Quel est le travail du pasteur ? (Jonathan Leeman)

Un rôle crucial

Les responsables jouent un rôle crucial dans toute Église, et nous les appellerons indifféremment pasteurs et anciens, car c’est ce que fait la Bible (voir Ac 20.17,28 ; Tit 1.5,7 ; 1 Pi 5.1,2). Votre capacité à accomplir votre tâche en tant que membre de l’Église dépendra de celle des pasteurs ou des anciens à accomplir la leur. Votre tâche, comme nous l’avons vu au chapitre 5, consiste à être un prêtre-roi. Jésus vous a chargé de veiller sur le quoi et le qui de l’Évangile, et de répandre la Bonne Nouvelle sur toute la surface de la Terre en faisant des disciples. Mais quel est le rôle d’un pasteur ?

Alors que les Églises sortent de la pandémie de la COVID-19, il est plus important que jamais de connaître la réponse à cette question, en raison de l’impact que les confinements liés à la COVID-19 ont eu sur la confiance au sein des Églises, que ce soit entre les membres ou à l’égard des responsables. Nous y reviendrons un peu plus loin, mais le rétablissement de la confiance passe, entre autres, par la bonne compréhension du rôle du pasteur. En quelques mots, le rôle d’un pasteur consiste à vous équiper afin que vous puissiez accomplir votre tâche.

Nous lisons cela dans Éphésiens 4.11‑16. L’apôtre Paul nous dit que Jésus a accordé un certain nombre de dons à son Église, dont les pasteurs (v. 11). Il nous explique ensuite pourquoi Jésus a fait ce don aux Églises : « pour le perfectionnement des saints en vue de l’œuvre du ministère et de l’édification du corps de Christ » (v. 12). Le travail du pasteur consiste à équiper les saints pour que ces derniers puissent accomplir leur tâche. Il nous enseigne comment nous comporter les uns envers les autres, dans ce but : 

Mais en professant la vérité dans l’amour, nous croîtrons à tous égards en celui qui est le chef, Christ. C’est de lui, et grâce à tous les liens de son assistance, que tout le corps, bien coordonné et formant un solide assemblage, tire son accroissement selon la force qui convient à chacune de ses parties, et s’édifie lui-même dans l’amour (v. 15,16).

Chaque membre du corps de Christ a un rôle à effectuer. Nous participons tous au projet d’édification de ce corps dans l’amour. Les pasteurs nous enseignent et nous forment pour cette tâche.

Le rassemblement hebdomadaire de l’Église est donc un temps où les membres sont formés pour ce travail. Il permet à ceux qui exercent la fonction de pasteur d’équiper les membres de sorte qu’ils connaissent l’Évangile, qu’ils vivent selon l’Évangile, qu’ils protègent le témoignage évangélique de l’Église et qu’ils répandent l’Évangile dans la vie des autres et de ceux qui sont en dehors des murs de l’Église. Si Jésus charge les membres de se soutenir et de s’édifier mutuellement dans l’Évangile, alors il charge les pasteurs de les former pour cette tâche. Si les pasteurs ne font pas bien leur travail, il en sera de même pour les membres. 

Travail des anciens + travail des membres = plan de Jésus pour la formation de disciples

Lorsqu’on joint le travail du pasteur à celui des membres, qu’obtient-on ? Le plan de Jésus pour la formation de disciples. Il ne s’agit pas d’un programme que l’on peut acheter dans une librairie chrétienne, d’une méthode intégrale contenant un manuel réservé à l’enseignant ni d’un guide pour l’élève et des affiches à fixer sur le mur de la classe d’école du dimanche. On le trouve tout simplement dans Éphésiens 4.

Équiper en enseignement

Le ministère qui consiste à équiper les membres de l’Église est centré sur l’enseignement et sur la vie du pasteur ou de l’ancien qui en est responsable. Nous retrouvons ce principe dans l’instruction de Paul à Timothée : « Veille sur toi-même et sur ton enseignement ; persévère dans ces choses, car, en agissant ainsi, tu te sauveras toi-même, et tu sauveras ceux qui t’écoutent » (1 Ti 4.16).

