé des individus et mouvements ultérieurs, comme Jean Hus et la Réforme. Souvent cité pour répondre aux accusations dans les tribunaux ecclésiastiques, Wycliffe a refusé d’être réduit au silence et a poursuivi son œuvre. En 1415, après sa mort, le concile de Constance l’a excommunié à titre posthume : on a déterré ses restes pour les brûler et les jeter dans une rivière.

La vie de Wycliffe montre l’importance de donner aux gens accès à la Bible. Bien que la hiérarchie ecclésiastique ait été rongée par l’ambition du pouvoir temporel, certaines personnes cherchaient plutôt à permettre aux gens de connaître la Parole de Dieu et d’être transformés par l’Évangile. C’est pourquoi Wycliffe est souvent surnommé « l’étoile du matin de la Réforme ». Nous devons comprendre que la mission du peuple de Dieu est d’apporter la lumière dans le monde, et que, pour l’accomplir, il faut rejeter la soif de pouvoir et de gain. C’est par la puissance du Saint-Esprit que l’Église peut remplir sa mission, non par celle de rois ou chefs politiques.


Cet article est tiré du livre : ABC de l’histoire de l’Église de Sinclair Ferguson, Joel Beeke, et Michael Haykin