Quelle était la Bible de Jésus ? (John Piper)
« L’Écriture ne peut être annulée »
Il n’est relaté nulle part dans la Bible que Jésus aurait eu un quelconque différend avec les chefs juifs à propos des livres qui constituaient les Écritures juives. Jésus semble présumer que leur Bible était la même que la sienne. Il fait d’ailleurs des déclarations remarquables concernant l’autorité de celle-ci : « … l’Écriture ne peut pas être annulée » (Jn 10.35). Compte tenu des hostilités entre les plus grandes autorités juives et Jésus, et l’extrême attachement de Jésus aux Écritures hébraïques, ses adversaires n’auraient certainement pas manqué l’occasion de le critiquer et de le reprendre s’il avait laissé entendre que les Écritures juives devaient être complétées par d’autres livres tels que les Apocryphes. Rien ne prouve que Jésus ait fait une pareille chose. Et nous n’avons aucune preuve qu’il a essuyé des critiques quant à ce qu’il affirmait constituer le canon hébraïque. Jésus et ses adversaires divergeaient sur la signification des Écritures hébraïques, pas sur leur composition.
La loi, les prophètes et les psaumes
Il n’est donc pas surprenant que Jésus, lorsqu’il cite toute la Bible hébraïque, adopte les termes qui reflétaient la division juive classique (Loi, Prophètes et Écrits). Il déclare, par exemple, dans Luc 24.44 :
C’est ce que je vous disais lorsque j’étais encore avec vous : il fallait que s’accomplisse tout ce qui est écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les psaumes.
Je pense que Robert Stein a raison quand il affirme que l’usage du terme « Psaumes » au lieu d’« Écrits » s’explique par le fait que les Psaumes représentaient le premier et le plus important livre parmi les Écrits, et qu’il a fini par désigner l’ensemble des « Écrits ». Après avoir mentionné les trois parties constitutives des Écritures hébraïques, Luc dit au verset suivant : « Alors il leur ouvrit l’intelligence afin qu’ils comprennent les Écritures » (Lu 24.45). Autrement dit, ce que Jésus a appelé « Loi de Moïse, Prophètes et Psaumes », Luc le qualifie d’« Écritures ». À l’évidence, la Bible de Jésus n’était pas la Septante – avec ses livres ajoutés et son ordre différent des livres – mais bien la Bible hébraïque dont il utilisait la structure tout naturellement.
Jésus incluait-il les livres de la Septante?
Voici la démonstration la plus convaincante que la Bible de Jésus ne contenait que les livres de la Bible hébraïque et non les livres apocryphes de la Septante : Jésus, tout comme son peuple, partait du postulat que la Bible commençait par la Genèse et se terminait par 2 Chroniques (contrairement à la Septante). Nous le voyons dans Luc 11.49-51 :
C’est pourquoi la sagesse de Dieu a dit : « Je leur enverrai des prophètes et des apôtres, ils tueront les uns et persécuteront les autres », afin qu’il soit demandé compte à cette génération du sang de tous les prophètes qui a été versé depuis la création du monde, depuis le sang d’Abel jusqu’au sang de Zacharie, tué entre l’autel et le temple. Oui, je vous le dis, il en sera demandé compte à cette génération.
De prime abord, nous pourrions être perplexes face à cette expression « depuis le sang d’Abel jusqu’au sang de Zacharie ». Pourquoi Jésus parle-t-il du sang des prophètes en désignant Abel comme le premier d’entre eux et Zacharie comme le dernier ? En ce qui concerne Abel, c’est probablement lié au fait que son sang répandu accuse prophétiquement son meurtrier : « Dieu dit alors [à Caïn] : “Qu’as-tu fait ? Le sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi” » (Ge 4.10).
Le prophète Zacharie et 2 Chroniques
Mais pourquoi mentionner Zacharie comme le dernier prophète ? Sa lapidation est rapportée dans 2 Chroniques 24.20,21 :
Alors l’Esprit de Dieu revêtit Zacharie, le fils du prêtre Jehojada. Il se présenta devant le peuple et lui annonça : « Voici ce que dit Dieu : Pourquoi transgressez-vous les commandements de l’Éternel ? Vous ne rencontrerez aucun succès, car vous avez abandonné l’Éternel, de sorte qu’il vous abandonnera. » Mais ils conspirèrent contre lui et le lapidèrent, sur l’ordre du roi, dans le parvis de la maison de l’Éternel.
Pourquoi ce Zacharie (qui n’est pas l’auteur du livre vétérotestamentaire de Zacharie) est-il considéré comme le dernier des prophètes martyrs ? Chronologiquement, le dernier martyr de l’Ancien Testament est Urie, fils de Shemaeja, dont la mort est rapportée dans Jérémie 26.20-23. Il a été mis à mort sous le règne de Jojakim (609-598 av. J.-C.), soit environ deux siècles après le Zacharie dont parle Jésus.La raison est simple. Le deuxième livre des Chroniques – dans lequel figure la description du meurtre de Zacharie – est le dernier livre du canon hébreu. Ainsi, quand Jésus déclare « depuis le sang d’Abel jusqu’au sang de Zacharie », il se réfère à tous les prophètes du début jusqu’à la fin de la Bible, les Écritures hébraïques. Jésus se servait donc de la Bible hébraïque qui, contrairement à la Septante, se termine par le livre des Chroniques.
Cet article est tiré du livre : Une gloire particulière de John Piper