Examinons ces éléments un par un. L’une des principales caractéristiques qui distinguent l’ancien des membres de l’Église est qu’il doit être « propre à l’enseignement » (1 Ti 3.2). Cela ne signifie pas qu’un ancien peut monter en chaire, se tenir devant un millier de personnes et les captiver par sa sagesse et son esprit. Cela signifie plutôt que si vous avez du mal à comprendre la Bible ou à gérer une situation difficile de la vie, vous savez que vous pouvez frapper à sa porte, lui demander de l’aide, et que vous obtiendrez une réponse biblique au problème que vous rencontrez. Vous avez confiance dans le fait que, lorsqu’il ouvre la Bible, il n’en retire pas des principes insensés. Il vous en donne une interprétation fidèle. Il enseigne « les choses qui sont conformes à la saine doctrine » (Tit 2.1).

Un dimanche après-midi, lisez l’intégralité des trois épîtres que Paul a écrites à deux pasteurs, Timothée et Tite, et prenez la peine de souligner chaque référence à l’enseignement. Votre main en ressentira très vite de la fatigue. En voici quelques exemples : dans sa deuxième lettre à Timothée, Paul lui demande de s’en tenir au modèle d’enseignement sain qu’il a entendu de sa bouche (2 Ti 1.13). Ce qu’il a entendu de la part de Paul, il doit le confier à des hommes fidèles et capables de l’enseigner aussi à d’autres (2.2). Il doit s’efforcer de dispenser droitement la parole de la vérité (v. 15). Il doit éviter les discours vains qui s’écartent de la vérité (v. 16,18). Et il doit enseigner et instruire comme Dieu veut qu’il enseigne, en sachant que la repentance conduit à la connaissance de la vérité (v. 24,25). Paul conclut en ordonnant à Timothée de persévérer dans la prédication de la Parole, en corrigeant, en réprimandant et en encourageant avec une grande patience (4.2, BDS).

L’image que Paul dépeint à la fois à Timothée et à Tite est celle d’un travail lent, quotidien, répétitif et exigeant beaucoup de patience, qui consiste à amener des personnes à grandir dans la piété. Un ancien ne force pas, mais il enseigne, car un acte de piété qui est fait sous la contrainte est tout sauf de la piété. L’acte de piété est un choix délibéré découlant d’un cœur régénéré par la nouvelle alliance.


Chaque partie du corps a un travail à faire. Nous participons tous au projet d’édification du corps dans l’amour.


Lorsque les anciens enseignent, l’assemblée commence à servir et à accomplir de bonnes œuvres. Le passage d’Actes 16 dépeint une très belle image de ce modèle, lorsque Paul et ses compagnons se présentent pour la première fois à Philippes. Paul apporte son enseignement à un groupe de femmes, dont une nommée Lydie. « Le Seigneur lui ouvrit le cœur, pour qu’elle soit attentive à ce que disait Paul » (v. 14). Il la baptise. Puis elle déclare à Paul et à ses compagnons : « Si vous me jugez fidèle au Seigneur, entrez dans ma maison, et demeurez-y. » Luc, auteur du récit, conclut : « et elle nous pressa par ses instances » (v. 15). Donc Paul prêche, Lydie est sauvée et se met immédiatement au travail en faisant preuve d’hospitalité !

Équiper en donnant l’exemple 

L’enseignement n’est pas la seule tâche des anciens. Ils doivent également donner l’exemple au troupeau par leur façon de vivre. Pierre enseigne : « Voici les exhortations que j’adresse aux anciens qui sont parmi vous, paissez le troupeau de Dieu qui est sous votre garde » (1 Pi 5.1,2). Et comment doivent-ils paître le troupeau, selon Pierre ? « En étant les modèles du troupeau » (v. 3). 

Le travail d’un ancien consiste à appeler les membres à imiter son comportement. C’est ce que dit Paul aux Corinthiens : « Je vous en conjure donc, soyez mes imitateurs. Pour cela je vous ai envoyé Timothée, qui est mon enfant bien-aimé et fidèle dans le Seigneur ; il vous rappellera quelles sont mes voies en Christ, quelle est la manière dont j’enseigne partout dans toutes les Églises » (1 Co 4.16,17). 

Les chrétiens sont parfois surpris lorsqu’ils recherchent dans la Bible la description du rôle d’un ancien, car ils constatent que les auteurs décrivent bien plus souvent son caractère que son rôle (1 Ti 3.2‑7 ; Tit 1.6‑9). Il est également intéressant de noter que ces descriptions du caractère d’un ancien font référence à des attributs qui devraient caractériser tout chrétien : être sobre, modéré, réglé dans sa conduite, hospitalier, et ne pas être adonné au vin, ni violent, ni attaché à l’argent, mais être indulgent, pacifique, et ainsi de suite. Ces qualités ne devraient-elles pas caractériser tout chrétien ? Les seules exceptions sont : « propre à l’enseignement » (1 Ti 3.2) et « il ne faut pas qu’il soit un nouveau converti » (v. 6). On pourrait se demander pourquoi Paul n’exige pas des prérequis plus remarquables de la part des anciens, comme « avoir fait ses preuves à la tête de grandes organisations », « avoir fondé sept orphelinats » ou « avoir été à l’origine d’un réveil ayant conduit à la conversion de centaines de personnes ». La raison est directement liée au fait que l’ancien est un exemple. En plus d’être propre à l’enseignement, sa vie doit pouvoir être imitée par les autres chrétiens.

Les anciens ne constituent pas une « classe » distincte de chrétiens, comme on distinguerait les aristocrates des gens du peuple, ou bien les prêtres médiévaux des laïcs. Concrètement, un ancien est un chrétien et un membre de l’Église qui est mis à part parce que son caractère est exemplaire et qu’il est capable d’enseigner.

Ce qui distingue l’ancien du membre ordinaire, bien que l’ancien soit formellement identifié par un titre, est une différence de maturité et non de classe. Comme un parent avec son enfant, l’ancien cherche constamment à inciter les membres à grandir en maturité. Il s’agit sans aucun doute d’une fonction bien distincte. Et tous les chrétiens matures ne remplissent pas forcément les conditions requises. Au fond, l’ancien doit s’efforcer de montrer l’exemple pour que les membres l’imitent, tout comme il imite lui-même Christ (voir 1 Co 4.16 ; 11.1).

Pour employer des métaphores, il montre comment utiliser des outils comme le marteau et la scie, puis il les place entre les mains des membres de l’Église. Il joue des gammes au piano ou fait un swing avec son club de golf, puis il demande aux membres de l’Église de reproduire ses gestes.

En fait, on pourrait dire qu’être un pasteur-ancien consiste à passer sa vie entière à prêcher par l’exemple. Vous avez déjà dû voir cela à l’école primaire : un enfant apporte un jouet en classe, il en parle à ses camarades et il le leur montre. Il les laisse le manipuler et analyser comment il fonctionne.

Telle est la vie d’un pasteur ou d’un ancien. Il dit aux membres de son Église : « Laissez-moi vous enseigner le chemin de la croix. Observez-moi marcher. Voici comment on supporte la souffrance. Voici comment on aime ses enfants. Voici comment on partage l’Évangile. Voici à quoi ressemblent la générosité et la justice. Laissez-moi vous montrer comment être vaillants pour la vérité et bienveillants à l’égard des personnes brisées. »

En tant que membres, quel est notre devoir vis-à-vis de nos anciens ? L’auteur de l’épître aux Hébreux l’expose en quelques mots : « Souvenez-vous de vos conducteurs qui vous ont annoncé la parole de Dieu ; considérez quelle a été la fin de leur vie, et imitez leur foi » (Hé 13.7).


Cet article est adapté du livre : « Redécouvrir l’Église locale » de Jonathan Leeman et Collin Hansen